Charest promet d’abolir la «taxe carbone» imposée aux consommateurs

OTTAWA — Le candidat à la direction du Parti conservateur du Canada Jean Charest promet d’abolir la «taxe carbone» imposée aux consommateurs par le gouvernement libéral et d’éliminer la portion fédérale de la taxe de vente harmonisée (TVH) sur les achats de biens à faible émission. 

Il s’engage aussi à revenir à un objectif moins ambitieux de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) du pays d’ici 2030, s’il remporte la course à la direction du parti le 10 septembre et ramène les conservateurs au pouvoir par la suite. 

M. Charest promet d’éliminer la «taxe Trudeau à la consommation» sur le carbone, et de faire payer aux émetteurs industriels une tarification du carbone, afin de «mettre l’accent sur les entreprises et non sur les familles». Son «plan pour stimuler la croissance verte», publié mardi, ne contient aucun détail sur les coûts de mise en oeuvre. 

«Nous voulons que ce soit simple et aussi direct que possible, a expliqué l’ancien premier ministre du Québec, en entrevue lundi. Nous pensons que si nous empruntons cette voie, nous serons plus efficaces, plus flexibles, capables d’obtenir clairement de meilleurs résultats que si nous empruntons la voie d’une taxe à la consommation ou d’une tarification à la consommation plus complexe.»

La taxe fédérale sur le carbone, actuellement fixée à 50 $ la tonne d’émissions, s’applique directement en Alberta, en Saskatchewan, au Manitoba et en Ontario, des provinces où les consommateurs reçoivent des chèques de remise d’Ottawa. Toutes les autres provinces ont mis en place leur propre système de tarification du carbone qui respecte les normes minimales fédérales. 

Jean Charest entend respecter la compétence des provinces pour décider de la meilleure façon de réduire leurs émissions, notant les différences entre le Québec, par exemple, qui possède beaucoup d’énergie hydroélectrique, et l’Alberta, où l’économie est liée au pétrole et au gaz. «Ça tombe sous le sens de pouvoir tenir compte de différentes approches en fonction de réalités différentes», a-t-il déclaré lundi. 

S’il devenait premier ministre, M. Charest ne respecterait pas l’objectif de 2030 adopté par le premier ministre Justin Trudeau dans le cadre de l’accord de Paris sur le climat. Cette cible prévoit de réduire d’ici 2030 les émissions de GES de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005. 

M. Charest s’en tiendrait plutôt à l’objectif de 30 % fixé par l’ancien premier ministre conservateur Stephen Harper, qu’il a qualifié de plus réalisable et réaliste. «Nous avons vu ce film je ne sais pas combien de fois: fixer des objectifs puis échouer», a-t-il dit.

La taxe carbone

Jusqu’où les conservateurs sont prêts à aller pour s’attaquer au problème des émissions liées au carbone, qui alimentent le réchauffement de la planète: voilà une question à laquelle le parti est confronté, alors que les scientifiques appellent désespérément à une action plus rapide. Les libéraux au pouvoir ont également fait du changement climatique l’une de leurs principales priorités.

L’un des cris de ralliement les plus populaires des militants de la base conservatrice, dont beaucoup sont originaires de la Saskatchewan et de l’Alberta, est d’annuler la taxe sur le carbone, qu’ils jugent inefficace et punitive pour les familles.  

Un autre candidat à la direction du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a déjà promis de le faire. Il a plus tôt attaqué M. Charest pour son soutien à la tarification du carbone et a suggéré que son adversaire, qui n’avait pas encore présenté son plan climatique, était favorable aux mesures imposées par le premier ministre Trudeau.

Lorsque M. Charest était premier ministre libéral du Québec, il a mis en place un système de plafonnement et d’échange de droits d’émissions — un marché du carbone —, qui est une forme de tarification. Il a également été ministre fédéral de l’Environnement dans le cabinet du premier ministre progressiste-conservateur Brian Mulroney, au début des années 1990. 

De nombreux membres du parti et plusieurs observateurs de la scène politique avaient donc bien hâte de connaître ses propositions dans le dossier climatique.

Captage et stockage du CO2 

Pour inciter les Canadiens à réduire leur propre empreinte carbone, le plan de Jean Charest propose d’éliminer la partie fédérale de la TVH sur les achats tels que les véhicules électriques, les électroménagers Energy Star ou les fenêtres à haut rendement énergétique. Il appartiendrait aux provinces de décider de réduire leurs propres portions de la TVH. 

M. Charest s’engage également à offrir des crédits d’impôt pour améliorer le captage, l’utilisation et le stockage du CO2, et pour les installations d’élimination du dioxyde de carbone. Le gouvernement libéral a alloué 2,6 milliards $ sur cinq ans à un crédit d’impôt pour les entreprises qui investissent dans des projets utilisant le captage et le stockage du CO2.

Le plan Charest promet également de faire de l’énergie nucléaire «une priorité», notamment en l’intégrant au Programme d’obligations vertes du Canada.  

Le plan prévoit aussi un prix sur le carbone à la frontière «pour empêcher la délocalisation du CO2 – et des emplois – vers des pays ayant des normes environnementales et d’émissions plus faibles».

Stewart Elgie, directeur de l’Institut de l’environnement à l’Université d’Ottawa, à qui on a montré le plan de M. Charest, le juge crédible. Il a ajouté que les antécédents de M. Charest au gouvernement font de lui le concurrent le plus soucieux du climat dans la présente course.  

«La principale faiblesse du plan est qu’il n’y aura pas de prix du carbone pour les consommateurs, et qu’il faudra donc utiliser d’autres outils pour atteindre ces réductions d’émissions», estime-t-il.

L’ancien chef conservateur Erin O’Toole s’était retrouvé dans l’eau chaude avec son caucus et des militants l’année dernière après les avoir surpris en appuyant l’idée d’une taxe sur le carbone pour les biens de consommation, comme les carburants, après avoir fait campagne dans la course à la direction pour l’élimination de la «taxe carbone» des libéraux.   

Michael Bernstein, directeur de «Clean Prosperity», une organisation à but non lucratif qui plaide pour que les conservateurs adoptent la tarification du carbone comme moyen le plus économique de réduire les émissions, a déclaré lundi qu’il n’était pas très surpris de constater l’exclusion d’un prix du carbone pour les consommateurs. 

À son avis, il est clair que l’opposition à cette mesure est devenue un élément central de l’identité conservatrice pour de nombreux membres du parti, au-delà des «faits et des données».