La réforme de la Loi sur les langues officielles a reçu la sanction royale

OTTAWA — La réforme de la Loi sur les langues officielles a reçu mardi en début d’après-midi la sanction royale et a désormais force de loi.

«Monsieur le président, bonne nouvelle: le Sénat vient de confirmer la sanction royale du projet de loi C-13», a lancé la ministre des Langues officielles, Ginette Petitpas Taylor, lors de la période des questions.

Alors que des élus applaudissaient et que des «hé» se faisaient entendre, la ministre s’est réjouie que la loi donne «des meilleurs outils pour freiner le déclin du français et pour mieux protéger nos communautés de langues officielles en situation minoritaire».

La nouvelle mouture de la loi consacre le droit de travailler et d’être servi en français au Québec et dans les «régions à forte présence francophone» des autres provinces dans les entreprises privées de compétence fédérale, comme les banques et les compagnies aériennes ou ferroviaires.

Et toujours dans ces entreprises, elle aligne la loi fédérale sur la Charte de la langue française afin de rendre très similaires les régimes linguistiques du Québec et d’Ottawa.

La pièce législative donne également au commissaire aux langues officielles le pouvoir de donner des ordres aux institutions fédérales et crée un régime de sanctions, mais celles-ci sont limitées à 25 000 $. Aussi, elle force la nomination de juges bilingues à la Cour suprême.

Dans le foyer de la Chambre des communes, la ministre Petitpas Taylor a déclaré aux journalistes qu’il s’agit d’une «journée historique» et que le «projet de loi» aura «un impact positif et durable pour nos enfants et nos petits-enfants».

Appelée à dire si elle croit que la loi modernisée réussira non seulement à freiner le déclin du français, mais aussi à le faire croître, Mme Petitpas Taylor a expliqué qu’elle vise deux objectifs.

«Numéro un, de protéger et promouvoir nos deux langues officielles partout au pays. Mais aussi, on doit tous faire notre juste part. Si on veut atteindre l’égalité réelle, c’est sûr qu’on doit donner un coup de pouce à la langue française. Puis, avec notre projet de loi, c’est sûr qu’on offre exactement ça.»

Le projet de loi a franchi la semaine dernière l’étape de la troisième lecture au Sénat après y avoir été examiné de manière expéditive à la suite de son adoption à la quasi-unanimité des élus à la Chambre des communes, il y a un mois, et sous la pression des communautés francophones minoritaires et du gouvernement du Québec.

Le sénateur René Cormier, qui était le parrain de C-13 à la Chambre haute, a d’ailleurs fait un clin d’œil lors de la conférence de presse de la ministre au fait que les sénateurs auraient aimé continuer leur étude, bien qu’ils soient «quand même très, très heureux et extrêmement contents» de la version adoptée.

«L’épanouissement de la francophonie canadienne et l’atteinte de l’égalité réelle entre nos deux langues officielles dépendent de l’application efficace de cette loi», a-t-il insisté.

À leur arrivée à la période des questions, mardi, des députés libéraux ne cachaient pas leur joie, l’un d’eux, Darrell Samson de la Nouvelle-Écosse, évoquant «la meilleure journée» depuis la dernière refonte majeure de la loi il y a plus de 30 ans.

Le porte-parole conservateur en matière de langues officielles, Joël Godin, a pour sa part réitéré que, selon lui, Ottawa a «accouché d’une souris» et qu’il aurait fallu aller bien plus loin pour protéger le français.

Questionné quant aux efforts qu’il a dû déployer pour convaincre son caucus de voter en faveur du projet de loi, M. Godin a indiqué qu’«il y a eu un travail dans le caucus», mais que «ça n’a pas été difficile».

Du côté du Bloc québécois, son porte-parole Mario Beaulieu a attribué à sa formation l’introduction d’«éléments d’asymétrie pour faire reconnaître que les anglophones au Québec n’ont pas du tout les mêmes besoins que des minorités francophones hors Québec».

Il s’agit maintenant que «les bottines suivent les babines», a-t-il ajouté, en rappelant que le plan d’action sur les langues officielles annoncé tout récemment viendra presque exclusivement appuyer l’anglais au Québec au même moment où le gouvernement Trudeau se targue d’être le premier à reconnaître que le français est menacé dans la province.

La porte-parole du Nouveau Parti démocratique en matière de langues officielles, Niki Ashton, a affirmé dans une déclaration écrite être «fière» du travail accompli et a noté le «bel esprit de collaboration» durant le parcours.

«Je veux reconnaître les communautés francophones qui se sont battues pour une loi modernisée depuis des décennies. Ce moment historique leur appartient», a-t-elle mentionné.

Dans un communiqué de presse, le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, a dit «célébrer» la modernisation de la loi. Selon lui, cela «marque le début d’un nouveau chapitre de l’histoire des langues officielles».

M. Théberge reconnaît que la réforme inquiète des anglophones du Québec et juge qu’il devra donc «surveiller étroitement» les impacts de C-13 avec des «indicateurs précis».

La modernisation de cette loi quasi constitutionnelle était une promesse phare des libéraux de Justin Trudeau. Le premier ministre s’y était engagé en 2018. La Loi sur les langues officielles est entrée en vigueur il y a plus de 50 ans.