La situation à Gaza est «déchirante», dit Freeland, après les reproches de Nétanyahou

OTTAWA — La situation dans la bande de Gaza est «déchirante», a déclaré la vice-première ministre du Canada, mercredi, alors que la veille, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou réprimandait Justin Trudeau pour avoir dénoncé «la mort de femmes, d’enfants et de bébés» dans la bande de Gaza.

De passage mercredi à Mascouche, dans Lanaudière, la vice-première ministre, Chrystia Freeland, a avoué aux journalistes qu’il était «vraiment difficile de voir les images de ce qui se passe» dans la bande de Gaza.

Mme Freeland, qui est également ministre des Finances, était invitée à répondre aux commentaires du premier ministre Nétanyahou, qui a rapidement répliqué à ceux de Justin Trudeau mardi.

Le premier ministre canadien avait exhorté le gouvernement israélien à «faire preuve de la plus grande retenue» dans sa guerre contre le Hamas, qui comprend des frappes aériennes régulières sur le territoire palestinien assiégé de Gaza.

De passage à Vancouver mardi, M. Trudeau avait soutenu que «le prix de la justice ne pouvait être la souffrance continue de tous les civils palestiniens» et que «les guerres avaient des règles».

Le premier ministre a rappelé que le monde était témoin de la mort de femmes, d’enfants et de bébés, et que cela devait cesser.

«La tragédie humaine qui se déroule à Gaza est déchirante, en particulier les souffrances que nous voyons à l’intérieur et autour de l’hôpital Al-Shifa», a-t-il dit.

Réponse ferme de Netanyahou

Israël a déclenché la guerre contre le Hamas, que le Canada considère comme une entité terroriste depuis 2002, après que ses militants ont tué 1200 personnes en Israël le 7 octobre, dont des centaines de civils dans des kibboutzim et sur un festival en plein air de musique. Des combattants du Hamas ont aussi pris 240 personnes en otage.

Le ministère de la Santé de la bande de Gaza, contrôlé par le Hamas, affirme que l’offensive israélienne a tué jusqu’ici plus de 11 200 Palestiniens, dont les deux tiers sont des femmes et des enfants.

Les commentaires de M. Trudeau ont suscité mardi une réponse ferme de la part de M. Netanyahou sur X (anciennement Twitter). «Alors qu’Israël fait tout pour garder les civils hors de danger, le Hamas fait tout pour les maintenir en danger», a écrit le premier ministre. «C’est le Hamas, et non Israël, qui devrait être tenu responsable d’avoir commis un double crime de guerre: s’en prendre à des civils tout en se cachant derrière d’autres civils.»

Yair Lapid, chef de l’opposition en Israël, a également critiqué M. Trudeau mercredi pour ses commentaires. «Israël se défend dans des conditions difficiles contre une organisation terroriste brutale tout en essayant de sauver des bébés, des enfants, des femmes et des hommes retenus en otages», a écrit M. Lapid sur X, en s’adressant à M. Trudeau.

«Si jamais le Canada se retrouvait sous une attaque soutenue et brutale comme celle à laquelle nous sommes confrontés actuellement, vous trouveriez Israël à vos côtés, a-t-il ajouté. Nous attendons [de vous] le même soutien.»

M. Trudeau avait spécifiquement fait référence mardi à l’hôpital Al-Shifa, le plus important de Gaza, où, selon les médecins, des patients commencent à mourir alors que l’établissement, encerclé par les troupes terrestres israéliennes, manque de carburant.

Israël considère cet hôpital comme une cible clé, alléguant, sans fournir de preuves matérielles, que le Hamas a installé son principal centre de commandement dans et sous l’édifice. Le Hamas et le personnel hospitalier nient ces allégations.

Appel au Hamas

Dans ses commentaires mardi, M. Trudeau a également précisé que le Hamas devait cesser d’utiliser les Palestiniens comme boucliers humains et libérer tous les otages «immédiatement et sans condition».

Il a insisté pour que la violence cesse «afin que les Palestiniens puissent avoir accès à des services médicaux vitaux, à de la nourriture, du carburant et de l’eau, afin que tous les otages puissent être libérés, et afin que tous les Canadiens et les autres ressortissants puissent quitter Gaza».

Mercredi, le chef néo-démocrate, Jagmeet Singh, a salué les plus récents propos de M. Trudeau. «Il devrait évidemment y avoir un respect total du droit international et il y a de profondes inquiétudes quant à son non-respect, c’est donc une critique légitime», a-t-il déclaré aux journalistes à Toronto.

M. Singh a également réitéré ses exigences pour que le premier ministre canadien appelle à un cessez-le-feu, estimant que cette déclaration renforcerait la crédibilité du Canada sur la scène internationale.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, demande maintenant un «cessez-le-feu multilatéral et temporaire» pour permettre l’acheminement de l’aide humanitaire dans le territoire assiégé.

Le bureau du chef conservateur Pierre Poilievre n’a pas répondu à une demande d’entrevue. Mais la cheffe adjointe, Melissa Lantsman, a qualifié les commentaires de M. Singh de «dégoûtants», dans une publication sur Instagram mercredi.

Deux passages à Rafah mercredi

M. Trudeau a fait face à des pressions accrues au niveau national de la part du Conseil national des musulmans canadiens, des agences d’établissement des réfugiés et de députés – y compris certains libéraux – pour appeler à un cessez-le-feu, dans le but d’évacuer les civils en toute sécurité et de fournir de l’aide humanitaire.

M. Trudeau a plutôt appelé à «une pause humanitaire durable» dans les bombardements. Les responsables israéliens affirment qu’un cessez-le-feu ne ferait que permettre au Hamas de fourbir ses armes.

Pendant ce temps, deux autres Canadiens, résidents permanents ou membres de leur famille admissibles ont traversé mercredi en Égypte par le poste frontalier de Rafah, selon Affaires mondiales. Aucune personne liée au Canada n’avait été autorisée à partir mardi et un groupe de 10 personnes avait réussi à traverser lundi.

Au total, 367 Canadiens ont réussi à passer par Rafah jusqu’à présent, selon l’agence fédérale, alors que des centaines de personnes liées au Canada continuent d’attendre de l’aide pour partir.

Affaires mondiales Canada a indiqué dans une mise à jour aux médias mercredi après-midi que le gouvernement canadien était en contact avec 386 Canadiens, résidents permanents et membres de leur famille admissibles à Gaza et 63 en Cisjordanie.