Conflit Israël-Gaza: le Canada invité à prioriser les otages

OTTAWA — Un répit temporaire des hostilités entre Israël et le Hamas ne devrait pas être la priorité du Canada, ont soutenu séparément des défenseurs israéliens et palestiniens sur la Colline du Parlement lundi, alors même que le gouvernement canadien continuait de faire pression pour des «pauses humanitaires».

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a déclaré lundi dans un discours devant le Club économique du Canada à Toronto qu’un accord humanitaire était nécessaire de toute urgence pour aider les habitants de la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, qui abrite plus de deux millions de Palestiniens.

La ministre a également déclaré que le gouvernement canadien a l’obligation d’aider ses citoyens à sortir de cette zone dangereuse. Affaires mondiales Canada dit être en contact avec 499 Canadiens, résidents permanents et membres de leur famille sur le territoire.

Le dernier conflit a commencé lorsque des militants du Hamas ont lancé des attaques effrontées contre des civils israéliens le 7 octobre. Plus de 1400 Israéliens ont été tués dans ces attaques, a déclaré le gouvernement israélien.

Israël a répondu avec force, en bombardant Gaza de roquettes et en lançant ces derniers jours une offensive terrestre. Depuis, plus de 8300 Palestiniens ont été tués, selon le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, et la plupart d’entre eux sont des femmes et des enfants.

Condamnation

Le fait que le Canada n’ait pas appelé à un cessez-le-feu a suscité la condamnation de certains.

«Est-ce que c’est ce que méritent les civils, qui n’ont rien fait de mal, de prendre une pause-café avant de se replonger dans le massacre?», a déclaré Ahmad Al-Qadi de Justice pour tous Canada, lors d’une conférence de presse, lundi.

«Au lieu de s’opposer à la violence, (les députés canadiens) ont donné carte blanche à Israël pour faire ce qu’il veut», a-t-il déclaré aux journalistes.

M. Al-Qadi a affirmé qu’un cessez-le-feu était maintenant nécessaire.

Irwin Cotler, militant de longue date des droits de la personne et ancien procureur général libéral, a déclaré que le Hamas avait violé les pauses humanitaires passées.

«Ce que les Israéliens ont appris, c’est que ces pauses ne font qu’aboutir à l’enlèvement d’autres otages», a-t-il lancé.

Il a déclaré que le Canada devrait concentrer ses efforts sur la création d’une coalition multi-pays pour faire pression sur le Hamas afin qu’il libère tous les otages par tous les moyens possibles. Il a indiqué que cela ferait écho aux coalitions contre le groupe dit État islamique et pourrait même inclure un aspect militaire.

L’ambassadeur d’Israël au Canada, Iddo Moed, a déclaré qu’Israël aimerait fournir davantage d’aide humanitaire, mais que son pays est entravé par les actions du Hamas, qui, selon lui, détourne souvent des fournitures et de l’argent destinés aux civils.

«Les pauses humanitaires sont un luxe si on les compare à la condition des otages», a soutenu M. Moed.

Les otages devraient être une priorité

Dans son discours, Mme Joly a également exhorté le Hamas à libérer plus de 200 otages détenus à Gaza, parmi lesquels, selon elle, pourraient figurer deux Canadiens toujours portés disparus.

Vivian Silver, ayant la double nationalité israélo-canadienne, pourrait faire partie des otages. Son fils, Chen Zeigen, a déclaré lundi que la libération des otages devait figurer en tête de la liste des priorités mondiales. Mme Silver, 74 ans, a disparu de son domicile du kibboutz Beeri, près de la frontière avec Gaza, qui a été attaqué par des militants du Hamas le 7 octobre.

«Le Hamas essaie de présenter les otages comme des prisonniers de guerre. Mais il s’agit de bébés, de jeunes enfants, de femmes et de personnes âgées, enlevés à leurs maisons», a déclaré lundi M. Zeigen.

«Ils n’ont pas eu accès à (…) la Croix-Rouge. Nous n’avons reçu aucune information sur leur sort», a-t-il ajouté lors d’une conférence de presse organisée par le gouvernement israélien. 

