Arrestations lors du «Rolling Thunder» à Ottawa alors que la police disperse la foule

OTTAWA — La police d’Ottawa a procédé à plusieurs arrestations vendredi alors qu’elle affrontait des manifestants opposés aux mesures sanitaires. Elle a dû s’équiper de casques et de matraques alors que des camions et des campeurs tentaient de se rendre sur la colline du Parlement.

Les manifestants sont arrivés vendredi après-midi dans le cadre du rassemblement baptisé «Rolling Thunder», organisé par Freedom Fighters Canada, un groupe voué à dénoncer les directives relatives à la COVID-19.

Le groupe n’a pas été clair sur les motifs de ce rassemblement, sauf pour dire qu’il sera à Ottawa pour célébrer pacifiquement la liberté.

Bon nombre des manifestants faisaient également partie de la manifestation de trois semaines qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa avec des camions, incitant le gouvernement fédéral à invoquer la Loi sur les mesures d’urgence pour la première fois. La manifestation s’était terminée après que des centaines de policiers sont intervenus pour disperser la foule, faisant des dizaines d’arrestations.

Avant l’arrivée des manifestants vendredi, la police d’Ottawa a juré que cette manifestation serait différente et que les manifestants ne seraient pas autorisés à prendre pied pour une occupation prolongée cette fois.

Il y a des clôtures sur la colline du Parlement, une zone d’exclusion autour de plusieurs pâtés de maisons du centre-ville et des centaines de policiers supplémentaires sur appel.

La police d’Ottawa a appelé plus de 800 renforts de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), de la Police provinciale de l’Ontario et des services de police régionaux pour surveiller chaque intersection majeure du centre-ville et empêcher les manifestants d’amener des véhicules dans le centre-ville.

Slogans et affrontements

Cela a commencé assez calmement, avec des cris familiers de « Liberté! » alors que les manifestants se mêlaient et dansaient sur la rue Wellington, la voie principale devant la colline du Parlement. Les manifestants ont également défilé dans le marché By avec une assistance policière.

Plus tard, le conseiller municipal d’Ottawa, Jeff Leiper, a rapporté avoir vu des policiers briser la vitre d’un camion pour prendre le contrôle du véhicule, et des policiers ont été vus en train de procéder à des arrestations dans la rue.

Certains des véhicules sont partis seuls, puisqu’un véhicule blindé de la police tactique a conduit une remorqueuse sur les lieux.

Plus tôt vendredi soir, la police a averti qu’un grand convoi tentait de se frayer un chemin dans la ville. On s’attend à ce que des centaines de motocyclistes arrivent vendredi à Ottawa, avant le rassemblement général prévu samedi matin. 

Rapidement, les manifestants se sont entassés autour de gros camions et de camping-cars juste à l’extérieur de l’enceinte parlementaire.

Les manifestants ont crié «tenez la ligne», essayant d’éloigner les policiers des véhicules. La police a progressivement repoussé les foules loin des camions et les a ramenées vers la colline du Parlement alors que les manifestants les traitaient de «traîtres».

Les gens buvaient de l’alcool et fumaient de la marijuana dans la foule, et il y a eu plusieurs affrontements alors que la police avec des casques et des matraques déplaçait le groupe de plus en plus en colère.

Les organisateurs ont appelé les manifestants à retourner sur la colline du Parlement pour une «fête» après le départ du dernier gros camion. Une grande partie de la foule s’est dissipée avant 22 h.

Plus tôt, Angela Manella de North Bay, en Ontario, a déclaré qu’elle était dans la capitale nationale pour protester contre les directives de la vaccination en février, et qu’elle est revenue parce que les consignes sont toujours en vigueur.

«Mon expérience de la manifestation du convoi était qu’il y avait tellement d’amour et de connexion et une si bonne énergie, a témoigné Mme Manella vendredi à côté de la flamme du centenaire. Je veux continuer cette énergie et cet élan pour continuer à nous défendre tous.»

Elle affirme qu’il y avait un sentiment de communauté parmi les manifestants lors du convoi en février, et cela pourrait faire partie de ce qui rassemble à nouveau les gens.

D’autres qui se sont rassemblés près du Monument commémoratif de guerre ont indiqué qu’ils n’étaient à Ottawa que ce week-end pour honorer les anciens combattants que la police a retirés du site avec le reste des manifestants en février.

«C’est surtout comme un défilé pour les honorer pour ce qu’ils ont fait, ils ont défendu les bonnes causes», a mentionné un manifestant vêtu d’un gilet en cuir noir qui ne s’identifiait que sous le nom de Mario.

Convoi de motos samedi

Le rassemblement de vendredi soir devrait être suivi d’un convoi de centaines de motos à travers le centre-ville samedi, avec un arrêt au Monument commémoratif de guerre et un autre rassemblement sur la colline du Parlement.

Les véhicules impliqués dans le rassemblement ne seront pas autorisés dans une «zone d’exclusion» qui comprend le Parlement, a prévenu la police. Les motos ne pourront pas non plus s’arrêter le long de la route, mais les participants pourront traverser à pied la «zone d’exclusion».

«Nous n’allons pas empêcher les manifestants de se rendre dans la capitale nationale pour faire entendre leur voix», a déclaré jeudi le chef par intérim du Service de police d’Ottawa, Steve Bell.

C’est aussi une occasion pour la police d’Ottawa de regagner la confiance et le respect de la communauté, après avoir été vivement critiquée lors de la manifestation de février pour l’avoir laissée durer si longtemps avant d’agir.

