La CAQ dévoile une nouvelle mouture du projet de troisième lien entre Québec et Lévis

LÉVIS, Qc — Pour relier les centres-villes de Québec et Lévis, le gouvernement Legault prévoit désormais construire deux tunnels, comportant au total quatre voies, dont aucune ne sera entièrement réservée au transport collectif.

C’est ce qu’a confirmé jeudi le ministre des Transports, François Bonnardel, lors d’une conférence de presse pour présenter la nouvelle mouture du projet de troisième lien, à laquelle le premier ministre François Legault n’a pas participé.

Exit, donc, le projet présenté en grande pompe par le gouvernement caquiste en mai 2021, qui prévoyait un immense tunnel à deux étages, doté de six voies et évalué à 10 milliards $.

Cette nouvelle idée de forer, sous le fleuve Saint-Laurent, deux tunnels plus modestes représentera une économie pour les contribuables d’environ 3 milliards $, s’est félicité M. Bonnardel.

Le coût est dorénavant estimé à 6,5 milliards $. La «mise à jour» du projet de troisième lien a été rendue nécessaire en raison de l’inflation «galopante» et de la pénurie de main-d’oeuvre, a affirmé le ministre.

De passage à Lac-Mégantic jeudi, M. Legault a déclaré que «c’est beaucoup d’argent, mais c’est nécessaire». Il a répété s’attendre à ce qu’Ottawa paie 40 % de la facture, malgré qu’il n’ait reçu à ce jour aucun engagement ferme en ce sens.

«Le fédéral serait très malvenu de ne pas contribuer son 40 %. Il l’a fait dans d’autres projets dans le reste du Canada», a souligné le premier ministre.

Contrairement à ce qui était prévu à l’origine, il n’y aura pas de voie réservée exclusivement au transport en commun. On misera plutôt sur la gestion dynamique, pour qu’au moins une voie soit réservée aux autobus pendant les heures de pointe.

Le gouvernement Legault s’est toujours fait reprocher son incapacité à produire des études prouvant la nécessité d’un troisième lien à Québec, dont la facture sera refilée à l’ensemble des contribuables du Québec.

Jeudi, il a avancé que d’ici 2036, 36 800 déplacements interrives additionnels viendront empirer le trafic, qui a augmenté de plus de 20 % en près de 20 ans sur les deux ponts vieillissants actuels.

Québec estime que dans une dizaine d’années, 143 000 véhicules par jour traverseront le pont Pierre-Laporte, alors qu’il a été conçu pour un débit quotidien de 90 000 véhicules et qu’on en enregistre 126 000 par jour.

Le temps d’attente actuel sur le pont Pierre-Laporte est de 20 minutes en moyenne, selon le ministère des Transports, qui calcule qu’il grimpera à 28,2 minutes en 2040.

Marchand sceptique, Lehouillier jubile

Au sortir de la conférence de presse du ministre, qui se tenait jeudi au Centre des congrès de Lévis, le maire de Québec, Bruno Marchand, a déclaré aux journalistes qu’il restait à convaincre. 

«C’est un projet qui est à définir, a-t-il dit. On nous présente aujourd’hui une vision. On va avoir besoin de preuves, de faits, de données. (…) Il reste beaucoup à démontrer.»

Par exemple, il voit difficilement comment il pourrait «cautionner» un projet qui «additionnerait de l’étalement urbain». M. Bonnardel avait plus tôt parlé d’un «rééquilibrage». 

«Rééquilibrer, ça veut dire développer l’est comme on a développé l’ouest. Donc ça veut dire plus d’étalement urbain», a soutenu le maire de Québec, qui n’a pas applaudi à la fin de la présentation.

«Je n’ai rien contre le fait que les familles veulent s’établir où elles le veulent. L’enjeu ici, c’est l’impact que ça a sur le transport et sur les GES, qui nous empêchent de réduire nos émissions de GES de façon à atteindre nos cibles (climatiques)», a-t-il ajouté. 

À l’opposé, le maire de Lévis, Gilles Lehouillier, a salué cet «excellent projet».

«Je suis convaincu que ce projet-là va aller chercher l’acceptabilité sociale, a-t-il dit. Vous avez vu la fourchette au niveau budgétaire, au niveau de la technologie, on va rassurer les gens. (…) C’est le meilleur projet.»

François Bonnardel a par ailleurs promis une mise à jour annuelle d’ici le dépôt du dossier d’affaires, en 2025. L’inauguration du nouveau troisième lien est prévue en 2032.

Toujours aussi «absurde» et «néfaste»

En matinée, le député de Québec solidaire dans Jean-Lesage, Sol Zanetti, avait déclaré que la Coalition avenir Québec «s’obstinait» à présenter un projet «d’élargissement d’autoroutes».

En point de presse à l’Assemblée nationale, M. Zanetti a qualifié le projet révisé de troisième lien de «ridicule, néfaste, absurde». «C’est un projet d’étalement urbain, d’augmentation du bilan de GES.» 

Il déplore notamment l’abandon de la «seule affaire qui pouvait avoir le quart du millième d’une fraction de bon sens, c’est-à-dire le transport collectif».

Pour la porte-parole libérale en environnement, Isabelle Melançon, il est évident que François Legault était absent «parce qu’il doit savoir lui-même que ça n’a aucun bon sens».

Avec ce projet «électoraliste», le gouvernement tente essentiellement de «sauver le siège d’Éric Caire», a pour sa part dénoncé le péquiste Pascal Bérubé.

En 2018, M. Caire, qui est l’actuel ministre de la Cybersécurité et du Numérique, avait promis de démissionner si la CAQ reculait dans le dossier du troisième lien.

«Il n’y a aucun député qui va voir sa réélection valoir autant que lui», a ironisé M. Bérubé.