L’avenir de la CBC/Radio-Canada sera un enjeu des prochaines élections fédérales
OTTAWA — Le gouvernement libéral compte toujours dévoiler des changements au mandat de la CBC/Radio-Canada, mais en auront-ils le temps ?
La hâte avec laquelle les partis d’opposition souhaitent renverser le gouvernement et déclencher des élections brouille l’avenir immédiat à ce sujet. Il devient peu probable qu’un projet de loi pourra être présenté et adopté à temps.
Comme le chef conservateur Pierre Poilievre, dont le parti domine dans les intentions de vote, selon les sondages, tient à sa promesse de réduire le financement de la CBC, l’existence même du diffuseur public pourrait devenir un enjeu de la prochaine campagne électorale.
Peter Menzies, de l’Institut Macdonald-Laurier, prédit que «la CBC va se retrouver dans une position très difficile en couvrant la campagne électorale dont elle pourrait être un enjeu important».
Sara Andrews, directrice des relations gouvernementales et avec les médias du groupe Les Amis des médias canadiens, croit elle aussi que l’avenir du diffuseur public sera un «grand enjeu» pour les Canadiens.
«On parle de l’existence même de la CBC, dit-elle. Pour certaines personnes, elle porte autant l’identité canadienne que le sirop d’érable et le castor. Elle est fondamentale pour note identité.»
Les conservateurs n’ont pas dévoilé les modalités de leur programme au sujet de la suppression du financement de la CBC/Radio-Canada. Le parti promet toutefois de garder le financement du service français des nouvelles de Radio-Canada à sa hauteur actuelle.
Le porte-parole conservateur du dossier du patrimoine canadien, Damien Kurek, juge que la CBC n’est plus qu’une machine de propagande qui ne fonctionne plus. Il promet que transformer le siège social de la société d’État en logements.
En 2023-2024, CBC/Radio-Canada a reçu 1,44 milliard $ du gouvernement fédéral. Ses revenus s’élevaient à 493,5 millions $.
M. Menzies croit que la promesse conservatrice de couper le financement de CBC s’adresse à la base du parti. «Cela stipule leurs partisans, ça stimule les campagnes de financement du parti», dit-il.
Toutefois, il n’est pas sûr si ce message est bien capté par l’électorat en général.
Des sondages menés par le Centre pour les médias, la technologie et la démocratie de l’Université McGill indiquent qu’une majorité de Canadiens, y compris les électeurs conservateurs, souhaitent maintenir l’existence de la CBC. Par exemple, seulement 11 % des répondants d’un sondage réalisé à la fin d’août et au début de septembre souhaitaient éliminer le financement de la société d’État.
«Promettre de couper le financement dans un programme électoral est une décision idéologique. C’est une position qu’ils devront défendre devant le pays», souligne Jessica Johnson, du Centre pour les médias, la technologie et la démocratie de l’Université McGill.
Mais, si une majorité de Canadiens ne souhaitent pas des changements radicaux à la gestion du diffuseur public, ils espèrent des améliorations.
«Ils veulent qu’il accomplisse un meilleur travail à ce qu’il doit censé faire», ajoute Mme Johnson.
Selon des détracteurs de la position conservatrice, il serait difficile de distinguer la CBC et Radio-Canada, car les deux partagent souvent les mêmes ressources.
Comparaissant devant un comité parlementaire en novembre, la nouvelle pdg de la CBC/Radio-Canada, Marie-Philippe Bouchard, a déclaré que les deux services étaient extrêmement imbriqués. «Tous les services de soutien hors du Québec sont fournis par les services anglais, en fait. Sans ces services de soutien, il n’y a pas de service», a-t-elle dit.
Le mandat du diffuseur public est inscrit dans la Loi sur la radiodiffusion. On peut y lire qu’il doit «offrir des services de radiodiffusion qui comportent une très large programmation qui renseigne, éclaire et divertit».
Monica Auer, la directrice générale du Forum for Research and Policy in Communications, dit que la loi ne fait que reconnaître l’existence de la CBC/Radio-Canada.
«Si l’entité est totalement privée de financement, elle existe techniquement, elle ne peut plus fonctionner», mentionne-t-elle.
Un récent rapport du comité permanent du Patrimoine canadien affirmait que la suppression du financement de CBC/Radio-Canada entraînerait un grand nombre de pertes d’emploi. Il a aussi mentionné que le diffuseur public était souvent le seul média à offrir un service de nouvelles dans des endroits où les citoyens n’auraient autrement pas accès à des nouvelles locales et régionales.
Les membres conservateurs du comité se sont inscrits en faux et exigé de cesser le financement de CBC.
Dans une déclaration, la porte-parole de la ministre du Patrimoine, Pascale St-Onge, a dit que celle-ci «collabore étroitement depuis plusieurs mois avec les experts, les Canadiens et ses collègues du caucus pour adopter de nouvelles politiques pour la CBC/Radio-Canada. Elle espère en dire plus long sur le sujet à un moment voulu.»
Selon M. Menzies, le gouvernement libéral «a peut-être raté une occasion» en ne donnant pas un nouveau mandat à la CBC/Radio-Canada. Cela peut créer des problèmes pour Mme Bouchard qui n’est en fonction que depuis le 3 janvier.
«Elle a peut-être sa propre vision, mais je doute qu’elle puisse l’exprimer à son personnel, à moins d’obtenir un nouveau mandat. Ce qui pourrait de pas se produire. Elle est comme laissée en suspens.»