Des voix demandent au pape de réfuter la doctrine de la découverte

OTTAWA — Plusieurs voix demandent au pape François de réfuter la «doctrine de la découverte», une doctrine vieille de plusieurs siècles.

Ainsi, quelques Autochtones ont manifesté jeudi devant la basilique Ste-Anne-de-Beaupré avant la messe célébrée par le souverain pontife. Ils avaient déroulé une banderole blanche sur laquelle on pouvait lire en lettres rouges et noires «Rescind the Doctrine» («Abrogez la doctrine»).

Quelques jours plus tôt, à Maskwacis, en Alberta, alors que le pape finissait d’exprimer ses excuses aux victimes du système des pensionnats pour enfants autochtones, une voix s’est élevée dans la foule.

«Réfutez la doctrine de la découverte, a-t-elle crié. Renoncez aux bulles papales.»

La doctrine de la découverte ? 

La Commission de la vérité et de la réconciliation avait tenté d’en donner une définition.

Il y a plus de 500 ans, le pape Alexandre XI avait édicté quatre bulles papales confirmant la mainmise espagnole sur les Amériques en échange de la christianisation des peuples autochtones.

«Ces ordonnances contribuent à façonner les arguments politiques et juridiques qui formeront ce que l’on appelle la ‘doctrine de la découverte’ qui sert à justifier la colonisation des Amériques au XVIe  siècle», peut-on lire dans le rapport de la commission.

«C’est essentiel pour comprendre le colonialisme, fait valoir Matthew Wildcat, un professeur de l’Université de l’Alberta. Du côté du grand public, c’est devenu un concept plus important.»

Dans son rapport, la commission raconte en détail comme la doctrine de la découverte a amené à penser que les territoires colonisés étaient déserts malgré la présence des peuples autochtones. «Les impérialistes peuvent soutenir que la présence de peuples autochtones n’a aucun effet sur l’argument de la terra nullius puisque les Autochtones occupent simplement le territoire sans le posséder», écrivent les commissaires.

Parmi ses 94 appels à l’action, la commission avait demandé à tous les ordres de gouvernement, aux groupes religieux et à tous les signataires de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de répudier ce concept.

Elle leur recommande «d’adopter officiellement et de respecter les normes et les principes de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

«On ne peut pas discuter de la Déclaration des Nations Unies sans parler de la doctrine de la découverte, souligne Hayden King, le directeur général de l’Institut Yellowhead. C’est de cette notion qu’est née l’idée que les peuples autochtones ne devaient pas être traités comme s’ils avaient des droits, des lois ou même une parcelle d’humanité.»

Selon lui, c’est la raison pour laquelle les peuples autochtones souhaitent que l’Église s’occupe de ce sujet. «Parce que ce concept est à la racine de toutes les politiques qui ont suivi», lance-t-il.

Cody Groat, un professeur de l’Université de Waterloo, note que la commission n’avait pas explicitement formulé la façon dont le pape devait présenter ses excuses. Il ajoute que les demandes des communautés autochtones pour la réfutation de la doctrine de la découverte reflètent les tensions au sujet de la souveraineté autochtone à l’intérieur du Canada.

«Nos systèmes de souveraineté, nos systèmes de gouvernance ont été minimisés par des documents comme [les bulles papales] qui affirment que nous ne sommes pas de véritables entités souveraines».

Réagissant aux critiques formulées par des dirigeants autochtones, les organisateurs de la visite papale ont déclaré que le Vatican avait déjà précisé par le passé que la doctrine «n’avait aucune autorité morale et légale» dans l’Église. Ils ont aussi rappelé que le pape François avait aussi condamné les idées qui pouvaient être associées à la doctrine, comme l’assimilation.

La cheffe de l’Assemblée des Premières Nations, RoseAnne Archibald, dit que cela n’égale pas une récusation formelle qu’elle juge nécessaire.

«J’ai toujours défendu le besoin d’une nouvelle bulle papale qui parlerait des mérites des peuples autochtones et de leurs cultures, affirme-t-elle. Des choses doivent être corrigées dans cette société qui tire ses racines de la doctrine de la découverte.»