Christian Dubé présente le projet de loi 15 qui réforme le réseau de la santé

QUÉBEC — Le gouvernement Legault mise principalement sur la création d’une toute nouvelle société d’État, Santé Québec, pour améliorer le fonctionnement du réseau de la santé.

Le ministre de la Santé, Christian Dubé, a présenté mercredi le projet de loi 15, Loi visant à rendre le système de santé et de services sociaux plus efficace.

Ce volumineux projet de loi — qui contient près de 1200 articles — institue Santé Québec, qui est à l’image d’Hydro-Québec et qui serait chargée de coordonner les opérations du réseau.

Le ministère, lui, se concentrerait surtout sur la définition des grandes orientations. On estime qu’environ 30 à 40 % des 1200 employés du ministère migreraient, de façon volontaire, vers Santé Québec.

L’agence deviendrait l’employeur unique pour le réseau de la santé et des services sociaux; les CISSS et CIUSSS y seraient intégrés. C’est donc dire qu’on cesserait d’utiliser ces acronymes.

Parce qu’il y aurait un seul employeur, les accréditations syndicales seraient fusionnées; elles passeraient de 136 à 4. On vise aussi une liste d’ancienneté unique, ce qui permettrait la mobilité du personnel d’une région à l’autre.

En d’autres mots, une infirmière qui serait appelée à suivre son conjoint dans une autre région, par exemple, pourrait le faire sans perdre son ancienneté.

Cela faciliterait également la mise en place d’une banque de personnel mobile afin de venir en aide aux régions en manque de personnel, peut-on lire dans les documents explicatifs présentés mercredi.

Médecins spécialistes

Par ailleurs, le ministre Dubé s’engage dans un bras de fer avec les médecins spécialistes.

Ceux-ci seraient soumis à des obligations de prise en charge pour améliorer l’accès aux soins. Ils auraient à offrir une meilleure disponibilité aux urgences et accepter des horaires défavorables, notamment.

La Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) a aussitôt dénoncé l’absence d’écoute et «l’attitude de confrontation» du ministre envers ceux qui travaillent dans le réseau.

«Nous n’accepterons pas d’être désignés comme les boucs émissaires», a réagi par communiqué le président de la FMSQ, le Dr Vincent Oliva, qui promet de participer aux consultations sur le projet de loi.

En conférence de presse mercredi, M. Dubé a répondu que tous les médecins doivent faire leur part, «responsabilité populationnelle» oblige.

«Tous (…) doivent contribuer à une prise en charge des Québécois. Il faut qu’il y ait notamment une équité entre les médecins de famille et les spécialistes», a-t-il déclaré.

«Il y a bien des spécialistes pour qui ça sera aucun changement, mais dans certaines spécialités, il y a des choses à préciser», a-t-il ajouté, soulignant que 800 000 patients attendent un rendez-vous avec un spécialiste.

Autres changements proposés dans la réforme: le ministre souhaite doter chacune des 1600 installations (hôpitaux, CHSLD, CLSC, etc.) d’un gestionnaire responsable redevable au patron de Santé Québec.

Un commissaire national aux plaintes et à la qualité des services viendrait aussi chapeauter les instances déjà existantes pour assurer le traitement adéquat et optimal des plaintes dans le réseau.

Si la pièce législative est adoptée, les changements se feront par étapes, d’ici 2025, a précisé le ministre.

Par la suite, il sera possible de mesurer le succès de la démarche en se référant aux différents indicateurs qui apparaissent dans le tableau de bord du ministère: temps d’attente aux urgences, attente pour une chirurgie, etc.

«Le plus grand plaisir que j’ai, c’est quand je vois des tendances s’améliorer. (…) Toute la mesure est là», a-t-il dit.

Un projet de loi «orwellien», selon l’opposition

Bien qu’ils n’ont pas eu le temps d’étudier dans le détail le titanesque projet de loi, les partis d’opposition n’ont pas hésité à le critiquer. On craint une volonté de centralisation et de déresponsabilisation du ministre.

«Il y a quelque chose d’orwellien dans ce qu’on nous présente (…) Le discours et les gestes qu’on pose nous apparaissent contradictoires», a lâché le député péquiste, Joël Arseneau.

Le Parti Québécois (PQ) et Québec solidaire (QS) voient le projet de loi dans la continuité de la réforme de l’ancien ministre de la Santé libéral, Gaétan Barrette.

«À première vue, ça m’a l’air d’une réforme Barrette sur les stéroïdes. On veut absolument finir la job qui avait été commencée par le très mauvais gouvernement libéral», a affirmé le solidaire Vincent Marissal.

«Ce projet de loi-là, ce mammouth dans un magasin de porcelaine arrive à un bien mauvais moment», a-t-il ajouté.

Le député libéral André Fortin croit que le ministre se «décharge de sa responsabilité et de son imputabilité».

«Ça nous semble être comme un bouclier anti-imputabilité pour Christian Dubé», a-t-il dit. M. Fortin est toutefois resté plus prudent sur les liens entre la réforme de son ancien collègue Gaétan Barrette et celle de M. Dubé.

«Le Parti libéral a choisi de faire certaines réformes et d’arrêter à un certain point. La CAQ fait un autre choix aujourd’hui. Elle va beaucoup plus loin», a-t-il soutenu.