Des parents adoptent la parentalité ouverte sur le genre pour défaire les stéréotypes

MONTRÉAL — Les filles portent du rose, les garçons jouent avec des camions. Pour sortir de ces stéréotypes et laisser leurs enfants explorer leur identité, de plus en plus de parents se tournent vers la parentalité ouverte sur le genre, souligne un organisme communautaire. 

Ce type de parentalité consiste à élever son enfant sans lui imposer le genre qui lui a été attribué à la naissance. Ce choix peut prendre la forme d’utiliser des pronoms neutres pour désigner son enfant, et de lui offrir des jouets autant traditionnellement masculins que féminins. 

«C’est quelque chose qu’on voit de plus en plus, non seulement dans la communauté LGBT, mais aussi en général», explique Mona Greenbaum, directrice générale de la Coalition des familles LGBT+. 

«L’idée, ce n’est pas que l’enfant devienne neutre du tout, mais qu’on laisse la place aux enfants de décider sur leur propre genre», ajoute-t-elle. 

La parentalité ouverte sur le genre reconnaît deux choses, précise Mme Greenbaum: que les organes génitaux d’un enfant ne déterminent pas son genre, et que l’on vit dans un monde sexiste, où les filles et les garçons sont traités différemment. 

Ce mode de parentalité est présent dans la communauté LGBTQ+ depuis plusieurs années, souligne Mona Greenbaum. Les membres de la communauté vont être plus enclins à remettre en question les normes sociales, puisqu’ils vivent en dehors de ces normes. 

«Je pense que dans le monde hétérosexuel aussi, c’est de plus en plus présent», ajoute-t-elle.

MD Dussault, qui se trouve à la direction des communications et du développement de la Coalition, et son conjoint élèvent leurs deux enfants de façon ouverte sur le genre. MD est une personne non binaire, qui utilise les pronoms iel et elle, ainsi que les accords inclusifs ou féminins. 

«Pour moi, l’éducation ouverte sur les genres, c’est vraiment une poursuite de l’éducation féministe. C’est-à-dire, se questionner sur les stéréotypes de genre, les rôles de genre, et qu’est-ce qu’on apprend à nos enfants au quotidien», explique MD. 

MD et son conjoint ont deux enfants: Sasha, 5 ans, et Mika, 2 ans et demi. Le couple a d’abord choisi de donner des prénoms à leurs enfants qui sont autant attribués à des filles qu’à des garçons au Québec. 

En ce qui concerne les pronoms, les parents avaient d’abord tenté d’utiliser un pronom neutre avec Sasha. 

«J’avais l’impression, moi, dans mon vécu, de lui imposer mon pronom, c’est iel, autant que si j’avais été une femme, j’aurais dit (le pronom) elle relié à certains organes génitaux», détaille MD. Les parents ont donc décidé d’employer les pronoms qui ont été attribués à leurs enfants à la naissance. 

«Ceci dit, notre choix, nous, c’était de ne pas corriger les gens», souligne MD. Vers l’âge de trois ans et demi et quatre ans, Sasha a affirmé par lui-même qu’il est un garçon. 

Ses parents l’ont exposé à tous les types de jouets à la maison, allant des petites voitures, aux poussettes et aux poupées. 

«On essayait de dire: comment on peut faire en sorte que oui, aimer les voitures, qu’aimer la force et la vitesse, ça ne fasse pas une masculinité qui est toxique? C’est possible d’avoir une masculinité qui ne l’est pas, détaille MD. Pour essayer de lui apprendre le “care”, le prendre soin, je lui ai appris à prendre soin de ses voitures.»

Revoir les définitions des genres

Selon Louise Cossette, professeure au département de psychologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), il est difficile de déterminer à quel âge les enfants deviennent conscients du concept de genre. 

«Les enfants vont distinguer très tôt (au courant de la première année) qu’il y a des hommes, des femmes, des filles, des garçons, explique Mme Cossette. Les enfants finissent quand même par repérer des critères pour identifier les genres, mais leur propre genre à eux, ça vient beaucoup plus tard.»

Les enfants sont en mesure de s’identifier comme garçon ou fille vers l’âge de trois ou quatre ans. 

«Pour eux, ce n’est pas très clair que c’est quelque chose de stable le genre. On remet de plus en plus en question aussi ce modèle traditionnel qu’on avait de concevoir le développement du genre», affirme la professeure. Les études se sont, jusqu’à présent, peu intéressées aux enfants qui sont déterminés comme étant des garçons à la naissance, mais qui s’identifient comme fille, et l’inverse, souligne Mme Cossette. 

«On commence à peine à essayer de les étudier ces enfants-là, pour savoir comment ça se passe», dit-elle. 

Pour Mme Cossette, «le plus important, c’est surtout que l’enfant, peu importe qu’il soit fille ou garçon, qu’on lui laisse la liberté d’être une fille qui peut être masculine, ou un garçon qui peut être féminin». 

Notre société est encore très genrée, et possède des «définitions étroites» de ce qu’est une femme ou un homme, affirme Mme Cossette. 

Si Sasha a pu bénéficier d’un milieu très ouvert à la garderie, où il était notamment «bien reçu dans son amour des couleurs, des brillants et de la gymnastique», illustre MD, ses parents appréhendent davantage son arrivée à l’école primaire. 

«Je pense que c’est plus l’année prochaine qu’on va vivre le “clash”, parce que plus on arrive dans un gros milieu, plus ça paraît qu’on est différents», affirme MD. 

Aux parents qui songent à adopter un mode de parentalité non traditionnel, MD Dussault leur dit: «J’encouragerais les parents qui se questionnent puis qu’ils se disent: “je n’ai pas envie de faire les mêmes choses (que mes parents)”, à s’autoriser à le faire».

«Ça apporte un sentiment quand même d’accomplissement comme parent de pouvoir le laisser être. Puis je trouve ça beau, que Sasha se dirige dans tous les rayons pour enfants dans les magasins, qu’il ne fasse pas de distinction, que pour lui, ses amis ont des personnalités» en dehors de leur genre, souligne MD. 

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Cette dépêche a été rédigée avec l’aide financière de la Bourse de Meta et de La Presse Canadienne pour les nouvelles.