3500 Ukrainiens ont eu un vol gratuit vers le Canada, loin de l’objectif de 10 000

OTTAWA — Une initiative annoncée en avril 2022 par le gouvernement de Justin Trudeau pour permettre à environ 10 000 Ukrainiens fuyant la guerre d’arriver au Canada au moyen de vols gratuits n’a bénéficié qu’à quelque 3500 personnes.

Miles4Migrants, l’organisme de bienfaisance à qui la gestion du programme a été confiée, a indiqué à La Presse Canadienne qu’il «aurait été content d’aider un plus grand nombre d’individus».

Dans une déclaration écrite, l’organisation établie aux États-Unis a soutenu que l’initiative ayant pris fin au printemps dernier «a été alignée sur le financement et les ressources accessibles».

Les vols ont été financés par des dons en points Aéroplan et en argent amassés au cours d’une collecte de fonds annoncée par celui qui était alors ministre de l’Immigration, Sean Fraser, aux côtés de représentants de Miles4Migrants et de donateurs comme Air Canada et la Fondation Shapiro.

Quelques mois plus tard, M. Fraser a dit en Chambre que les partenaires de l’initiative avaient «sécurisé assez de dons pour couvrir les coûts de transport d’au moins 10 000 Ukrainiens», conformément à l’objectif qui était mis de l’avant par Ottawa dans le communiqué de son annonce.

Or, plutôt que de parler d’«au moins» 10 000 Ukrainiens, Air Canada écrivait que le but était d’aider «jusqu’à» 10 000 personnes.

Quoi qu’il en soit, Miles4Migrants a affirmé avoir déjà utilisé la quasi-totalité des dons qui étaient à sa disposition. Cela n’a permis de distribuer que le tiers du nombre de vols gratuits que faisait miroiter Ottawa.

«Nous sommes fiers de communiquer que nous avons utilisé 195 millions de points et 163 000 $ pour évacuer 3454 personnes d’une zone de guerre et les placer en sécurité», a signalé l’organisation le mois dernier.

Un solde restant de 15 millions de points était alors toujours en train d’être utilisé pour transporter des Ukrainiens vers le Canada «ou d’autres pays sécuritaires».

Cela sera vraisemblablement insuffisant pour parvenir à aider un total de 10 000 personnes puisque Miles4Migrants a précisé que, jusqu’ici, «une moyenne de 55 000 points et 47 $» a été nécessaire pour chaque «vol intercontinental».

«Défis techniques continus»

Miles4Migrants soutient que les 3454 vols fournis correspondent aux ressources qui étaient disponibles, mais aussi aux demandes de vols qui lui ont été soumises par MOSAIC, une autre organisation non gouvernementale (ONG).

En effet, Miles4Migrants a demandé à cette ONG établie en Colombie-Britannique de vérifier que les Ukrainiens intéressés à profiter d’un vol gratuit détenaient un permis de séjour valide pour le Canada. Une fois que cela était fait, il revenait à MOSAIC de soumettre des requêtes de vols, a-t-on expliqué.

Contactée par La Presse Canadienne, MOSAIC a révélé avoir fait face à des «défis techniques continus avec la base de données qui avait été créée pour faire des réservations».

«Nous croyons que chaque intervenant a donné son maximum pour ce programme», a pour sa part conclu Mile4Migrants.

L’ensemble des principaux partis d’opposition aux Communes ont reproché aux libéraux de Justin Trudeau, dès l’an dernier, d’avoir laissé la gestion d’un tel programme entre les mains d’organisations de bienfaisance après l’avoir annoncé.

Au moment de l’annonce, le gouvernement fédéral était sous pression pour noliser des vols afin d’emmener des Ukrainiens ayant fui la guerre au Canada.

Un an et demi de guerre plus tard, le Canada a accueilli plus de 175 000 Ukrainiens et, sur la même période, trois vols ont été nolisés en Pologne pour transporter environ 900 ressortissants.

Pressé d’en faire plus, le gouvernement Trudeau a vanté à plusieurs reprises en Chambre le partenariat avec Miles4Migrants.

«Bien qu’il soit admirable que tant de Canadiens se soient mobilisés et aient fait des dons à ce programme, le gouvernement aurait dû prendre l’initiative dès le début du conflit et ne pas s’en remettre à un programme privé bien après les faits», avait commenté à l’été 2022 le député conservateur Jasraj Singh Hallan.

Le chef adjoint du Nouveau Parti démocratique, Alexandre Boulerice, avait tenu des propos similaires, prenant soin de souligner que les néo-démocrates voyaient d’un bon œil le travail de Miles4Migrants.

Le porte-parole bloquiste en immigration, Alexis Brunelle-Duceppe, avait également fait valoir que les libéraux auraient dû s’impliquer directement dans le déploiement de l’initiative plutôt que de se contenter de l’annoncer «en grande pompe». «À un moment donné, il faut prendre ses responsabilités et on ne peut pas juste être dans l’image», avait-il dit.

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a confirmé que le rôle d’Ottawa s’est résumé à «promouvoir l’initiative au moyen d’un communiqué et d’une campagne dans les médias sociaux».

«Le gouvernement du Canada continue de travailler en étroite collaboration avec les provinces, les territoires et les municipalités qui se mobilisent pour soutenir les Ukrainiens arrivant au Canada», a déclaré une porte-parole du ministère, Isabelle Dubois. Ottawa entend aussi poursuivre sa collaboration «avec des organismes d’établissement et des organisations non gouvernementales partout au pays».

Le bureau de nouveau ministre de l’Immigration, Marc Miller, n’a pas voulu répondre à une demande de commentaire de La Presse Canadienne, redirigeant toute question à IRCC.

Air Canada s’en est tenu, de son côté, à se dire «heureux de constater que (sa) donation de points Aéroplan permet à des Ukrainiens de venir au Canada».