Langues officielles: «Vous n’acceptez aucune des demandes du Québec», dénonce le Bloc

OTTAWA — Le projet de loi C-13 visant à moderniser la Loi sur les langues officielles ne prévoit «rien» pour le Québec, dit constater le Bloc québécois à la suite d’un témoignage houleux de la présidente du Conseil du Trésor, Mona Fortier, devant un comité parlementaire.

«Vos réponses démontrent que vous n’acceptez aucune des demandes du gouvernement du Québec», s’est désolé mardi le porte-parole bloquiste en matière de langues officielles, Mario Beaulieu, au terme d’un bras de fer avec la ministre qui virait par moments à la cacophonie.

Dès le premier échange au comité permanent des langues officielles, M. Beaulieu lui a demandé si elle juge «faisable» de remplir la demande du Québec voulant que le français soit la langue «prédominante» dans la fonction publique fédérale dans la province.

La Franco-ontarienne, qui a précédemment siégé sur le comité, lui a alors répondu que les services fédéraux doivent être offerts «dans les deux langues officielles à travers le pays».

«Vous répétez le principe du bilinguisme institutionnel qui va à l’encontre de la Charte de la langue française, a pesté M. Beaulieu. Au Québec, il faut que ce soit prédominant. Il faut que ce soit la langue de travail, la langue commune.»

Le député lui a également demandé pourquoi 68% des fonctionnaires fédéraux au Québec doivent être bilingues alors que seulement 13 % ont cette obligation dans le reste du pays, comme le révèlent des données recueillies par Radio-Canada.

Mme Fortier lui a répondu qu’«il y a des régions désignées» bilingues et donc des postes où est exigée la maîtrise du français et de l’anglais.

En entrevue, M. Beaulieu a soutenu que ces données démontrent à quel point c’est «deux poids, deux mesures» et que la fonction publique fédérale «anglicise» le Québec.

Lorsque questionnée en mêlée de presse, la ministre a balayé l’accusation d’anglicisation et plaidé que les régions désignées bilingues visent à «respecter les francophones et les anglophones vivant en milieu minoritaire à travers le pays».

Il y a «beaucoup» d’éléments qui devraient plaire aux Québecois francophones dans le projet de loi C-13, a répliqué mercredi le ministre du Patrimoine canadien et lieutenant de Justin Trudeau pour le Québec, Pablo Rodriguez, lors d’une mêlée de presse en à son arrivée au caucus libéral.

M. Rodriguez a fait valoir que les francophones pouront travailler dans leur langue et recevoir des services dans leur langue dans les entreprises de compétence fédérale.

«Ça, c’est fondamental. C’est différent, a-t-il lancé. On utilise une loi qui est de notre propre juridiction pour intervenir dans notre propre champ de juridiction pour promouvoir le français et défendre le français.»

Lors d’une seconde ronde de questions en comité, le bloquiste y est allé de plus belle. «Le Québec, ce qu’il a demandé, c’est de reconnaître que des deux langues officielles, il n’y a qu’une seule minoritaire, une seule qui est menacée: c’est le français, a-t-il dit. Et vous nous expliquez que dans C-13 c’est rejeté. Vous considérez qu’au Québec c’est l’anglais qui est la langue minoritaire.»

«On reconnaît qu’il y a un recul de la langue française au Québec et à travers le pays», lui a répondu de peine et de misère la ministre Fortier, alors que le député répliquait que «reconnaître un recul, mais continuer d’appuyer seulement l’anglais, ça ne marche pas».

Le témoignage de la ministre Fortier a également déplu aux conservateurs. «Je suis très déçu. Il n’y a pas d’ouverture», a déclaré aux médias leur porte-parole en matière de langues officielles, Joël Godin. Le député s’est également demandé si le gouvernement souhaite réellement améliorer le projet de loi.

Les deux derniers témoins qu’entendra le comité pourraient venir témoigner aussitôt que jeudi. Il s’agit de la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, et du ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez.

Le comité procédera ensuite à l’étude article par article pendant huit réunions, à un rythme de deux par semaine en vertu d’une entente entre les partis, ce qui permettrait à C-13 d’être envoyé à la Chambre des communes à la mi-février ou au début mars.

Le projet de loi d’Ottawa consacre un nouveau droit de travailler et d’être servi en français au Québec et dans les régions à forte présence francophone des autres provinces dans les entreprises privées de compétence fédérale, comme les banques, les compagnies aériennes ou ferroviaires.