Deux hommes condamnés pour meurtre au N.-B. en 1984 sont innocentés 40 ans plus tard

SAINT-JEAN, T.-N.-L. — Deux Néo-Brunswickois dont les condamnations pour meurtre en 1984 ont été récemment annulées par le ministre fédéral de la Justice sont maintenant officiellement déclarés non coupables par un tribunal.

Tracey DeWare, juge en chef de la Cour du Banc du Roi, a déclaré jeudi que Robert Mailman et Walter Gillespie étaient «innocents aux yeux de la loi» relativement au meurtre de George Gilman Leeman, commis le 30 novembre 1983 à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick.

Lorsque la Couronne a informé le tribunal jeudi qu’elle ne présenterait aucune preuve dans ce dossier, la juge DeWare a déclaré qu’un verdict de non-culpabilité était le seul possible dans les circonstances. «Il est extrêmement regrettable qu’il ait fallu 40 ans pour que ce jour arrive», a déclaré la juge en chef.

Les deux hommes avaient été reconnus coupables en 1984 de meurtre au deuxième degré et condamnés à la prison à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 18 ans. Un appel de leurs condamnations avait été rejeté en 1988.

Mais le ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, a annulé les deux condamnations le mois dernier, affirmant qu’il existait «des motifs raisonnables permettant de conclure qu’une erreur judiciaire s’était probablement produite» dans ce dossier il y a 40 ans.

Au cours d’une audience qui a duré un peu plus d’une demi-heure, les deux hommes ont plaidé non coupables. 

«MM. Mailman et Gillespie sont entrés dans cette salle d’audience aujourd’hui, innocents aux yeux de la loi grâce à l’ordonnance du ministre Virani. Ils peuvent quitter le tribunal aujourd’hui avec cette présomption d’innocence maintenue et confirmée à jamais par le fait qu’ils ont été déclarés non coupables», a déclaré la juge DeWare.

M. Mailman a hoché la tête lorsque la juge a prononcé son verdict. M. Gillespie a fermé les yeux, incliné la tête pendant quelques secondes, puis l’a relevée. 

M. Gillespie a purgé 21 ans de sa peine d’emprisonnement à perpétuité, tandis que M. Mailman a purgé 18 ans. Ils ont présenté leur demande de révision de leur condamnation pénale en décembre 2019. Tous les deux étaient en liberté conditionnelle en attendant la décision de jeudi.

«Innocence Canada», un organisme qui défend les personnes se disant victimes d’une erreur judiciaire, s’est occupé du dossier des deux hommes. L’organisme a déclaré que M. Mailman avait reçu un diagnostic de cancer en phase terminale.

Selon la demande écrite déposée, le «plus grand souhait de M. Mailman était de voir sa condamnation annulée avant sa mort».

Il n’a plus de contact avec sa famille, y compris ses cinq petits-enfants et ses deux arrière-petits-enfants, parce qu’il «n’a jamais voulu qu’ils soient embarrassés par leur association avec un tueur condamné», d’après le document.

Pour M. Gillespie, sa seule famille est sa fille. «La plupart des membres de sa famille immédiate sont morts dans l’incendie de leur maison alors que M. Gillespie n’avait que 20 ans, selon la demande. Il a perdu sa relation avec son unique enfant à cause des années qu’il a passées en prison.»

Le corps de M. Leeman, gravement battu et partiellement brûlé, avait été trouvé par un joggeur dans une zone boisée du quartier de Rockwood Park, à Saint John, le 30 novembre 1983. 

«Innocence Canada» rappelle que les deux hommes avaient tous deux de solides alibis, plusieurs témoins les plaçant loin de la scène du crime le jour du meurtre.

Deux témoins oculaires avaient été appelés par la Couronne aux procès, et l’appel de MM. Mailman et Gillespie en 1988 était basé sur une déclaration sous serment de l’un de ces deux témoins, Josh Arnold Loeman, âgé de 18 ans.

Dans sa déclaration sous serment en appel, il revenait sur ce qu’il avait initialement dit à la police au sujet du meurtre. Il a même déclaré que son témoignage au procès était faux et que la police l’avait menacé de l’accuser du meurtre et de l’envoyer en prison. 

Mais dans une lettre ultérieure jointe à une déclaration sous serment de la police soumise en Cour d’appel, M. Loeman a soutenu que c’était sa rétractation qui était fausse, résultat de menaces proférées par des personnes liées à l’accusé Mailman. La Cour d’appel a conclu que les nouveaux éléments de preuve de la défense n’étaient pas crédibles et elle a rejeté l’appel.

À l’extérieur de la salle d’audience, après avoir été déclaré non coupable, M. Gillespie a été submergé par l’émotion. «Non», a-t-il répondu lorsqu’on lui a demandé s’il avait déjà pensé qu’il verrait le jour où il serait un homme libre.

«Je voudrais juste remercier tout le monde, a-t-il ajouté. Je me sens bien.»

M. Mailman, qui est fragile, n’a pas pris la parole et est parti peu après l’audience.

Le coprésident d’«Innocence Canada», Ron Dalton, estime que «mieux vaut tard que jamais» pour l’innocence des deux hommes, mais ils «ne retrouveront jamais les années perdues», a-t-il déclaré. 

«La famille de M. Leeman n’obtiendra jamais justice pour son meurtre. Les habitants du Nouveau-Brunswick méritent mieux», a-t-il ajouté. 

Il incombe au gouvernement du Nouveau-Brunswick et à son système judiciaire d’examiner les erreurs commises dans l’espoir d’améliorer le système pour tout le monde, selon M. Dalton.

Michael Sherrard, le petit-neveu de la victime, a affirmé qu’il souhaitait la paix aux deux hommes.

L’un des avocats d’«Innocence Canada», James Lockyer, qui a représenté les deux hommes, a déclaré qu’il devrait y avoir une enquête publique sur cette affaire, ajoutant que la police de Saint John avait beaucoup de comptes à rendre. 

«Cette affaire est une honte», a-t-il dit. 

La police de Saint John n’a pas répondu lorsque questionnée à savoir si elle prévoyait de présenter des excuses à M. Gillespie et à M. Mailman.