Audience de détermination de la peine à imposer à Veltman pour l’attentat de London

LONDON, Ont. — Une parente de la famille qui a été décimée dans un attentat au véhicule bélier en juin 2021 à London, en Ontario, se souvient d’avoir ramassé des vêtements sur le sol de la chambre de sa petite-nièce au lendemain des meurtres et avoir «désespérément cherché du réconfort» dans son odeur, pour une dernière fois.

Les commentaires de Hina Islam faisaient partie des «déclarations des victimes» prononcées avec beaucoup d’émotion jeudi lors de l’audience de détermination de la peine de Nathaniel Veltman, à London.

Le suprémaciste blanc autoproclamé a été reconnu coupable en novembre de quatre chefs de meurtre au premier degré et d’un chef de tentative de meurtre pour avoir happé avec sa camionnette la famille Afzaal, qui se promenait tranquillement dans les rues de London par une belle soirée de juin, en 2021.

Madiha Salman, 44 ans, son mari Salman Afzaal, 46 ans, leur fille de 15 ans, Yumna, et la grand-mère de 74 ans, Talat Afzaal, ont été tués. Le fils du couple, âgé de neuf ans, a été grièvement blessé, mais il a survécu à l’attentat.

Veltman, âgé de 23 ans, a déclaré avoir pris pour cible les Azfaal parce qu’ils portaient des vêtements musulmans traditionnels. L’attentat a dévasté la ville ontarienne de London et déclenché des appels dans tout le pays pour lutter contre l’islamophobie.

Hina Islam, la tante de Madiha Salman, a déclaré jeudi lors de l’audience de détermination de la peine que vivre dans le même quartier que ses proches lui procurait jadis «un profond sentiment d’ancrage et de sécurité».

Mais «le 6 juin m’a enlevé tout cela», a-t-elle dit à la juge, en retenant ses larmes. «Je ne peux plus maintenant me sentir en sécurité.»

Mme Islam a déclaré que le lendemain du drame, elle est entrée dans la chambre de la jeune Yumna. «J’ai ramassé ses vêtements par terre. Je me suis allongée sur son lit en pleurant et j’ai instinctivement enfoui mon nez dans sa chemise, cherchant désespérément du réconfort une dernière fois dans son odeur.»

Le procès de Veltman s’est déroulé à Windsor, en Ontario, mais les audiences de détermination de la peine – y compris la présentation des «déclarations des victimes» – se déroulent maintenant à London, puisque le jury ne participe pas à ces procédures.

La présentation des «déclarations des victimes» se poursuivra vendredi.

La mère d’une des victimes

Plus tôt jeudi, la mère de Madiha Salman a déclaré à la juge qu’elle craignait pour sa vie chaque fois qu’elle se promenait dans la rue. Tabinda Bukhari a indiqué qu’elle se trouvait au Pakistan lorsque l’attentat a eu lieu. Elle a ensuite frénétiquement tenté de comprendre ce qui s’était passé par téléphone et par textos. 

Mme Bukhari s’est dite «abasourdie et choquée» que quelqu’un ait pu prendre pour cible les membres de sa famille, les «âmes les plus aimantes, amicales et douces» qui soient. «C’est scandaleux, a déclaré jeudi Mme Bukhari lors de l’audience. Ils n’ont jamais fait de mal à personne. Pourquoi quelqu’un voudrait leur faire ça ?»

Elle a affirmé à la juge que les souvenirs de ses proches assassinés sont partout et que les circonstances de leur décès la hantent toujours. «Ils me manquent chaque seconde de la journée. En faisant une promenade, je me demande si ce ne sera pas la dernière.»

Mme Bukhari, qui a quitté le Pakistan pour le Canada afin de rejoindre sa famille après l’attentat, s’est engagée à veiller à ce que leurs souvenirs soient préservés. «Ils n’iront nulle part: je ne les laisserai pas disparaître.»

S’exprimant devant le palais de justice avant l’audience de jeudi, le président du Conseil des imams de London, Abd Alfatah Twakkal, a appelé à des gestes concrets pour garantir que les villes soient des refuges sécuritaires pour les personnes de tous horizons, «pour le bien de notre humanité commune».

Loi sur le terrorisme

Le procès Veltman était le premier procès pour meurtre au premier degré au pays où on a soumis à un jury les lois canadiennes sur le terrorisme.

La juge Renee Pomerance, qui a présidé le procès, avait expliqué aux jurés l’automne dernier qu’ils pouvaient déclarer Veltman coupable de meurtre au premier degré s’ils convenaient à l’unanimité que les procureurs avaient établi que l’accusé avait l’intention de tuer les victimes et qu’il avait prémédité et planifié son attaque.

Mais elle a également indiqué aux jurés qu’ils pourraient parvenir au même verdict de meurtre au premier degré s’ils estimaient que ces meurtres constituaient une «activité terroriste».

La composante «terrorisme» ne constitue pas une accusation distincte et les jurys au Canada n’ont pas le droit d’expliquer comment ils sont parvenus à leur verdict. On ne sait donc pas clairement quel rôle – le cas échéant – les allégations de terrorisme ont pu jouer dans leur décision de le déclarer coupable de meurtres au premier degré.

Par contre, la juge Pomerance peut évoquer cette question dans le cadre du processus de détermination de la peine à imposer à Veltman.

Suprémacisme blanc

Les procureurs ont soutenu au procès que l’attentat de London était un acte de terrorisme perpétré par un «suprémaciste blanc» autoproclamé. La défense a soutenu que Veltman n’avait pas l’intention criminelle de tuer les victimes et n’avait pas prémédité ni planifié l’attaque.

Au cours du procès, Veltman a mentionné qu’il avait été influencé par les écrits d’un homme qui a assassiné 51 fidèles musulmans en 2019 dans deux mosquées de la Nouvelle-Zélande.

Il a également déclaré qu’il envisageait d’utiliser sa camionnette, achetée un mois plus tôt, pour perpétrer une attaque. Il a aussi expliqué qu’il avait recherché des informations en ligne sur ce qui se passait lorsque des piétons étaient happés par des véhicules à différentes vitesses.

Il a expliqué au jury qu’il avait ressenti une «envie pressante» de happer la famille Afzaal lorsqu’il les a vus marcher sur le trottoir, sachant qu’ils étaient musulmans grâce à leurs vêtements — il avait aussi remarqué que l’homme du groupe portait une barbe.

Les jurés ont également visionné une vidéo où Veltman avouait à un enquêteur que son attaque était motivée par le «suprémacisme blanc». Le tribunal a également appris que dans un manifeste écrit les semaines avant l’attentat, il se décrivait comme un suprémaciste blanc et colportait des théories complotistes non fondées sur les musulmans.