Détecter le virus de l’influenza dans les eaux usées

MONTRÉAL — Des chercheurs canadiens ont réussi à détecter le virus de l’influenza dans les eaux usées de la ville d’Ottawa, ce qui pourrait éventuellement permettre d’avertir la population lorsque les cas de grippe deviennent prévalents dans la communauté.

La grippe est une infection respiratoire dont les symptômes s’apparentent à ceux du SRAS-CoV-2. Elle peut entraîner des complications et une hospitalisation lorsqu’elle est contractée par des personnes ayant des problèmes de santé préexistants ou par de jeunes enfants.

«Nous sommes le premier groupe au Canada à avoir vraiment démontré qu’on peut utiliser ça, qu’on peut travailler avec la santé publique pour faire le suivi des vagues d’influenza dans la communauté, à la grandeur de la communauté, et aussi à la grandeur de certains quartiers», a résumé Patrick D’Aoust, qui est co-responsable du développement de la recherche à la Faculté de génie de l’Université d’Ottawa.

Le groupe serait aussi devenu le premier au monde à identifier le sous-type de virus (comme H1N1 ou H3N2), ce qui permet de cerner encore plus précisément le risque potentiel qu’il représente pour la santé publique. 

Les eaux usées avaient précédemment été analysées pour détecter la présence de drogues et de différentes maladies.

La communauté scientifique a longtemps considéré qu’il serait très difficile, voire impossible, de détecter la présence d’un virus à ARN (comme celui de l’influenza) dans les eaux usées, puisque l’instabilité de l’ARN entraînerait sa dégradation.

Des tests ont toutefois démontré que ce n’est pas exactement le cas, que l’ARN est plus stable qu’on ne l’imaginait. M. D’Aoust et ses collègues Élisabeth Mercier, Robert Delatolla et Tyson Graber ont donc profité de récents progrès technologiques, et qui ont notamment été engendrés par la pandémie, pour s’attaquer à la détection de l’influenza dans les eaux usées.

Puisqu’on ne dispose pas d’un test de dépistage de la grippe à aussi grande échelle que pour la COVID-19, l’utilité des eaux usées pour détecter le virus de l’influenza devient d’autant plus claire, surtout en l’absence de tests cliniques, estime M. D’Aoust.

«On a détecté la vague d’influenza (qui a touché Ottawa cet hiver) 17 jours plus tôt que le premier cas de dépistage clinique», a-t-il ajouté.

Les chercheurs tenteront maintenant de déterminer si la même technologie pourrait être utilisée pour détecter la présence du virus de la variole simienne dans les eaux usées. Certains ajustements seront toutefois nécessaires, puisqu’il s’agit d’un virus à base d’ADN ― ce qui, en théorie, en fait un virus plus stable dans l’environnement et ce qui, toujours en théorie, pourrait permettre une détection plus rapide ou plus facile.

Les chercheurs procèdent actuellement à des tests sur les eaux usées des villes de Montréal, d’Ottawa et de Toronto.

«On sait qu’il y a des cas de variole (simienne) à Ottawa, mais pour le moment nous n’avons rien détecté, a expliqué M. D’Aoust. C’est possible qu’à Ottawa, heureusement, il n’y ait pas suffisamment de personnes qui sont malades avec la variole simienne pour qu’on puisse la détecter dans les eaux usées.»

Les chercheurs collaborent avec des collègues de partout dans le monde, notamment aux États-Unis et en Europe, qui utilisent des méthodes très similaires afin de continuer à peaufiner leur technologie.