Fait inusité, un simple citoyen est semoncé en personne par la Chambre des communes

OTTAWA — La Chambre des communes a réprimandé en personne un simple citoyen pour la première fois depuis plus de 100 ans, mercredi, à Ottawa. 

Il s’agit là de la plus récente retombée du programme ArriveCan, alors que des députés montrent du doigt l’incapacité du gouvernement libéral à gérer le développement de cette application de l’ère pandémique.

Kristian Firth, l’un des partenaires de la firme GC Strategies, avait été «convoqué à la barre» de la Chambre des communes pour rendre des comptes en personne devant les députés, après avoir refusé de répondre à certaines questions lors d’une audience d’un comité parlementaire.

Mardi, M. Firth avait déclaré que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait exécuté un mandat de perquisition dans sa propriété.

Un porte-parole de la GRC a précisé mercredi que cette perquisition «n’était pas liée à l’enquête sur ArriveCan» et qu’aucune autre information ne serait fournie.

Selon M. Firth, la GRC était à la recherche de pièces d’équipement électronique relativement à une autre enquête, ajoutant qu’il attend avec impatience le résultat «car je pense que cela nous exonérera».

Le silence s’est installé à la Chambre des communes alors qu’il comparaissait peu après la période des questions, mercredi après-midi, aux côtés de son avocat.

Le premier ministre Justin Trudeau, le chef de l’opposition Pierre Poilievre et plusieurs ministres ont toutefois quitté les Communes avant les réprimandes publiques, d’abord adressées par le président de la Chambre, Greg Fergus. 

Au nom de la Chambre des communes, M. Fergus a réprimandé M. Firth, qui se tenait debout, sans détourner le regard, derrière la barrière en laiton qui empêche les non-élus d’accéder au parquet de la Chambre. 

«Je vous réprimande pour votre outrage lorsque vous avez refusé de répondre à des questions posées par le comité et pour avoir usé de faux-fuyants dans vos réponses à d’autres questions. Pour toutes ces raisons, au nom de la Chambre des communes, je vous admoneste», a dit M. Fergus en français. 

Il a ensuite reçu l’ordre du président de répondre aux questions auxquelles il avait refusé de répondre lors d’une réunion d’un comité des Communes le mois dernier.

«Tout ce que vous dites dans cette procédure est protégé par le privilège parlementaire et ne pourra être utilisé contre vous dans d’autres instances», lui a précisé M. Fergus. 

M. Firth a insisté devant la Chambre sur le fait que même si ses réponses étaient parfois «obtuses», il n’esquivait pas les questions des députés.

«Je suis en train d’écrire l’histoire en ce moment. J’ai déjà reconnu que j’avais commis des erreurs lors des comités précédents», a-t-il soutenu. 

Son médecin a remis une note au greffier de la Chambre recommandant qu’il ne se présente pas en raison de diagnostics aigus de santé mentale, affirmant qu’il suivait activement une thérapie et prenait des médicaments. La note a été partagée avec toutes les parties.

Les députés libéraux ont choisi de ne pas participer à un deuxième tour de questions, invoquant des inquiétudes concernant la santé mentale de M. Firth.

«Non, je n’ai pas honte», a indiqué M. Firth dans sa dernière réponse, avant d’être escorté hors de la Chambre par le sergent d’armes, après y avoir passé plus de deux heures. 

Son avocat a refusé de commenter mercredi.

Lors de sa comparution devant le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires, le 13 mars dernier, M. Firth avait déploré les «fausses allégations» visant son entreprise, qui auraient, selon lui, donné lieu à des menaces contre lui et sa famille, y compris ses enfants.

La firme GC Strategies n’a pas développé ni géré l’application ArriveCan, mais elle avait été chargée par le gouvernement fédéral de constituer une équipe pour réaliser certaines parties du projet, dont le coût global est estimé à 60 millions $. 

La vérificatrice générale du Canada a constaté que trois ministères et agences ne disposaient pas de dossiers financiers précis pour l’application et n’étaient pas parvenus à offrir aux contribuables le meilleur rapport qualité-prix.

Aucun simple citoyen n’a ainsi été convoqué devant la Chambre depuis 1913, une procédure exceptionnelle qui place le citoyen sous l’autorité des Communes.

En 2021, l’ancien président de l’Agence de la santé publique du Canada, un agent de l’État, avait été réprimandé par la Chambre pour avoir omis de divulguer des documents liés au congédiement de deux scientifiques d’un laboratoire sécurisé de Winnipeg.