La dépendance aux réseaux sociaux serait plus grande chez les jeunes défavorisés

MONTRÉAL — Les adolescents issus de milieux défavorisés sont plus susceptibles de présenter des comportements associés à une dépendance envers des réseaux sociaux comme Facebook et Instagram, révèle une étude internationale à laquelle a participé un chercheur montréalais.

Les adolescents pouvaient par exemple évoquer un sentiment de malaise en l’absence des médias sociaux, des tentatives infructueuses de réduire le temps accordé à ces applications, et le recours aux réseaux sociaux pour échapper à des sentiments négatifs.

Les chercheurs ont considéré que les jeunes qui décrivaient au moins six comportements associés à la dépendance avaient potentiellement un problème.

Les auteurs de l’étude ont interrogé presque 180 000 jeunes dans une quarantaine de pays, ce qui a permis de brosser un portrait global de la situation. Cela leur a notamment permis de constater que la problématique était particulièrement présente dans les écoles où les disparités économiques entre les élèves étaient plus marquées.

«On ne parle pas de pauvreté dans le sens absolu du terme, a précisé l’un des auteurs de l’étude, le professeur Frank Elgar de l’Université McGill. On parle de ce que c’est que d’être ‘l’enfant pauvre à l’école’, de votre position relative par rapport aux autres élèves ou aux gens qui vous entourent.»

Les réseaux sociaux, on le sait, peuvent refléter des modes de vie éblouissants et luxueux, et les chercheurs ont voulu savoir si cela pourrait avoir un impact chez les jeunes qui sont ― ou qui se perçoivent comme étant ― défavorisés.

Ils ne se sont pas intéressés à des mesures comme le nombre d’heures que les jeunes passent en ligne chaque jour, mais plutôt à ce qu’ils ressentent quand ils sont incapables de consulter leur statut virtuel ou de lire leurs messages.

«Et nous avons trouvé qu’un environnement plus inégal et une plus grande pauvreté relative semblent être davantage associés à cette utilisation compulsive (des réseaux sociaux), et ça correspond à d’autres travaux que nous avons effectués sur la santé mentale des jeunes», a dit M. Elgar.

Cette utilisation compulsive semble trouver son origine non pas dans la pauvreté comme telle, a-t-il précisé, mais plutôt dans les écarts entre riches et pauvres, dans les inégalités entre les classes sociales.

Et l’utilisation des réseaux sociaux n’est pas le seul aspect inquiétant à être mis en lumière par cette enquête scolaire que le Canada et d’autres pays mènent tous les quatre ans: pratiquement tous les aspects de la santé, du comportement, de la santé émotionnelle et du fonctionnement social semblent associés aux inégalités, et d’une manière qui n’est pas positive, a dit M. Elgar.

«Plus on descend l’échelle sociale, plus on rencontre ces problèmes, y compris l’utilisation des réseaux sociaux, a-t-il indiqué. Partout où on trouve un grand écart entre les riches et les pauvres, ces problèmes sont plus fréquents.»

Les adolescents sont grandement préoccupés par leur position sociale et par l’image qu’ils projettent, rappelle le professeur Elgar, ce qui explique peut-être, ou du moins en partie, pourquoi les jeunes défavorisés semblent particulièrement vulnérables.

«Les jeunes ont souvent peur de rater quelque chose (‘fear of missing out’, en anglais), a-t-il dit. Et dans ce cas-ci, ceux qui sont défavorisés ont l’impression de ne pas avoir les mêmes opportunités que les autres.»

Cela alimente ensuite une colère, une anxiété envers l’avenir et un ressentiment qui trouvent un écho en ligne, a précisé M. Elgar.

À force d’être constamment bombardé d’images de luxe et de célébrité, a-t-il ajouté, on finit inévitablement par regarder notre propre vie et ressentir un certain malaise ― ou carrément avoir envie de hurler.

«Les réseaux sociaux ne sont pas une mauvaise chose, a conclu le professeur Elgar. Ils sont neutres. Mais face à une utilisation compulsive, ça devient plus difficile de percevoir leurs avantages, et ça semble particulièrement intense parmi les jeunes défavorisés.»

Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal scientifique Information, Communication and Society.