Conservateurs et bloquistes poursuivront leur offensive contre Greg Fergus après Noël

OTTAWA — La majorité des élus du comité qui était chargé de déterminer une «mesure corrective appropriée» envers le président de la Chambre des communes, Greg Fergus, a beau avoir écarté de demander sa démission, les conservateurs et bloquistes réclamant son départ n’entendent pas baisser leur garde, et ce, même si le dossier s’étirera jusqu’après Noël.

Le tollé provoqué depuis près de deux semaines par l’apparition virtuelle à un événement partisan du député libéral de la circonscription de Hull—Aylmer, qui occupe le siège de la présidence depuis octobre, n’est pas près de connaître son dénouement.

Dès la présentation aux Communes, jeudi avant-midi,des recommandations du comité compilées dans un rapport, le leader parlementaire des conservateurs, Andrew Scheer, a voulu déposer, en vain, des documents constituant une «preuve d’une autre activité partisane à laquelle le président a pris part».

L’opposition officielle a ensuite partagé à La Presse Canadienne une série de captures d’écran tirées des réseaux sociaux référant à un événement du 16 novembre qui était présenté comme un «cocktail militant» avec le député provincial de la circonscription de Pontiac, le libéral André Fortin.

Dans une publication Instagram,l’élue fédérale Sophie Chatel – également de l’Outaouais – qui était présente, a parlé d’une «soirée stimulante axée sur des discussions politiques tant provinciales que régionales».

«Si quiconque (parmi les élus) a déjà dit quoi que ce soit sur l’importance de l’indépendance et l’intégrité du président, ils devraient m’autoriser à déposer ces documents et ils devraient permettre aux débats sur le président de se poursuivre aujourd’hui», a dit M. Scheer, qui a déjà occupé le fauteuil de la présidence.

Pas de levée de fonds, mais des contributions volontaires

Mme Chatel a voulu «rectifier les faits» en mêlée de presse. «Ce n’était pas un événement de levée de fonds, a-t-elle affirmé. C’était la communauté qui se rassemble dans un événement chez Greg (Fergus).»

Du côté des libéraux provinciaux, on a précisé que des contributions volontaires de militants étaient amassées durant cette soirée, comme c’est la coutume. L’argent a été redistribué à l’association libérale de Pontiac qui organisait l’événement.

Comme le bureau de M. Fergus et Mme Chatel l’ont mentionné, on a relevé que la soirée a eu lieu dans la circonscription fédérale du président de la Chambre, qui chevauche celle de Pontiac au niveau provincial.

«M. Fergus était présent à cet événement non payant au British Hotel à Aylmer», s’est contenté de déclarer par courriel l’attaché de presse de la présidence à Ottawa, Mathieu Gravel.

Ce dernier n’a pas précisé le niveau de participation du président, mais Mme Chatel a soutenu qu’il «s’est arrêté pour dire “Bonjour”».

Quoi qu’il en soit, les appels à la démission de M. Fergus continueront de se faire entendre après la fin de la session parlementaire, prévue vendredi.

M. Scheer a déposé un avis de motion voulant que la Chambre retire sa confiance au président Fergus et ordonne une nouvelle élection.

Sa formation politique voulait que le vote sur cette motion ait lieu jeudi, mais l’agenda parlementaire quivafinalement de l’avant repousse ce moment au retour des Fêtes. Une source gouvernementale a confirmé que c’est ce qui se produira.

«Le président, quand il va revenir en janvier, s’il ne démissionne pas, (…) va trouver que sa session au retour va être difficile», a lancé en mêlée de presse Claude DeBellefeuille, la whip du Bloc québécois, première formation politique aux Communes à avoir demandé à M. Fergus de tirer sa révérence.

Quant au vote pour adopter le rapport du comité, il ira aussi au retour des Fêtes, selon la même source gouvernementale. Celle-ci s’exprimait sous le couvert de l’anonymat afin de pouvoir parler plus librement.

