Gaza: une politique étudiante de l’Université McGill suspendue par la Cour supérieure

MONTRÉAL — La Cour supérieure du Québec a rendu une ordonnance empêchant temporairement une association étudiante de l’Université McGill d’aller de l’avant avec une politique propalestinienne, approuvée lors d’un récent référendum.

L’ordonnance stipule que l’Association étudiante de l’Université McGill (AÉUM) a accepté de ne pas ratifier ni mettre en œuvre sa Politique contre le génocide en Palestine jusqu’à ce que l’affaire revienne devant les tribunaux, en mars.

Les étudiants de McGill ont voté ce mois-ci à 78,7%  en faveur de cette politique, qui appelle l’administration de l’école à condamner ce qu’elle appelle une «campagne de bombardements génocidaires» dans la bande de Gaza et à couper les liens avec «toute entreprise, institution ou individu complice du génocide, du colonialisme, de l’apartheid ou du nettoyage ethnique contre les Palestiniens».

Cette politique faisait partie d’une série de mesures incluses dans le référendum d’automne de l’association étudiante qui s’est terminé lundi, avec un taux de participation de 35,1%.

Une étudiante juive anonyme de McGill s’est adressée au tribunal pour contester cette politique, qu’elle a qualifiée dans des documents judiciaires de «littérature haineuse» qui viole la constitution de l’association étudiante ainsi que ses politiques en matière d’antisémitisme et d’équité.

Les documents indiquent que l’étudiante a demandé à rester anonyme parce qu’elle a reçu des menaces sur les réseaux sociaux pour avoir dénoncé cette politique. «L’atmosphère sur le campus de McGill est devenue tendue et effrayante pour les étudiants juifs», indiquent les documents judiciaires.

«En tant qu’étudiante juive, la plaignante craint pour sa sécurité personnelle à l’Université McGill», peut-on également lire.

La demanderesse souhaite que la politique soit annulée définitivement et réclame 125 000 $ en dommages-intérêts. Son avocat a précisé lors d’un entretien téléphonique que la demande de dommages-intérêts serait entendue à une date ultérieure.

L’Association étudiante de l’Université McGill a indiqué dans une déclaration écrite qu’elle consentait à suspendre la ratification de la politique, mais qu’elle prévoyait de lutter contre la tentative de la faire retirer définitivement.

L’avocat Rémi Bourget a indiqué que le groupe étudiant envisage également de contester la demande d’anonymat de la plaignante.

Défendre les étudiants juifs

Le groupe de défense juif B’nai Brith Canada a applaudi l’ordonnance du tribunal, mais a appelé l’Université McGill à en faire davantage pour défendre ses étudiants juifs et demander des comptes à l’association étudiante.

«Il est triste qu’une étudiante ait dû s’adresser aux tribunaux pour obtenir justice sur cette question, parce que l’université a échoué à plusieurs reprises à tenir ses associations étudiantes responsables d’avoir enfreint leurs propres règles», a soutenu son président-directeur général, Michael Mostyn, dans un communiqué. 

«Bien sûr, nous saluons la décision du tribunal de suspendre le référendum jusqu’à ce qu’une décision finale puisse être prise, mais McGill n’a pas besoin d’attendre jusque-là pour prendre la bonne décision», a-t-il ajouté.

L’Université McGill a déclaré dans un communiqué qu’elle croyait que la politique proposée, si elle était adoptée, «accentuerait les divisions dans notre communauté à un moment où de nombreux étudiants sont déjà en détresse».

Les administrateurs scolaires estiment également que l’adoption de cette politique mettrait l’association étudiante en violation de sa propre constitution — qui inclut d’agir dans le meilleur intérêt de ses membres dans leur ensemble — et de son protocole d’accord avec l’Université McGill.

«Nous avons écrit au président de (l’association) pour lui exposer les conséquences de l’adoption de cette politique», a avancé l’institution, sans fournir plus de détails.

Cette ordonnance du tribunal intervient dans un contexte de tensions persistantes liées à la guerre entre Israël et le Hamas, qui a commencé après que des militants ont tué environ 1200 personnes en Israël le 7 octobre. Israël a lancé une campagne de représailles qui, selon les autorités sanitaires de Gaza, a coûté la vie à plus de 12 700 personnes.