Des travailleurs étrangers temporaires au N.-B. ont connu de piètres conditions
FREDERICTON — Des travailleurs étrangers temporaires dans l’industrie des fruits de mer au Nouveau-Brunswick ont souffert de conditions exténuantes et parfois dangereuses pendant la pandémie de COVID-19, selon une étude de l’Université Dalhousie.
L’étude indique que les travailleurs ont fait face à de maigres salaires, de longues heures, des logements surpeuplés et un accès limité aux soins de santé.
«Même si les travailleurs étrangers temporaires constituent un élément indispensable de l’industrie de la transformation des produits de la mer, nos recherches ont révélé que les employeurs traitaient ces travailleurs comme s’ils leur rendaient service en les embauchant», indique le rapport publié mercredi.
«Pourtant, sans ces travailleurs étrangers temporaires, l’industrie de la transformation des produits de la mer ne serait tout simplement pas rentable.»
L’année dernière, Pêches et Océans Canada a indiqué que les exportations de fruits de mer du pays avaient rapporté 8,8 milliards $ en 2021, une augmentation de 36 % par rapport à 2020 et de 18 % par rapport au sommet précédent de 2019.
L’auteure principale de l’étude, Raluca Bejan, professeure adjointe de travail social à Dalhousie, a déclaré en entrevue mercredi que l’industrie des fruits de mer «ne pourrait pas survivre» sans la contribution de ces travailleurs étrangers temporaires. «Nous avons une responsabilité envers eux: nous mangeons sur le dos de ces travailleurs», a-t-elle rappelé.
Les demandes d’entrevue à l’agence de la santé et de la sécurité du travail au Nouveau-Brunswick, Travail sécuritaire NB, ainsi qu’au ministère provincial de l’Agriculture, de l’Aquaculture et des Pêches n’ont pas été immédiatement retournées mercredi.
Les auteures de l’étude, publiée sur la plateforme en ligne «Migrant Workers in the Canadian Maritimes», ont interrogé 15 travailleurs étrangers arrivés au Nouveau-Brunswick après le début de la pandémie en 2020. Ces travailleurs, qui avaient payé des frais de recrutement allant jusqu’à 2000 $, gagnaient ensuite 13 $ l’heure et touchaient 300 $ par semaine, selon l’étude.
Le temps aux toilettes déduit de la paye
Mme Bejan a souligné que bien que la surpopulation soit un problème connu pour ces travailleurs, les conditions au Nouveau-Brunswick ont surpris les chercheurs. Les travailleurs ont décrit des problèmes tels que des logements surpeuplés et sales, avec un espace limité pour réfrigérer et cuisiner des aliments, aucun accès à internet, une faible pression d’eau et un chauffage insuffisant.
Les travailleurs vivaient par ailleurs dans des régions éloignées et devaient donc compter sur leurs employeurs pour le transport, même jusqu’à l’épicerie. «Ils y étaient emmenés une fois par semaine, a indiqué Mme Bejan.
«Ils n’ont droit qu’à une heure pour faire leurs courses. Certains d’entre eux, s’ils prenaient plus d’une heure, sortaient du magasin et la voiture était déjà partie: ils devaient prendre un taxi pour rentrer chez eux. C’était tellement, tellement abusif.»
La plupart des travailleurs payaient environ 150 $ de loyer toutes les deux semaines et il était courant pour eux de vivre avec 10 à 20 autres personnes, a souligné Mme Bejan.
«C’est problématique d’avoir ces conditions au 21e siècle dans un pays comme le Canada, qui se targue des valeurs de droits de la personne et de multiculturalisme, et aussi d’un système d’immigration très solide.»
Les travailleurs ont également été victimes d’abus de la part de leur employeur, notamment des menaces d’expulsion, selon elle.
Un travailleur «a raconté comment son superviseur trichait sur le poids de son homard pour éviter de lui payer ses primes», indique le rapport. Un autre a raconté que l’employeur déduisait de son chèque de paye le temps qu’il avait passé aux toilettes.
Un autre participant à l’étude a comparé leur situation «pratiquement à celle d’un esclave moderne».
Mme Bejan a aussi rappelé que des travailleurs avaient évoqué un manque d’accès aux soins de santé. Les employeurs leur fournissent une assurance privée, a-t-elle dit, mais la plupart des travailleurs ne savent pas comment l’utiliser.
Ces travailleurs sont aussi confrontés au racisme et à la xénophobie, a souligné Mme Bejan. L’étude indique que des employeurs considèrent parfois l’origine étrangère des travailleurs «comme une justification des mauvais traitements» qu’ils leur infligent.