Pendant plus de trois semaines, les manifestants ont créé des campements dans les rues du centre-ville, qui étaient remplies de gros camions couverts de messages dénonçant la vaccination, les restrictions de COVID-19 et le premier ministre.

«Je pense qu’il va falloir attendre et voir. La police d’Ottawa a perdu beaucoup de confiance la dernière fois. Donc ce week-end va être un vrai test pour eux», a déclaré Brian Latour, l’un des organisateurs d’une contre-manifestation à Ottawa.

Certains habitants des environs se souviennent de la dernière manifestation comme d’un cauchemar, qu’ils ne veulent pas revivre.

«Beaucoup d’entre eux sont inquiets, certains ont peur et d’autres sont en colère», a déclaré Mary Huang, présidente de la Centretown Community Association, qui représente le quartier le plus proche de la colline du Parlement.

Elle affirme que les voisins sont toujours traumatisés de la dernière manifestation. Les klaxons bruyants qui bourdonnaient à toute heure de la nuit signifiaient que beaucoup ne pouvaient pas dormir, et certaines personnes se sentaient intimidées lorsqu’elles quittaient leur domicile, a-t-elle déclaré.

Les résidents craignent que cette fin de semaine ne se répète, avant même qu’ils n’aient eu la chance de récupérer, affirme-t-elle.

La police d’Ottawa a promis qu’elle n’autoriserait pas une autre «occupation illégale» de la ville, qu’il n’y aurait aucune tolérance pour une manifestation à long terme et que tout campement serait démantelé.

Vers 16h vendredi, les agents municipaux ont déclaré avoir émis 185 contraventions et remorqué 20 véhicules liés au rassemblement.

Neil Sheard, l’un des organisateurs des manifestations contre les restrictions sanitaires, avait précédemment mis en garde contre le «chacun pour soi» si la police ne laissait pas le groupe circuler à moto dans les rues autour de la colline du Parlement. M. Sheard a déjà été impliqué dans des manifestations précédentes contre les restrictions sanitaires.

Une déclaration sur le site Web «Rolling Thunder» attribuée à l’organisateur Neil Sheard indique que les manifestants prévoient de partir dimanche et qu’ils ne soutiennent pas «les blocages, l’obstruction à la police dans l’exercice de ses fonctions, les dommages matériels ou la haine contre les habitants d’Ottawa.»

La déclaration encourage également les partisans à respecter les lois et indique que la police sera tenue responsable devant les tribunaux de leurs actions pendant l’événement.

«Enfin, comme on l’a vu lors de la manifestation légale à Ottawa, répandez autant de paix, d’amour et de patriotisme que possible à vos concitoyens canadiens», indique le communiqué.

Le chef Bell a prévenu cette semaine que les participants qui afficheraient des symboles de haine, y compris des croix gammées, seraient arrêtés. Quelques-uns de ces symboles avaient été vus lors de la manifestation du «convoi de la liberté» l’hiver dernier. 

Il n’est pas vraiment illégal d’afficher une croix gammée au Canada. La police n’a pas immédiatement répondu vendredi à une question sur les accusations qui seraient portées contre ceux qui brandissent des images haineuses.

En février, le député néo-démocrate Peter Julian a déposé à nouveau un projet de loi d’initiative parlementaire qui modifierait le Code criminel pour interdire explicitement la vente et l’affichage de tels symboles. Le gouvernement libéral n’a pas indiqué s’il appuierait une telle mesure législative.

Le premier ministre Justin Trudeau a déclaré vendredi que son gouvernement défendra toujours les droits des Canadiens à la liberté d’expression et de réunion pacifique. «Il n’est pas légal d’inciter à la violence ou de propager des messages haineux», a-t-il toutefois ajouté lors d’une conférence de presse à Montréal. 

M. Trudeau a déclaré que son gouvernement se tenait aux côtés des Canadiens pour les protéger contre le harcèlement et les comportements haineux, soulignant les plans du budget fédéral visant à interdire la négation de l’Holocauste.

Une école à proximité 

Le directeur de l’école publique Elgin Street, Brian Begbie, a envoyé jeudi une note aux parents du Conseil scolaire d’Ottawa-Carleton indiquant qu’il y avait eu des communications avec la police pour assurer que les problèmes de sécurité de l’école soient pris en compte.

«Nous comprenons que de nombreuses familles ont vécu une expérience difficile en février et peuvent s’inquiéter d’une autre manifestation au centre-ville», lit-on dans la note, qui oriente les parents vers des liens d’organisations de soutien communautaire.

Cela a conduit à des critiques selon lesquelles ils pourraient perturber une collecte de fonds à vélo prévue le même jour pour le Centre hospitalier pour enfants de l’est de l’Ontario. Les organisateurs de «Rolling Thunder» ont ajouté un lien vers leur site Web et encouragent les partisans à faire un don à cet hôpital. 

Les actions de la police d’Ottawa ont également fait l’objet d’un examen minutieux depuis février. Le chef, Peter Sloly, a démissionné de son poste et Steve Bell a déclaré que le service avait beaucoup appris de cette expérience.

La police a également confirmé qu’une femme qui avait dansé sur la Tombe du Soldat inconnu lors de la manifestation de février ne sera pas accusée.

Dans un communiqué, la police indique que cette femme, qui vit à l’extérieur de l’Ontario, avait manifesté des remords pour ses actes et qu’après une «enquête approfondie», les policiers sont convaincus qu’elle ne récidivera pas. Son nom n’est pas divulgué, car aucune accusation n’a été portée.