Abus dans le sport: St-Onge promet une enquête publique et dévoile des mesures
OTTAWA — Le gouvernement fédéral promet une enquête publique sur les abus dans le milieu sportif, mais n’est pas prêt à la déclencher. Dans l’intervalle, il a annoncé jeudi des mesures visant à donner les pouvoirs à Sports Canada de faire des suivis accrus sur le climat dans les organisations sportives et de sévir contre celles qui ne sont pas conformes.
«Je ne considère pas ceci comme une finalité, mais comme un point de départ nécessaire pour entamer un changement de culture», a déclaré la ministre fédérale des Sports, Pascale St-Onge, en dévoilant en point de presse une réforme du système sportif.
Elle a aussi assuré qu’il y aura une enquête publiquesur les abus dans le sport, comme le réclament les partis d’opposition et de nombreux athlètes. Elle a dit qu’elle travaille présentement à donner suite à cette requête «légitime», ajoutant qu’elle entend annoncer quelle forme prendra l’enquête «aussitôt» qu’elle le pourra.
«Quand on va être prêts à l’annoncer, ne vous inquiétez pas que ça va me faire un grand plaisir de le faire. Je le sais qu’elle est attendue», a dit Mme St-Onge.
Une pièce centrale de la proposition présentée jeudi par Ottawa est de donner des outils à Sports Canada pour sanctionner des organisations si elles s’inscrivent en porte-à-faux des principes d’un environnement sain et sécuritaire.
Par exemple, Sports Canada pourra suspendre du financement sans avoir à attendre une directive de la ministre. L’été dernier, c’est Mme St-Onge qui avait annoncé le gel des fonds fédéraux destinés à Hockey Canada.
L’organisation, qui a retrouvé en avril son financement, a fait la manchette puisqu’elle a conclu une entente à l’amiable avec une femme qui a ensuite abandonné une poursuite dans laquelle elle alléguait avoir été violée par huit joueurs après un gala de Hockey Canada.
En plus de cette affaire mise au jour par le réseau TSN, le «Globe and Mail» a révélé l’existence de deux fonds — plutôt qu’un seul — qui étaient utilisés par Hockey Canada pour régler des questions d’abus sexuels.
Dans la foulée, deux comités de la Chambre des communes ont déclenché des études sur les cas d’abus dans le sport et ont entendu de nombreux athlètes raconter leur expérience.
La pression est également forte, depuis des mois, pour qu’Ottawa déclenche une enquête publique sur la question.La ministre St-Onge s’est engagée jeudi à le faire, répondant clairement à cette demande pour la toute première fois. Auparavant, elle indiquait que ce n’était pas une question de «si» Ottawa allait agir, mais de «comment».Elle affirme désormais vouloir «dissiper tout doute qui pourrait subsister» en promettant de répondre favorablement.
En plus de revoir le mandat de Sports Canada, la réforme proposée jeudi par Ottawa interdira tout accord de non-divulgation qui empêche des athlètes de dénoncer des comportements inappropriés.
La ministre St-Onge a aussi annoncé que les conseils d’administration des organisations sportives devront respecter des standards de diversité.
Entre autres mesures, il sera impossible que plus de 60 % des membres d’un conseil d’administration soient des hommes. Toute personne pourra également siéger pour une limite de neuf ans. Ces dispositions doivent entrer en vigueur en avril 2025 par l’adoption des principes fondamentaux du Code de gouvernance du sport canadien.
Quant aux nouveaux pouvoirs de Sports Canada, ils devraient être en place après avril 2024. C’est à ce moment que les organisations sportives devront avoir mis en place des «plans d’action concrets assortis d’indicateurs clairs sur la gouvernance, le sport sécuritaire et la représentation des athlètes» afin de pouvoir recevoir du financement fédéral.
Le porte-parole bloquiste en matière de sports, Sébastien Lemire, estime que ces échéanciers sont un peu trop lointains. «On demeure très vigilants», a-t-il dit dans le foyer de la Chambre des communes tout en saluant les mesures mises de l’avant, dans leur ensemble.
Le porte-parole conservateur en matière de sports, Richard Martel, croit que le gouvernement a proposé «des choses intéressantes», notamment pour forcer les organisations sportives à être plus transparentes.
Cependant, il aurait aimé voir plus d’argent alloué à la formation des entraîneurs. «Il faut qu’ils sachent où sont les limites parce qu’on demande tout le temps la performance maximale de l’athlète. Alors il faut que les entraîneurs sachent qu’ils peuvent aller là, (mais) ne peuvent pas aller là et ainsi de suite», a soutenu le député de l’opposition officielle.
Ottawa s’est engagé à verser 250 000 $ à l’Association canadienne des entraîneurs pour que des entraîneurs «fassent l’objet d’un contrôle approfondi et détiennent les certifications (…) appropriées».
De son côté, le chef néo-démocrate Jagmeet Singh s’est dit préoccupé qu’il faille patienter avant que l’enquête publique ne soit lancée. «C’est positif qu’ils aient dit que, oui, ils vont la déclencher, mais on ne peut pas attendre. On doit agir avec urgence (…) parce que c’est une culture vraiment dangereuse pour nos athlètes», a-t-il commenté.
M. Lemire a abondé dans le même sens, mais il a affirmé avoir l’impression que Mme St-Onge attend les recommandations qui devraient être formulées sous peu par le comité parlementaire de la condition féminine. «J’espère que le consensus des partis politiques (…) puisse répondre à sa question et lui donner des ailes pour pouvoir le faire le plus rapidement possible parce que les athlètes l’attendent avec empressement», a-t-il conclu.