Fin du Publisac: la presse locale prise «dans une tempête parfaite»

MONTRÉAL — TC Transcontinental mettra fin au Publisac à la grandeur du Québec, en le remplaçant par un feuillet publicitaire. Il s’agit d’un dur coup pour les hebdos régionaux qui profitent de ce moyen de distribution.

L’imprimeur québécois a annoncé, vendredi, qu’il sonnait le glas du Publisac pour le remplacer par un nouveau feuillet publicitaire «plié en quatre» qui sera distribué par Postes Canada. À travers le Québec, la transition se fera entre février et mai prochains.

De nombreux hebdos locaux perdent ainsi leur moyen de distribution. L’annonce était attendue par l’industrie de la presse locale tandis que Transcontinental avait déjà lancé son feuillet, nommé «raddar», à Montréal en réaction à la réglementation qui interdit la distribution de porte à porte d’articles publicitaire aux gens qui ne l’ont pas demandé. 

Le changement crée tout de même une onde de choc pour les médias régionaux qui étaient distribués à l’aide du Publisac. «C’est une autre tempête qui s’abat sur le dos de la presse écrite québécoise», s’inquiète le président du conseil d’administration d’Hebdos Québec, Benoit Chartier, en entrevue. 

L’homme d’affaires qui est propriétaire de cinq hebdos, dont le «Courrier de Saint-Hyacinthe», affirme que l’industrie n’aura pas le choix de revoir son modèle d’affaires, «qui est cassé» par la perte d’un moyen de distribution utilisé depuis des décennies. «Soit qu’on va y aller par dépôt, soit qu’on va aller à Postes Canada, c’est un peu ça nos deux options.»

Pour un hebdo local, une distribution par le biais de Postes Canada pourrait être de «trois à quatre fois» plus coûteuse, souligne le porte-voix de l’industrie. 

Le Bloc québécois demande au gouvernement Trudeau qu’il fasse pression afin que Postes Canada offre un tarif préférentiel aux journaux locaux. «Le gouvernement a la responsabilité de faire tout en son pouvoir afin de permettre à nos médias de survivre pour qu’ils puissent continuer d’exercer le rôle névralgique», plaide son porte-parole en matière de Patrimoine, Culture et Communications, Martin Champoux.

La ministre du Patrimoine canadien, Pascale St-Onge, croit que les médias doivent s’adapter à la numérisation des contenus d’informations. «Il faut créer les conditions gagnantes pour que, comme par le passé, on a fait en sorte qu’à la télé, dans nos journaux, à la radio, on avait de la place, on avait accès à du contenu francophone québécois, a-t-elle dit, vendredi, lors d’une mêlée de presse à Montréal. Il faut faire la même chose en ligne. Pour ça, il faut des règles équitables pour tout le monde, et c’est là-dessus qu’on travaille.»

La «tempête parfaite»

M. Chartier évite d’évoquer la fermeture d’hebdos régionaux, mais il reconnaît que l’annonce amène un nouveau risque tandis que l’industrie traverse une «tempête parfaite», notamment avec la perte des revenus publicitaires accaparés par les géants du web. «Il y a un risque à la création de déserts journalistiques dus à la fermeture de journaux», concède-t-il.

La fin du Publisac à Montréal avait d’ailleurs contribué à la faillite et à la fin des activités de Métro Média. L’entreprise publiait 30 publications hyperlocales, dont le Journal Métro et 16 hebdomadaires imprimés.

M. Chartier blâme la mairesse de Montréal, Valérie Plante, qu’il accuse d’avoir déclenché une réaction en chaîne qui a forcé Transcontinental à revoir le modèle d’affaires du Publisac à la grandeur du Québec. «Elle a du sang de journalistes sur les mains», tranche-t-il. 

Il n’a pas été possible d’obtenir une réaction immédiate de Mme Plante. Par le passé, la mairesse s’est défendue d’être responsable des difficultés de Métro Média. Elle juge que les vents contraires que traverse l’industrie ne sont pas liés à la distribution, mais à une crise généralisée dans l’industrie. 

La nouvelle tombe au lendemain de l’annonce d’un licenciement majeur au Groupe TVA. Le diffuseur avait annoncé qu’il mettait à pied 547 employés, soit 31 % de ses effectifs. La société avait déjà aboli 140 postes en février.

Transcontinental se dit consciente des effets de sa nouvelle stratégie sur la presse écrite locale. «Nous regrettons les répercussions de la fin du Publisac sur plusieurs journaux hebdomadaires ainsi que sur nos partenaires distributeurs, réagit Patrick Brayley, vice-président principal, TC Imprimeries Transcontinental, dans un communiqué. Compte tenu des changements réglementaires récents et prévus en matière de distribution et de leurs contrecoups sur les plans opérationnel et financier, le modèle du Publisac se devait d’évoluer.»

L’entreprise promet d’offrir une page gratuite aux hebdos régionaux dans son nouveau feuillet et de fournir une visibilité à la presse locale sur son site web. 

La décision de Transcontinental pourrait lui faire perdre des revenus tandis qu’elle imprimera moins de papier avec son feuillet, souligne l’analyste Adam Shine, de financière Banque Nationale. «Transcontinental semble vouloir stabiliser le bénéfice tiré de cette activité, ou à tout le moins ralentir son déclin.»

L’action de Transcontinental gagne 33 cents, ou 3,04 %, à 11,17 $ à la Bourse de Toronto en après-midi. 

Entreprise dans cette dépêche: (TSX : TCL.A)