Incendies: «Facebook fait passer ses profits avant notre démocratie», dit Trudeau

CHARLOTTETOWN — Le premier ministre Justin Trudeau a partagé sa «frustration» face au comportement «épouvantable» de Facebook, qui bloque de sa plateforme aux Canadiens qui «fuient pour leur vie» les nouvelles locales sur la «dévastation apocalyptique» provoquée par les incendies de forêt en Colombie-Britannique et aux Territoires du Nord-Ouest.

«Ils mettent leurs profits, les profits de leur corporation, en priorité plutôt que le bien-être et l’information pour les Canadiens», a-t-il déclaré lundi lors d’un point de presse à l’Île-du-Prince-Édouard.

Selon M. Trudeau, Meta, l’entreprise qui possède Facebook et Instagram, «préfère laisser les personnes en danger plutôt que de partager ou de faire leur juste part pour appuyer la démocratie et le journalisme local».

Meta bloque les nouvelles canadiennes sur ses plateformes de médias sociaux depuis quelques semaines en réponse à la législation fédérale, le «projet de loi C-18», qui oblige certains géants de la technologie à payer pour le contenu des nouvelles diffusé sur leurs plateformes.

Le premier ministre en a rajouté une couche lorsque questionné à savoir s’il entendait ajuster la Loi sur les nouvelles en ligne afin que Meta revienne sur sa décision, affirmant que «Facebook faisait passer ses profits avant notre démocratie».

«Cela est la décision de Facebook!», a-t-il lancé. «Nous disons simplement que dans une démocratie, le journalisme local de qualité est important, et il est plus important que jamais lorsque les gens s’inquiètent pour leur maison, s’inquiètent pour les communautés, s’inquiètent du pire été pour les événements météorologiques extrêmes que nous ayons connu depuis très, très longtemps.»

Un porte-parole non identifié de Meta a répliqué par courriel lundi après-midi que les Canadiens peuvent continuer d’être informés sur la plateforme pour suivre les développements des incendies de forêt.

«Les Canadiens et Canadiennes continuent d’utiliser nos technologies en grand nombre pour entrer en contact avec leur communauté et accéder à des informations fiables, y compris le contenu des agences gouvernementales officielles, des services d’urgence et des organisations non gouvernementales», indique le porte-parole.

Il indique que «plus de 45 000 personnes avaient utilisé (l’outil Safety Check) vendredi dernier. De plus, 300 000 personnes ont visité les pages Facebook Crisis Response de Yellowknife et Kelowna afin de demander de l’aide, prendre des nouvelles de leurs proches et accéder à des renseignements».

«Nous continuerons à veiller à ce que les personnes vivant dans les communautés touchées reçoivent des informations fiables, crédibles et récentes sur nos plateformes», a ajouté le porte-parole.

À son arrivée à la retraite du cabinet, la ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, a insisté que les Canadiens ont besoin d’avoir accès à «de l’information de qualité, de l’information vérifiée pour avoir les bonnes indications, puis être en sécurité».

«Et, malheureusement, ils n’ont pas accès à ça présentement sur Facebook alors que, je le rappelle, la loi n’est pas encore en vigueur, a-t-elle poursuivi. Elle a été votée, mais elle n’est pas encore appliquée et donc il n’y a aucune bonne raison qui justifie ces actions-là par Facebook.»

Le premier ministre de la Colombie-Britannique, David Eby, s’est dit quant à lui «renversé» que Meta continue de bloquer le contenu des nouvelles canadiennes malgré la crise actuelle des incendies de forêt.

M. Eby a qualifié cette décision d’incroyablement frustrante, un peu comme si Meta «retenait les Britanno-Colombiens en otage pour faire valoir leur point de vue auprès d’Ottawa».

Le premier ministre Eby a également lancé un appel au cofondateur et PDG de Meta, Mark Zuckerberg, pour que l’entreprise ouvre l’accès aux médias canadiens afin que les résidants de la Colombie-Britannique puissent partager des informations locales critiques pour rester en sécurité.

Les commentaires de M. Trudeau surviennent alors que le groupe Les AMIS de la radiodiffusion, qui milite pour la radiodiffusion publique et les nouvelles, demande aux Canadiens et à leurs parlementaires de boycotter Facebook mercredi et jeudi en cessant de publier sur la plateforme.

«Meta doit comprendre que l’étranglement de nos nouvelles est la goutte de trop dans notre relation déjà tendue avec leurs plateformes. En invitant les internautes à éviter de publier pendant 48 heures, nous envoyons un message clair: si nos nouvelles partent, nous partons aussi», a écrit sa directrice générale, Marla Boltman, dans un communiqué de presse.

Dans une déclaration écrite, le porte-parole du Bloc québécois en matière de patrimoine, Martin Champoux, a fait part de l’appui de sa formation envers cette initiative.

«Le Bloc québécois appuie la démarche des AMIS de la radiodiffusion et s’abstiendra, par solidarité avec les médias québécois, de diffuser sur les réseaux sociaux de Meta les 23 et 24 août prochains. Nous invitons Meta, une fois de plus, à abandonner la ligne dure et à commencer à négocier de bonne foi avec les médias du Québec et du Canada afin de permettre le retour des nouvelles sur les réseaux. Tant et aussi longtemps que Meta s’y refuse, le Bloc québécois n’achètera aucune publicité sur ses plateformes», a-t-il fait savoir.

Les pompiers luttent contre des centaines d’incendies de forêt en Colombie-Britannique qui ont forcé 30 000 personnes à quitter leur domicile et à la déclaration de l’état d’urgence provincial. Dans les Territoires du Nord-Ouest, un incendie qui a forcé l’évacuation de Yellowknife reste toujours à environ 15 kilomètres de la capitale.

Le premier ministre Trudeau est à l’Île-du-Prince-Édouard jusqu’à mercredi où se tient à Charlottetown une retraite de son cabinet avant la reprise des travaux parlementaires à la mi-septembre. Les discussions devraient porter sur la crise du logement au pays et l’augmentation du coût de la vie.