Armes de poing: Trudeau annonce un projet de loi pour instaurer un «gel national»

OTTAWA — Le gouvernement fédéral a déposé lundi un projet de loi pour imposer un gel national sur la possession d’armes de poing.

«Au cours des années, j’ai participé à trop de vigiles. J’ai rencontré les proches de trop de victimes», a déclaré le premier ministre Justin Trudeau en point de presse, entouré de survivants à des fusillades.

«Les politiciens, on est toujours là pour être bons pour consoler — et c’est important de le faire — mais c’est aussi notre devoir moral d’être là pour agir», a-t-il ajouté en ne manquant pas d’évoquer les récents coups de feu tirés à Rivière-des-Prairies ayant atteint une garderie.

Appelé à préciser pourquoi son gouvernement allait de l’avant avec un gel plutôt qu’une interdiction, M. Trudeau a répondu que la mesure était une «étape importante qui respecte aussi le fait que la grande majorité des propriétaires d’armes à feu dans ce pays suivent les lois (et) les règles».

Le groupe PolySeSouvient a applaudi l’initiative, la survivante du drame de Polytechnique Nathalie Provost parlant du «projet de loi est le plus prometteur depuis l’abolition du registre des armes d’épaule en 2012».

«Bien qu’une interdiction complète et durable des armes d’assaut ne fasse pas partie du projet de loi, le ministre de la Sécurité publique s’est engagé à modifier celui-ci afin que sa version finale comprenne une telle interdiction», a-t-elle affirmé par voie de communiqué.

Cela a semblé moins clair pour la mairesse de Montréal, Valérie Plante, qui a réagi sur Twitter en exprimant son souhait que «le signal fort envoyé» par le fédéral soit suivi d’une «interdiction complète des armes de poing et leur retrait (des) rues et des mains des jeunes».

Le projet de loi C-21 prévoit de modifier la Loi sur les armes à feu pour qu’elle indique que «le certificat d’enregistrement pour une arme de poing ne peut être délivré à un particulier», peut-on y lire.

Le ministre de la Sécurité publique parrainant la pièce législative en Chambre, Marco Mendicino, a assuré que le gel sera mis en place «très rapidement». Il a évoqué l’urgence d’agir en soulignant qu’environ 55 000 armes de poing avaient été enregistrées au pays chaque année, en moyenne, au cours de la dernière décennie — une augmentation de 75% sur cette période — et que ce type d’armes avait été responsable de 60% des homicides en 2020.

«Nous mettons fin à cette tendance et nous n’attendons pas que ce projet de loi passe pour agir», a-t-il dit en indiquant avoir déposé des changements par voie réglementaire à la Loi sur les armes à feu.

«Il ne sera plus possible d’acheter, de vendre, de transférer ou d’importer des armes de poing au Canada», a-t-il résumé en invitant néanmoins les députés des oppositions à permettre l’adoption de C-21.

La pièce législative, si elle est adoptée, empêcherait aussi les contrôleurs d’armes à feu d’approuver des cessions d’armes de poing. Des exceptions sont prévues, notamment pour «les tireurs sportifs de haut niveau qui prennent part à des compétitions ou qui agissent à titre d’entraîneurs dans une discipline de tir à l’arme de poing reconnue par le Comité international olympique/paralympique», ont expliqué de hauts fonctionnaires dans une séance d’information technique.

Ces derniers ont affirmé qu’environ 1,1 million d’armes de poing sont en circulation au Canada, mais cela n’inclut que des cas où leur utilisation est permise, comme pour des agents de la paix ou des musées.

Le projet de loi C-21 permettrait aux personnes dûment propriétaires et exemptées de conserver leur arme de poing et de continuer de l’utiliser.

Par ailleurs, le gouvernement Trudeau propose des changements au Code criminel pour alourdir les sanctions pénales associées à la contrebande et au trafic d’armes à feu. On souhaite par exemple faire passer les peines maximales d’emprisonnement de 10 à 14 ans. 

Le projet de loi C-21 vise aussi à ce que des ordonnances de la Cour soient délivrées rapidement pour retirer le port de toute arme à feu confondue à des personnes jugées susceptibles de présenter un danger pour les autres ou pour elles-mêmes. Cette mesure, appelée loi «drapeau rouge», se manifesterait par des ordonnances de 30 jours délivrées après analyse rapide de signalements pouvant être faits par toute personne, ont expliqué les hauts fonctionnaires.

En 2020, les libéraux de Justin Trudeau ont banni plus de 1500 modèles d’armes à feu de style arme d’assaut, mais un programme de rachat obligatoire doit encore être mis en place. Le ministre Mendicino a fait savoir que le lancement surviendrait d’ici la fin de l’année, notant que 300 modèles se sont ajoutés à la liste de ceux qui sont interdits.