Des groupes environnementaux demandent d’annuler l’approbation de Bay du Nord

MONTRÉAL — Les avocats d’Équiterre, de la Fondation Sierra Club Canada et de Mi’gmawe’l Tplu’taqnn Incorporated (MTI) ont fait valoir que le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault aurait dû considérer les émissions de gaz à effet de serre produites en aval du projet Bay du Nord lorsque son ministère a approuvé le projet pétrolier au printemps 2022.

Les groupes environnementaux, qui poursuivent le ministère de l’Environnement, ont présenté leurs arguments mercredi lors de la première journée d’audience devant la Cour fédérale.

Ecojustice avait déposé la poursuite au nom des trois organisations environnementales au printemps dernier.

L’avocate des demandeurs Anna McIntosh a indiqué au juge que la décision du ministère de l’Environnement d’approuver le projet pétrolier au large des côtes de Terre-Neuve-et-Labrador était déraisonnable, notamment en raison de «l’absence complète d’explication» pour justifier le choix de ne pas considérer les émissions en aval du projet.

Celles-ci représentent les émissions produites lorsque le pétrole quitte le site d’extraction. Par exemple, celles qui seront émises lors de la combustion du pétrole dans les véhicules qui l’utiliseront.

Les gaz à effet de serre «n’ont pas de frontière»

Le projet Bay du Nord, de la multinationale norvégienne Equinor en collaboration avec la compagnie canadienne Husky Energy, prévoit d’exploiter un gisement de pétrole en eau profonde, une première au pays.

Alors qu’Equinor pensait au départ pouvoir extraire 300 millions de barils, ce nombre a plus que triplé dans les estimations plus récentes.

Les émissions en aval représenteront 90 % des émissions que Bay du Nord produirait selon les demandeurs.

L’avocate Anna McIntosh a notamment fait valoir que la Cour Suprême avait reconnu que les gaz à effet de serre n’avaient pas de frontière et que les effets causés par les émissions d’un projet «ne dépendent pas de l’endroit où elles sont émises, que ce soit au Canada ou ailleurs».

Anna McIntosh a aussi expliqué que dans d’autres pays, plusieurs cours de justice avaient conclu que les études environnementales devaient considérer les émissions de GES en aval lors de ce type de projet.

Lors de sa déclaration au tribunal, elle a mentionné que près d’un an avant l’approbation de Bay du Nord, l’Agence internationale de l’énergie avait déclaré qu’aucun nouveau projet de combustibles fossiles ne devrait obtenir le feu vert pour espérer limiter le réchauffement climatique à un seuil sécuritaire.

Mais selon l’avocat d’Equinor Sean Sutherland, «cette affaire ne porte pas sur la question de savoir si les changements climatiques représentent ou non un risque systémique pour le Canada ou la communauté internationale ni sur les actions mondiales nécessaires pour faire face à la crise climatique».

L’enjeu, concernant les émissions de GES, est plutôt de savoir «si oui ou non, dans un processus environnemental canadien, l’autorité déléguée du Canada est responsable d’évaluer les effets potentiels de l’utilisation en aval du pétrole, peu importe l’endroit dans le monde et quelle que soit son utilisation…», a précisé Me Sutherland.

Le ministre de l’Environnement Steven Guilbeault a autorisé le projet Bay du Nord à la suite d’un examen de l’Agence d’évaluation d’impact du Canada qui a conclu que le projet n’aurait pas d’impacts environnementaux substantiels.

Il avait à l’époque indiqué qu’il s’agissait de l’une des décisions «les plus difficiles» qu’il avait prises.

Le ministre de l’Environnement est l’un des membres fondateurs d’Équiterre, qui fait partie des demandeurs qui ont intenté la poursuite.

Selon la décision du ministère, les émissions de gaz à effet de serre provenant de la production à Bay du Nord seraient d’environ huit kilogrammes par baril, cinq fois moins que la moyenne de l’industrie pétrolière canadienne et 10 fois moins que les sables bitumineux.

Selon la décision du ministère,  Bay du Nord devra respecter 137 conditions, dont une selon laquelle le projet devra être à zéro émission de gaz à effet de serre d’ici 2050, c’est-à-dire que toutes les émissions provenant du site devront être capturées et stockées.

Consultations des Premières Nations

Les groupes environnementaux font également valoir que le gouvernement n’a pas respecté son obligation constitutionnelle de consulter les communautés des Premières Nations concernées lors de l’évaluation des impacts de Bay du Nord.

Selon Ecojustice, le ministère de l’Environnement aurait ignoré les préoccupations des Mi’gmawe’l Tplu’taqnn concernant les craintes de déversements de pétrole dans la mer de l’Atlantique Nord et le gouvernement n’aurait pas correctement consulté les Mi’kmaq au sujet du projet.

Jeudi, l’avocat d’Equinor Sean Sutherland doit continuer son plaidoyer alors qu’une avocate représentant le gouvernement prendra également la parole.