Des différends importants apparaissent entre François Legault et Justin Trudeau
SAINTE-ANNE-DE-BELLEVUE — La belle entente entre les premiers ministres Justin Trudeau et François Legault s’est envolée comme les satellites qu’ils étaient venus applaudir, vendredi, à Sainte-Anne-de-Bellevue lors d’une annonce de soutien financier à un important projet piloté par les firmes Télésat et MDA.
Les deux hommes étaient tout sourires durant l’annonce du lancement, longtemps attendu, du projet de réseau de 198 satellites Télésat Lightspeed qui créera près d’un millier d’emplois.
Cette harmonie n’était toutefois plus au rendez-vous une fois démarrée la période de questions, alors que François Legault a fait la moue et n’a pas caché son déplaisir à quelques reprises lorsque son homologue fédéral a abordé certains dossiers, le tout culminant en fin de point de presse sur les questions d’immigration.
Une moue significative
La première faille est apparue lorsque Justin Trudeau, interrogé sur l’élection complémentaire de lundi prochain dans LaSalle-Émard-Verdun, faisait un bilan élogieux des accomplissements de son gouvernement. M. Trudeau s’est avancé sur son programme d’alimentation en milieu scolaire, déclarant qu’il était «en train de travailler actuellement avec le gouvernement Legault pour donner plus d’argent aux organismes qui livrent de la nourriture scolaire. On a mis un milliard de dollars sur la table. C’est de l’argent et je sais que François a très hâte de pouvoir envoyer cet argent aux organismes qui livrent de la nourriture pour les écoles à travers le Québec.»
À ses côtés, François Legault, qui voit dans cette initiative une ingérence claire dans un champ de compétence québécois, secouait la tête en faisant la moue. Il s’est toutefois abstenu d’intervenir.
Des propos «inacceptables»
Puis, M. Legault n’a pas mâché ses mots lorsqu’il a été question de la suggestion de la responsable fédérale de la lutte contre l’islamophobie, Amira Elghwaby, d’embaucher davantage de professeurs musulmans, palestiniens et arabes. «Je trouve ça totalement inacceptable», a-t-il claironné, invoquant d’abord la juridiction provinciale en matière d’éducation puis l’indépendance des universités. Il a enfin repris le qualificatif d’inacceptable pour dénoncer le fait «que quelqu’un vienne suggérer de favoriser un groupe religieux alors qu’on est dans un état laïc».
Prenant à son tour la parole, Justin Trudeau a commencé par abonder dans le même sens, en disant que «les universités doivent embaucher les personnes les plus qualifiées. Point.» Mais il a encore provoqué une réaction négative de son vis-à-vis provincial en louangeant Mme Elghawaby qui, selon lui, «fait un travail important de manière indépendante et fait des recommandations qu’elle estime appropriées».
M. Trudeau a dit croire que le Canada «est en train de vivre des moments de montée de tension. Il faut se rappeler qu’en tant que Canadiens on doit et on peut avoir toutes sortes de conversations qui vont nous rapprocher les uns des autres et se comprendre les uns les autres. Ça prend un petit peu plus de vivre ensemble», une affirmation qui n’a pas semblé plaire à M. Legault.
«C’est urgent que M. Trudeau pose des gestes»
C’est toutefois sur la question des demandeurs d’asile, en toute fin de rencontre médiatique, que l’on a vu s’ouvrir un gouffre séparant les deux hommes. M. Trudeau a commencé par invoquer le fait qu’il avait créé une table de discussion pour permettre aux provinces de discuter de ces questions, tout en reconnaissant que «le Québec fait plus que sa part à l’appui des demandeurs d’asile».
Prenant la parole à sa suite, François Legault y est allé d’une sortie en règle, affirmant que le Québec avait atteint sa limite en termes d’accueil de demandeurs d’asile, dont le nombre a explosé depuis deux ans, dit-il.
«Ça fait six mois qu’on discute. Il n’y a aucun résultat. Et quand je vois les discussions avec les premiers ministres des autres provinces, ç’a l’air d’aller nulle part», a-t-il pesté.
«Ce qu’on a demandé au gouvernement fédéral, au premier ministre Trudeau, c’est de rapidement réduire de moitié le nombre au Québec. (…) C’est urgent que M. Trudeau pose des gestes, des actions pour réduire de moitié le nombre», a-t-il martelé aux côtés de M. Trudeau, qui est demeuré stoïque devant cette diatribe.