Décès d’une adolescente crie à Waswanipi: la coroner critique le travail policier

MONTRÉAL — Une jeune fille crie de 16 ans pourrait être encore en vie si la police avait passé plus de 10 minutes à la chercher après qu’elle soit tombée dans un fossé, a conclu une coroner.

Neebin Icebound est morte d’hypothermie le 9 octobre 2022 dans la communauté crie de Waswanipi, à environ 120 km au nord-est de Lebel-sur-Quévillon, dans le Nord-du-Québec. Tôt ce matin-là, la police a reçu un appel signalant une femme partiellement nue gisant au sol près d’une école primaire, a écrit la coroner Karine Spénard dans son rapport sur le décès de Mme Icebound.

Trois policiers – deux de la Sûreté du Québec (SQ) et un du Service de police de Eeyou Eenou– sont intervenus, mais ils n’ont passé qu’une dizaine de minutes à chercher l’adolescente, utilisant les lumières de leurs voitures et une lampe de poche pour fouiller dans la matinée sombre et brumeuse.

«Je trouve étonnant que les recherches ne se soient pas poursuivies plus longtemps ni de manière plus large», a écrit Mme Spénard dans son rapport daté du 7 septembre, ajoutant que la police est passée par la rue où Mme Icebound a été retrouvée deux heures plus tard.

Compte tenu du temps froid et pluvieux, avec des températures proches du point de congélation, il aurait été sage que la police fouille une zone plus vaste, a indiqué la coroner.

«Cette femme a pu être victime d’un acte criminel, être intoxiquée ou simplement malade, a affirmé Mme Spénard. Comme les policiers n’avaient pas l’information, il était doublement important d’être vigilants.»

La jeune Icebound a été retrouvée par des passants – qui ont signalé à la police qu’elle avait du mal à respirer – peu avant 6h30, à environ 200 mètres de l’endroit où la police regardait. Au moment où Mme Icebound est arrivée à la clinique de Waswanipi, environ 30 minutes plus tard, elle n’avait plus de pouls, a déclaré la coroner. Le personnel médical a tenté de la réanimer pendant plus d’une heure avant de la déclarer morte.

Mme Spénard a conclu que la mort de Mme Icebound était accidentelle : il n’y avait aucun signe d’acte criminel et il semble que l’adolescente ait enlevé ses propres vêtements après qu’ils aient été trempés dans l’eau.

L’adolescente avait bu avec des amis près de l’école, a écrit Mme Spénard, et était très ivre lorsque le groupe a décidé de visiter une autre partie de la ville. Elle avait du mal à marcher et traînait derrière ses amis. À un moment donné, elle est tombée dans un fossé inondé d’eau et son amie, qui l’aidait à marcher, l’a laissée là, a indiqué la coroner.

Les images d’une caméra de sécurité, obtenues par les enquêteurs de la police, la montrent en train de ramper sur le sol près d’une école primaire peu après 4h, vêtue uniquement d’un chandail à manches courtes, a écrit la coroner.

L’amie qui l’accompagnait a été reconduite chez elle par un policier peu après 2h30. Elle a assuré qu’elle avait dit à deux reprises aux policiers que Mme Icebound était tombée dans un fossé et qu’ils devraient aller la chercher.

Mme Spénard a écrit que l’agent qui a reconduit l’amie chez elle a affirmé que la jeune femme avait fait des commentaires qu’il ne pouvait pas comprendre pendant le court trajet et qu’il ne savait pas qu’elle parlait de Mme Icebound.

La coroner souligne dans son rapport que la Direction des poursuites criminelles et pénales a décidé de ne pas porter d’accusations contre les policiers.

«Cependant, il me semble que le comportement des trois policiers et leur façon de procéder à la recherche d’une femme nue à l’extérieur par une nuit froide s’écartent de la façon d’agir de professionnels qui ont prêté serment de protéger et de servir la population», a-t-elle écrit.

Même si elle a déclaré que ce n’est pas son rôle de déterminer la responsabilité des policiers, elle a recommandé que le Commissaire à la déontologie policière enquête sur les actions des policiers, ainsi que la SQ et le Service de police de Eeyou Eenou, et qu’on examine la façon dont la fouille a été menée.

L’inspecteur Randy Kitchen, officier supérieur en service au quartier général de la police d’Eeyou Eenou, a déclaré lundi qu’il ne connaissait pas les détails du rapport de Mme Spénard, mais que son service prenait les recommandations de la coroner au sérieux et cherchait toujours des moyens de s’améliorer.

La SQ n’a pas répondu à une demande de commentaires lundi.