M. Zeigen a déclaré qu’il était en contact fréquent avec l’ambassade du Canada à Tel-Aviv au sujet de sa mère, bien qu’Ottawa n’ait pas confirmé l’identité des deux Canadiens qu’il soupçonne d’être retenus en otage par le Hamas.

Aharon Brodutch, un immigrant israélien au Canada qui vit maintenant à Toronto, a feuilleté des photos plastifiées des quatre proches qu’il a déclaré avoir été kidnappés par le Hamas le 7 octobre.

«Nous pensions que cela ne se reproduirait plus. Mais cela s’est produit. Nous avons vécu le jour d’un deuxième Holocauste», a confié M. Brodutch aux journalistes.

Il a appelé les musulmans à dénoncer un groupe qui a pris des civils en otages.

«Nous avons de grandes communautés musulmanes au Canada qui voient cela, et je suis sûr que beaucoup d’entre elles sont horrifiées par ce qui s’est passé. J’aimerais voir la communauté musulmane canadienne – qui, j’en suis sûr, peut indirectement avoir un impact sur le Hamas – se battre pour les valeurs musulmanes», a-t-il dit.

«Diplomatie pragmatique»

«La situation humanitaire à laquelle est confronté le peuple palestinien – les femmes et les enfants palestiniens – est désastreuse. Les attaques de colons extrémistes se poursuivent en Cisjordanie», a déclaré Mme Joly dans son discours.

Affaires mondiales Canada affirme avoir aidé 65 citoyens canadiens, résidents permanents et membres de leur famille éligibles à quitter la Cisjordanie depuis le début du conflit, et il est en contact avec 66 personnes qui s’y trouvent toujours.

Les Forces armées canadiennes ont confirmé lundi avoir envoyé des forces spéciales à l’ambassade du Canada à Tel-Aviv après qu’Affaires mondiales Canada a demandé un soutien militaire pour les aider à se préparer à une éventuelle escalade des hostilités au Moyen-Orient.

Mme Joly a réitéré la condamnation sans équivoque du Hamas pour ses attaques et a déclaré qu’Israël a le droit de se défendre contre le terrorisme «conformément au droit international».

Les craintes d’un conflit plus large ont été exacerbées par des affrontements à la frontière israélo-libanaise, qui, selon les responsables, pourraient conduire à la nécessité d’évacuer les Canadiens du Liban.

Mme Joly a déclaré que, alors que la région est confrontée à cette période précaire, il est également nécessaire de regarder vers l’avenir, en soutenant une solution à deux États.

«Les plaques tectoniques de l’ordre mondial se déplacent sous nos pieds et les structures construites dessus se fracturent», a déclaré Mme Joly lundi.

Elle a ajouté que le monde est confronté à un défi générationnel pour prévenir un conflit mondial et que le Canada a un rôle important à jouer dans la construction d’un monde stable et inclusif.

Cela inclut ce qu’elle appelle une «diplomatie pragmatique», même avec des pays avec lesquels nous ne sommes pas d’accord.

«À mesure que le respect des règles diminue, les chaises vides ne servent à personne. Soyons claires: je suis une ouvreuse, pas une ferme-porte, a-t-elle déclaré. Par conséquent, à de rares exceptions près, le Canada s’engagera.»

Mme Joly a prévenu que la démocratie ne peut pas être tenue pour acquise et que le Canada doit protéger sa souveraineté.

Elle a déclaré que le gouvernement est déterminé à accroître la présence du pays à l’ONU et dans d’autres institutions internationales, en s’appuyant sur l’histoire du Canada en matière de création de règles et d’institutions internationales.

«L’ordre mondial actuel est également remis en question par les peuples et les nations, en particulier ceux du Sud, qui se demandent si les règles reflètent leur réalité et profitent à leurs peuples», a-t-elle déclaré.

«Certains ont exprimé leurs inquiétudes concernant les deux poids, deux mesures ou si les institutions actuelles et leurs décisions répondent à leurs besoins ou sont équitables.»