«Canadiens perdus»: Ottawa veut plus de temps pour élaborer un projet de loi

OTTAWA — Un nombre indéterminé de personnes deviendront automatiquement des citoyens canadiens la semaine prochaine si la Cour supérieure de l’Ontario n’accorde pas au gouvernement fédéral une troisième prolongation pour régler le problème des «Canadiens perdus», a plaidé Ottawa jeudi devant le tribunal.

Ceux qu’on appelle les «Canadiens perdus» sont ces personnes nées à l’extérieur du pays de parents canadiens mais eux-mêmes nés à l’étranger.

En 2009, le gouvernement du premier ministre conservateur Stephen Harper avait modifié la Loi sur la citoyenneté afin que les citoyens canadiens nés à l’étranger ne puissent transmettre leur citoyenneté à moins que leur enfant ne soit né au Canada. Mais à la fin de l’année dernière, la Cour supérieure de l’Ontario a statué que cette disposition de la loi était inconstitutionnelle, car elle créait deux classes de citoyens.

Le gouvernement a jusqu’au 19 décembre pour modifier la Loi sur la citoyenneté afin de répondre à cette décision. Il demande maintenant à la cour une troisième prolongation, après avoir obtenu des délais en juin et en août derniers.

Devant le tribunal jeudi, le gouvernement a demandé que la date limite du 19 décembre soit repoussée de trois mois, jusqu’au 19 mars 2025, afin de lui donner plus de temps pour faire adopter un projet de loi au Parlement.

Les libéraux ont proposé en mai des amendements à la Loi sur la citoyenneté afin d’accorder la citoyenneté à ces «Canadiens perdus», mais le projet de loi n’a commencé à être débattu qu’en septembre. Il a depuis été mis de côté, car une bataille de procédures entre les conservateurs et les libéraux aux Communes retarde la plupart des travaux de la Chambre.

Le projet de loi prévoit que toute personne répondant aux critères habituels serait admissible à la citoyenneté si ses parents ont passé en tout trois ans au Canada avant sa naissance.

Dans son dossier soumis à la cour, le bureau du procureur général soutient que si la loi de l’époque Harper devait expirer la semaine prochaine, cela créerait un «vide juridique», par lequel la citoyenneté serait appliquée de manière incohérente et entraînerait un nombre indéterminé de personnes devenant subitement citoyens canadiens.

L’équipe juridique représentant sept familles de «Canadiens perdus» a plaidé qu’avec les deux prolongations précédentes, le gouvernement avait eu bien assez de temps pour faire adopter la loi.

Le gouvernement fédéral montré du doigt

L’avocat Sujit Choudhry a soutenu que la prolongation ne devrait être accordée que pour un mois et demi, jusqu’au 3 février 2025. Il demande au tribunal d’évaluer le travail qui a été fait à Ottawa pour adopter le projet de loi et de décider s’il convient d’accorder une nouvelle prolongation.

Or, la Chambre des communes ajournera ses travaux le 17 décembre pour les Fêtes et les députés ne siégeront pas avant le 27 janvier 2025.

Me Choudhry soutient que le gouvernement n’a pas pris suffisamment de mesures pour adopter à temps le projet de loi. Malgré l’obstruction systématique d’une motion de privilège qui a paralysé la plupart des travaux de la Chambre des communes, le gouvernement a pu déposer et faire adopter d’autres projets de loi, a -t-il plaidé.

Le dossier du gouvernement soumis à la cour indique que le projet de loi sur la citoyenneté est «complexe et a des effets de grande portée»; il doit donc être soigneusement examiné et pris en considération par le Parlement.

Le projet de loi est actuellement à l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes. Le Sénat procède également à une étude préliminaire de la pièce législative.

L’avocate du gouvernement, Hillary Adams, a déclaré qu’un plan pour faire progresser le projet de loi avait été élaboré, mais que le gouvernement n’avait pas le soutien nécessaire en Chambre pour suspendre le débat sur la question de privilège afin de l’adopter rapidement.

Elle a soutenu que cela ne signifie pas que le gouvernement est coupable d’outrage au tribunal si les choses ne se déroulent pas comme il le souhaiterait.

La juge Jasmine Akbarali a déclaré qu’elle était consciente du temps limité dont elle disposait pour rendre sa décision sur la prolongation et elle a déclaré qu’une décision serait bientôt prise.