La majorité des membres de ce comité, composée de néo-démocrates et libéraux, a recommandé que M. Fergus rembourse «un montant adéquat» pour l’utilisation des ressources associées à sa fonction, peut-on lire.

La leader en Chambre des libéraux, Karina Gould, a réitéré jeudi qu’elle considère que M. Fergus «a appris sa leçon». Elle a évoqué qu’il était nouveau dans ses fonctions, lui qui a succédé en octobre à Anthony Rota à la présidence de la Chambre.

«Nous n’avons pas le sentiment que c’est une offense (nécessitant une démission)», a-t-elle dit aux journalistes.

Les conservateurs et les bloquistes n’ont pas manqué d’exprimer leur dissidence dans le rapport.

«Les recommandations proposées par la majorité Libéral-NPD (…) sont faibles et vides de sens», a déclaré l’opposition officielle.

Quel montant pour l’amende?

La question de la sanction pécuniaire, que les conservateurs voient comme une «tape sur les doigts dans son interprétation la plus généreuse», est selon eux déjà considérée par le Bureau de la régie interne. Ce regroupement de parlementaires est notamment responsable des finances et des budgets relatifs à la Chambre des communes.

«Si un simple remboursement aux contribuables des ressources utilisées constitue une  »pénalité », alors (la) compréhension (du NPD) des conséquences et des remèdes appropriés est une plaisanterie», a-t-on plaidé.

Le Bloc québécois a une interprétation similaire. Mme DeBellefeuille a laissé entendre que l’amende pourrait s’élever à un montant dérisoire comparativement à la gravité de la faute.

Les critiques à l’endroit de M. Fergus fusent depuis la diffusion,au congrès du Parti libéral de l’Ontario, d’un message capté sur vidéo dans lequel il remercie le chef intérimaire sortant de cette formation politique, John Fraser. Le président de la Chambre portait l’habit officiel de ses fonctions au cours de son message et le bureau de la présidence était reconnaissable en arrière-plan.

«Nous avons déjà commencé à mettre en place certaines des mesures contenues dans le rapport (…) et celles-ci nous aideront à analyser de façon plus judicieuse les demandes de présence à des événements et de production de messages écrits ou vidéos», a écrit Mathieu Gravel.

Du côté du Bureau de la régie interne, on indique avoir «accepté à deux occasions un paiement de 500 $ comme réparation appropriée pour l’utilisation (inadéquate) des ressources de la Chambre», mais que le montant est décidé «pour chaque cas».

«On a dit très clairement qu’à partir de maintenant, on est en train de surveiller M. Fergus», s’est défendu le leader en Chambre du NPD, Peter Julian.

Il a fait remarquer que CBC a rapporté dans un article que M. Scheer a lui-même écopé d’une amende de 500 $ pour avoir utilisé les ressources de la Chambre à des fins partisanes dans une vidéo publiée plus tôt cette année.

«On ne peut pas avoir un poids, deux mesures. Il faut qu’on soit (cohérent) là-dessus. Ce n’est pas acceptable pour M. Scheer, ce n’est pas acceptable pour M. Fergus», a-t-il dit.

Accosté par des journalistes, M. Scheer a répondu que «Justin Trudeau a établi (le) précédent quand il a inadéquatement utilisé les ressources de la Chambre».

Le texte de CBC cite une source anonyme qui affirme que la pénalité de 500 $ attribuée à M. Scheer découlait d’un «précédent» remontant à janvier 2019, quand le premier ministre a enregistré un message de levée de fonds à son bureau sur la colline parlementaire.

Selon un procès-verbal du Bureau de la régie interne, la sanction pour cette faute de M. Trudeau a été de 500 $.

La Presse Canadienne n’a pas été en mesure de confirmer les autres informations rapportées par le diffuseur public.

– Avec des informations de Mickey Djuric et de Michel Saba