Air Canada promet d’«accélérer» ses mesures pour les voyageurs à mobilité réduite

MONTRÉAL — Le PDG d’Air Canada, Michael Rousseau, s’est excusé pour les problèmes d’accessibilité des passagers à mobilité réduite et il a annoncé des mesures visant à améliorer l’expérience de voyage de centaines de milliers de passagers handicapés.

M. Rousseau a annoncé jeudi que le transporteur aérien accélérerait son plan triennal d’accessibilité, après des reportages récents faisant état de traitements affligeants de passagers à mobilité réduite. 

On a appris notamment qu’un homme atteint de paralysie cérébrale spastique avait été forcé de se traîner hors d’un avion à Las Vegas en raison d’un manque d’assistance du personnel.

«Air Canada reconnaît les difficultés que rencontrent les clients handicapés lorsqu’ils voyagent en avion, et elle accepte la responsabilité qui lui incombe de fournir un servir pratique et uniforme pour que voyager avec nous soit plus facile, a indiqué M. Rousseau dans un communiqué. Il arrive parfois que nous ne respections pas cet engagement, et nous nous en excusons sincèrement.

«Nous nous engageons à nous améliorer et à le démontrer en prenant des mesures concrètes.»

Le transporteur s’engage notamment à ce que les voyageurs qui demandent de l’assistance lors du transfert entre l’aérogare et l’avion soient toujours les premiers à monter à bord et soient assis à l’avant de la cabine réservée. 

Les aides à la mobilité, comme les fauteuils roulants, seront également rangées dans la cabine «lorsque possible». Le transporteur veut aussi inclure ces aides à la mobilité dans une application permettant de suivre les bagages en soute.

Air Canada vise par ailleurs à mettre en œuvre une formation annuelle et récurrente sur l’accessibilité pour ses quelque 10 000 employés des aéroports. 

Le RAPLIQ «sceptique» 

Francine Leduc, présidente du Regroupement des activistes pour l’inclusion au Québec (RAPLIQ), a estimé que ces mesures ne sont pas nouvelles. «Je n’ai pas l’impression que ces mesures seront fiables ou seront vraiment mises de l’avant, ou seront respectées convenablement», a-t-elle indiqué en entrevue téléphonique. «Je suis sceptique.»

Heather Walkus, présidente du Conseil des Canadiens avec déficiences, a estimé de son côté que les problèmes vont au-delà d’une seule compagnie aérienne et s’étendent aux lacunes de la loi fédérale – malgré une refonte réglementaire en 2020 dans la foulée de la Loi canadienne sur l’accessibilité, adoptée l’année précédente.

Mme Walkus a cité l’exemple d’un règlement qui oblige les entreprises sous réglementation fédérale à participer à l’élaboration de politiques, de programmes et de services pour les personnes handicapées. 

«Un cadre pourrait aller chez Tim Hortons et parler à quelqu’un en fauteuil roulant, et il pourrait dire ensuite qu’il a consulté la communauté des personnes handicapées», a illustré Mme Walkus. Elle soutient d’ailleurs que l’organisme qu’elle préside n’a pas été contacté par Air Canada au sujet de son nouveau plan d’accessibilité.

Les dirigeants convoqués à Ottawa

Les dirigeants d’Air Canada se sont entretenus jeudi matin avec le ministre des Transports, Pablo Rodriguez, et Kamal Khera, ministre de la Diversité, de l’Inclusion et des Personnes handicapées, après une convocation de M. Rodriguez la semaine dernière à la suite de plusieurs événements très médiatisés impliquant des passagers handicapés.

Il s’agit notamment de l’incident de Las Vegas avec Rodney Hodgins, 50 ans, qui a déclenché une enquête de l’Office des transports du Canada. 

Ce cas a incité le comédien de la Colombie-Britannique Ryan Lachance, atteint de paralysie cérébrale spastique quadruple, à raconter lui aussi sa mésaventure. Il soutient qu’il a été largué et blessé par le personnel d’Air Canada alors qu’il tentait de descendre d’un avion à Vancouver, en mai dernier. L’équipage a refusé d’utiliser le lève-personne dont il avait besoin pour quitter son siège.

Le ministre Rodriguez a qualifié ces incidents d’«inacceptables». 

«On fera des suivis sur les résultats de cette rencontre, y compris avant la période achalandée des fêtes, pour veiller à ce que tous les Canadiens soient traités avec respect et dignité quand ils voyagent», a-t-il écrit jeudi sur X (anciennement Twitter).

Craig Landry, chef de l’exploitation d’Air Canada, a déclaré que la compagnie aérienne recevait chaque année plus de 700 000 demandes d’assistance de la part de voyageurs handicapés, soit près de 2000 clients par jour, ce qui souligne la nécessité de services d’accessibilité plus fiables.

«Lorsque les clients voyagent avec des besoins d’accessibilité, on s’attend à ce que nous soyons en mesure de les respecter 100 pour cent du temps, a admis M. Landry lors d’un entretien téléphonique. Toute lacune est inacceptable.»

Le plan d’accessibilité remanié, initialement annoncé comme un processus de trois ans en juin, coûtera «plusieurs millions de dollars», a-t-il déclaré.

Non-respect de la loi

David Lepofsky, professeur-chercheur invité sur les droits des personnes handicapées à la faculté de droit de l’Université Western, a déclaré qu’en tant que personne aveugle, il «avait peur» de prendre l’avion au Canada en raison du manque de fiabilité du service, malgré une refonte de la réglementation depuis 2020.

«L’incohérence avec la qualité de l’assistance au sol que vous recevez est épouvantable, a-t-il dit. Le problème est que nous avons des compagnies aériennes qui, systématiquement, ne veillent pas à respecter cette loi et à y obéir, et un régime d’application de la loi qui est fatalement défectueux.»

Statistique Canada a constaté que 63 % des 2,2 millions de personnes handicapées qui ont utilisé des transports sous réglementation fédérale en 2019 et 2020 ont été confrontées à un obstacle à la mobilité.

La nouvelle «directrice – accessibilité clientèle» d’Air Canada, Kerianne Wilson, a souligné que la compagnie aérienne déploiera notamment plus d’efforts pour prendre soin des fauteuils roulants électriques et autres aides à la mobilité lorsqu’ils sont stockés dans la soute.

«Nous avons conscience que ces aides à la mobilité ne sont pas des bagages: c’est une extension de leur corps, c’est un élément essentiel de leur capacité à voyager et de leur autonomie. Nous savons que leur fournir ce confort sera essentiel», a-t-elle déclaré dans une entrevue.