Des chercheurs font le lien entre événements extrêmes et changements climatiques

Pendant que les pompiers et d’autres premiers répondants sont sur le terrain d’un bout à l’autre du pays pour combattre des feux de forêt, des inondations, des tornades et des vagues de chaleur, une équipe de chercheurs canadiens se penche sur les causes de ces phénomènes météorologiques extrêmes.

«On a connu des records de chaleur en mai et en juin au Canada et nous avons une saison historique des incendies de forêt en plus. Donc oui, ça a été occupé», avoue le chercheur scientifique Nathan Gillett, qui travaille pour Environnement et Changement climatique Canada.

Le Dr Gillett dirige actuellement un groupe d’experts mis en place par le gouvernement fédéral dont la mission est de cerner en peu de temps quel rôle ont joué les changements climatiques dans un événement météorologique précis, qu’il s’agisse d’un feu de forêt au Québec ou d’une inondation en Colombie-Britannique.

«L’idée est d’être en mesure d’avoir une estimation de l’attribution quelques jours ou quelques semaines après l’événement lui-même», explique-t-il.

Nouveau domaine

Il y a 20 ans, si un scientifique s’était fait demander si les changements climatiques avaient un rôle à jouer dans plusieurs jours de pluies torrentielles ou dans une sécheresse prolongée, la réponse aurait probablement été de l’ordre du: «On ne peut pas l’affirmer avec certitude, mais c’est cohérent avec la modélisation.»

Toutefois, en 2003, un article scientifique laissait entendre que la science pouvait faire mieux. Myles Allen, de l’Université d’Oxford, a emprunté un concept à l’épidémiologie.

«On peut dire que fumer augmente les risques d’avoir un cancer du poumon d’un certain pourcentage, rappelle le Dr Gillett. De la même manière, on peut donc dire que les changements climatiques causés par l’activité humaine ont augmenté le risque qu’un événement météorologique extrême précis se produise d’un certain pourcentage.»

Depuis la publication de cet article, plusieurs autres recherches révisées par les pairs ont été écrites à propos de ce qu’on appelle aujourd’hui la science de l’attribution, qui est utilisée par les gouvernements de nombreux pays, dont le Canada.

L’importance de faire vite

De nos jours, la science de l’attribution, qui fonctionne en comparant des modèles climatiques, est à ce point avancée que les experts peuvent faire leurs calculs rapidement après un événement extrême.

«Une fois que la méthode est bien établie et qu’elle a été validée, il ne reste plus qu’à recueillir les données lors du passage d’un phénomène pour ensuite obtenir les résultats», souligne le Dr Gillett.

Dans certaines situations, l’analyse peut être relativement rapide, mais quelques phénomènes plus complexes prennent plus de temps à travailler. Le Dr Gillett et son équipe visent à fournir des résultats en une semaine après une vague de chaleur, mais les feux de forêt, par exemple, sont plus longs à analyser, puisqu’ils impliquent de nombreuses variables.

Mais dans tous les cas, la vitesse à laquelle les chercheurs peuvent rendre leurs conclusions est cruciale, selon la chercheuse britannique Clair Barnes, qui travaille avec le réseau World Weather Attribution.

«Notre but est de nous pencher sur des événements majeurs qui font les manchettes. Les journalistes et la population veulent mieux comprendre les causes d’un événement au moment où il se produit», observe-t-elle.

Évaluer rapidement le rôle des changements climatiques après un événement extrême permet d’apporter du concret au débat public, selon elle.

«Si les chercheurs arrivent avec des réponses trois ans plus tard, les médias auront déjà tiré leur propre conclusion et seront passés à autre chose. Pour avoir un réel impact et insérer des faits scientifiques dans les discussions, il faut agir vite.»

La Dre Barnes et le World Weather Attribution ont analysé plus de 50 événements de partout dans le monde depuis 2015. Ils ont notamment conclu que la vague de chaleur qui a précédé l’incendie majeur de Lytton, survenu en 2021 en Colombie-Britannique, avait 150 fois plus de chances de se produire en raison des changements climatiques.

Certaines limites

La science de l’attribution ne sert pas seulement à alimenter le débat public. Les gouvernements l’utilisent pour rédiger leurs stratégies d’adaptation, les institutions financières y ont recours pour évaluer les risques et elle a été invoquée dans des centaines de dossiers judiciaires pour tenter d’attribuer la responsabilité au climat.

Mais elle a tout de même ses limites.

La science de l’attribution fonctionne uniquement dans les endroits où il existe assez de données météorologiques pour construire un modèle précis. Cela exclut donc une grande partie du sud de la planète, même si c’est là où se produisent certaines des pires catastrophes météorologiques.

Malgré tout, le travail ne manque pas. La Dre Barnes et son groupe ont même dû mettre en place des critères stricts qui tiennent compte de l’ampleur de l’événement, des dégâts qu’il provoque et de son impact sur les vies humaines pour choisir quels phénomènes seront étudiés.

«Il y en a tellement que c’est impossible pour nous de tous les analyser», reconnaît-elle.

Mais le World Weather Attribution a trouvé le temps de se pencher sur les incendies de forêt qui sévissent cet été au Canada. Comme il s’agit d’une étude complexe, les résultats ne sont pas attendus avant un mois environ.