Crise au PLQ: Dominique Anglade démissionne comme cheffe du parti et députée

QUÉBEC — Critiquée de toutes parts depuis des semaines, la cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ), Dominique Anglade, a rendu les armes, lundi matin, en annonçant sa démission en tant que cheffe du parti et députée de Saint-Henri-Sainte-Anne.

De guerre lasse, Mme Anglade n’aura donc pas jugé qu’elle était en mesure de surmonter la crise profonde qui secouait son parti depuis la défaite historique du 3 octobre, alors que le PLQ se classait au quatrième rang des cinq principaux partis en termes d’appui populaire, avec seulement 14 % du vote et n’ayant pu faire élire que 21 députés. En dehors de la grande région de Montréal, le PLQ a été désavoué pratiquement partout par les électeurs francophones. 

Au terme d’un week-end de réflexion, entourée de son mari et de ses trois enfants, la cheffe de l’opposition officielle en a fait l’annonce lundi matin, dans un hôtel du centre-ville de Montréal, après avoir fait le constat qu’elle ne pourrait pas se rendre jusqu’au vote de confiance, prévu dans les statuts du parti, qui aurait dû avoir lieu lors d’un congrès des membres d’ici un an. Jusqu’à lundi, elle affichait pourtant son intention de demeurer à la tête du parti jusqu’à ce moment de vérité.

En conférence de presse, dans une longue déclaration prononcée sur un ton serein, sans débordement émotif, elle a dit mettre un terme à sa carrière politique «dans les intérêts du Québec et le bien du parti». Elle n’a pas répondu aux questions des journalistes présents, ni accordé d’entrevues par la suite. 

Au cours des dernières semaines, d’abord de façon anonyme, puis à visage découvert, de nombreux anciens compagnons d’armes, ex-députés et ministres libéraux, dont plusieurs qui siégeaient à ses côtés il y a à peine quelques mois, lui avaient retiré leur confiance les uns après les autres, parfois avec des mots très durs, remettant en question son jugement, son leadership et sa capacité de mener les troupes à la victoire en 2026.

On lui reprochait aussi les ratés de la campagne électorale, en termes d’organisation sur le terrain, de stratégie de communication, d’orientation de la plateforme électorale et de recrutement de candidats, notamment.

La goutte qui avait fait déborder le vase avait été l’expulsion du caucus de la députée de Vaudreuil, Marie-Claude Nichols, le 27 octobre, parce qu’elle avait refusé les tâches de porte-parole que la cheffe souhaitait lui confier. Qualifiée par plusieurs de complètement démesurée, la décision de l’exclure du caucus libéral pour cette raison avait été dénoncée publiquement par plusieurs anciens collègues. Le tollé qui avait suivi avait convaincu la cheffe de tenter de ramener la députée au bercail, en lui tendant la main, mais le mal était fait. Mme Nichols a refusé, préférant siéger comme indépendante, et disant publiquement que Mme Anglade n’avait pas l’étoffe d’un chef.

À ses collègues députés libéraux, elle a dit souhaiter de travailler «dans l’harmonie et l’unité», espérant que son départ viendra mettre un terme à la bisbille. L’opposition officielle à l’Assemblée nationale ne pouvait plus se permettre «le luxe d’être minée par des intrigues internes dont les Québécois n’ont que faire», a-t-elle commenté.

Le 3 octobre, le caucus du PLQ comptait 21 membres. Il n’en aura plus que 19 à la fin du mois.

Dominique Anglade avait été élue cheffe du PLQ en 2020, sans opposition. Le seul autre candidat, Alexandre Cusson, s’était désisté en cours de route. Elle était la première femme à occuper cette fonction de cheffe de toute l’histoire du PLQ, soit plus de 150 ans. Depuis 2020, elle n’avait pas réussi à redonner un élan à sa formation politique, n’ayant pas su attirer davantage de membres, ni créer un engouement dans la population.

Âgée de 48 ans, Mme Anglade, fille d’immigrants haïtiens, a une formation d’ingénieure. Elle a été élue députée libérale de Saint-Henri-Sainte-Anne, à Montréal, en novembre 2015, et a été promue ministre de l’Économie et vice-première ministre dans le cabinet de Philippe Couillard. Elle y a été réélue en 2018 et en octobre 2022, avec 36 % du vote, talonnée par le candidat de Québec solidaire qui a récolté 27 % des appuis. Son départ à titre de députée, qui deviendra officiel le 1er décembre, devra entraîner une élection complémentaire d’ici le 1er juin.

Mme Anglade avait été auparavant brièvement présidente de la Coalition avenir Québec (CAQ), de 2012 à 2013, aux côtés de François Legault, un parti qu’elle a quitté parce qu’elle ne partageait pas ses idées sur les questions identitaires, notamment la laïcité de l’État. Elle avait été candidate de la CAQ dans Fabre en 2012.

Lundi, elle n’a pas indiqué quels étaient ses projets immédiats, mais elle a dit vouloir désormais «servir autrement le Québec».

Quant au PLQ, il doit à compter de maintenant assurer «un renouvellement de son offre politique, mais aussi revoir la façon de faire de la politique», prévient Mme Anglade, s’il veut regagner la faveur populaire.

À très court terme, le caucus du PLQ devra se réunir cette semaine pour choisir un chef chargé d’assumer l’intérim de l’opposition officielle, avant que le parti déclenche une course au leadership dans les années à venir. Ce nouveau chef intérimaire, issu du caucus, ne pourra pas être candidat à la succession de Mme Anglade.

Réactions

La décision de Mme Anglade a suscité toute une série de réactions en provenance de la classe politique.

Le premier ministre François Legault a fait valoir que cela prenait «du courage pour se lancer en politique», de «la détermination pour être en politique» et «de l’humilité pour quitter» le monde politique.

Le chef du Parti québécois (PQ), Paul St-Pierre Plamondon, a salué la grande résilience dont a su faire preuve Mme Anglade dans la tempête.

Le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, a estimé que la cheffe démissionnaire avait apporté «sincérité et dignité à nos débats parlementaires». Il a souligné son engagement féministe «et sa préoccupation sincère pour la santé mentale».

Dans le camp libéral, les réactions allaient dans le même sens.

Le député de Pontiac, André Fortin, a dit que son ancienne cheffe pouvait partir «la tête haute». Il dit la voir comme une femme «de coeur, de conviction, profondément investie d’un sens du service public et d’un véritable désir d’offrir une égalité des chances à tous les Québécois».

Le nouveau leader parlementaire de l’opposition officielle, Marc Tanguay, a fait valoir que Mme Anglade «aura notamment contribué au développement économique du Québec, tout en étant un exemple de réussite pour toutes les Québécoises».

Le président du caucus, Enrico Ciccone, a dit que son ancienne cheffe avait su démontrer, tout au long de son parcours politique, son «amour du Québec et de ses gens». Lui aussi a souligné sa résilience et sa persévérance.