Ceinture de verdure: la VG conclut que le gouvernement a favorisé des promoteurs

TORONTO — La décision du gouvernement de Doug Ford d’ouvrir la «ceinture de verdure» protégée à la construction de logements a favorisé «certains promoteurs» qui ont des liens avec le ministère du Logement, et n’a pas tenu compte des conséquences potentielles de cette mesure, conclut la vérificatrice générale.

Le premier ministre Ford a reconnu mercredi que le processus de détermination de secteurs de la «ceinture de verdure» à développer «aurait dû être meilleur». Mais il ajoute que son gouvernement ne fera pas marche arrière, insistant sur le fait que la construction dans la région était cruciale pour atteindre ses objectifs en matière de création de logements en Ontario.

Dans son rapport déposé mercredi, la vérificatrice Bonnie Lysyk souligne que le gouvernement a agi en tenant peu compte des commentaires d’experts et en ne prenant pas en considération les répercussions et les risques environnementaux, agricoles et financiers lorsqu’il a décidé en 2022 de retirer certaines zones de la «ceinture de verdure» et d’en ajouter d’autres.

Elle a estimé que les propriétaires des 15 terres qui ont été retirées de la «ceinture de verdure» pourraient constater, à terme, une augmentation de plus de 8,3 milliards $ de la valeur de leurs propriétés. Selon son enquête, 14 des 15 sites qui ont été retirés ont aussi été «intégrés à l’exercice» par le chef de cabinet du ministre du Logement.

L’un des promoteurs ayant profité du changement de réglementation est TACC Developments, qui appartient à la famille De Gasparis. Silvio De Gasparis, qui n’est pas nommé directement dans le rapport, a des liens étroits avec le premier ministre Ford. Un autre promoteur était Michael Rice, propriétaire du Rice Group. 

TACC Developments et Rice Group ont tous deux des terres sur la «ceinture de verdure» qui ont été ouvertes au développement et tous deux se sont opposés à la convocation de la vérificatrice générale pour répondre à ses questions.

«L’exercice visant à modifier les limites de la ceinture de verdure à l’automne 2022 ne peut être décrit comme un processus standard ou défendable», a écrit Mme Lysyk dans son rapport.

«L’exercice de sélection des terres, incomplet et très restreint, excluait l’apport substantiel des experts en planification de l’aménagement du territoire des ministères provinciaux, des municipalités, des offices de protection de la nature, des dirigeants des Premières Nations et du grand public, tout en accordant un traitement préférentiel à certains promoteurs ayant un accès direct au chef de cabinet du ministre des Affaires municipales et du Logement.»

Le premier ministre Ford et le ministre du Logement, Steve Clark, ont déclaré qu’ils acceptaient une grande partie des conclusions du rapport et se sont engagés à faire mieux à l’avenir. «En tant que premier ministre, la responsabilité m’incombe et j’assume l’entière responsabilité de la nécessité d’un meilleur processus», a déclaré M. Ford.

Le premier ministre a déclaré qu’il n’avait entendu parler de l’échange de terres que le jour où il a été soumis au cabinet pour approbation, tandis que le ministre Clark a déclaré l’avoir appris la semaine précédente. Les deux ont précédemment déclaré qu’ils n’avaient pas informé les promoteurs à l’avance et ont nié avoir personnellement tiré profit de toute décision politique relative à la «ceinture de verdure».

La cheffe du Nouveau Parti démocratique (NPD) de l’Ontario, Marit Stiles, a aussitôt réclamé la «démission immédiate» du ministre Clark.

«Appelons un chat un chat: c’est de la corruption. Les Ontariens ont droit à quelque chose de mieux qu’un gouvernement qui enrichit un petit groupe de personnes qui soutiennent son parti financièrement, au détriment des gens qui travaillent fort», a-t-elle plaidé dans un communiqué.

Décisions biaisées

Dans son rapport, Mme Lysyk a noté que le processus qui a mené au retrait de 15 terrains de la «ceinture de verdure» a duré trois semaines et qu’il a été piloté par le chef de cabinet du ministre du Logement. Il s’agit de Ryan Amato, qui n’est toutefois pas nommé directement dans le rapport.

MM. Ford et Clark ont tous deux assuré la vérificatrice générale qu’ils n’étaient pas au courant que c’était M. Amato qui était responsable du processus.

Mme Lysyk a formulé 15 recommandations à l’attention du gouvernement dans son rapport, incluant celle de réévaluer sa décision de modifier les limites de la «ceinture de verdure».

Le gouvernement a accepté de mettre en œuvre 14 des 15 recommandations, mais a rejeté celle de revoir la décision. M. Ford a par ailleurs déclaré qu’il n’avait «aucun projet pour le moment» d’ouvrir davantage la «ceinture de verdure» à l’avenir.

Le chef de cabinet au centre du dossier

Lorsque le Parti progressiste-conservateur a remporté les élections de juin 2022 avec une forte majorité, M. Ford a ordonné à M. Clark, dans sa lettre de mandat à titre de ministre du Logement, de terminer le travail concernant les mises à jour des politiques liées à la «ceinture de verdure», peut-on apprendre en lisant le rapport de la vérificatrice générale.

Le ministère du Logement a offert deux options au chef de cabinet de M. Clark: entamer un examen global de la «ceinture de verdure» ou choisir certains sites spécifiques, a écrit Mme Lysyk.

En octobre dernier, M. Amato a demandé au ministère de former une petite équipe de six à dix fonctionnaires pour évaluer des sites spécifiques, plutôt que d’amorcer un examen global. Il a ensuite ordonné à cette «équipe de projet» de ne divulguer aucune information au sujet de leurs travaux. Il leur a aussi fait signer des accords de confidentialité.

Les travaux devaient être effectués promptement pour s’inscrire dans les réformes du gouvernement ontarien en matière de construction de logements. Le gouvernement Ford souhaite la construction de 1,5 million d’habitations au cours des 10 prochaines années.

Le chef de cabinet du ministre du Logement a ensuite fourni lui-même à cette équipe 21 des 22 sites qui devaient être évalués pour savoir s’ils allaient être retirés de la zone protégée.

Lors de son entretien avec la vérificatrice générale, M. Amato a reconnu qu’il avait choisi les terrains en partie après avoir parlé à quelques promoteurs lors d’un événement de la Building Industry and Land Development Association (BILD) le 14 septembre.

«Dans l’ensemble, ceux et celles qui avaient accès au chef de cabinet à l’événement de septembre de la BILD ont fait l’objet de retraits de terres ou biens-fonds de l’ordre de 6.784 acres, soit 92 % des 7 412,64 acres qui ont finalement été retirés de la ceinture de verdure en décembre 2022», est-il écrit dans le rapport.

La vérificatrice générale avait lancé un audit de l’optimisation des ressources en janvier après avoir reçu une demande conjointe des trois partis d’opposition.