Le président Zelensky accueille le dirigeant de l’ONU et le président turc

LVIV, Ukraine — En tant que médiateur, le président turc Recep Tayyip Erdogan profitera jeudi de sa première visite en Ukraine depuis le début de la guerre, il y a près de six mois, pour chercher des moyens d’étendre l’exportation de céréales du grenier européen aux plus démunis du monde.

Pour sa part, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU), António Guterres, va se pencher sur la situation instable dans une centrale nucléaire occupée par la Russie.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky accueille les deux hommes loin des lignes de front, dans la ville occidentale de Lviv, où les efforts diplomatiques pour aider à mettre fin à la guerre seront également à l’ordre du jour.

Pendant ce temps, les cris des obus entrants dominaient toujours les chuchotements de la diplomatie.

Au total, 11 personnes ont été tuées et 40 blessées dans une série de frappes massives de missiles russes sur la région ukrainienne de Kharkiv mercredi soir et jeudi matin.

L’attaque de mercredi soir contre Kharkiv a tué au moins sept personnes, blessé 20 autres et endommagé des bâtiments résidentiels et des infrastructures civiles, ont indiqué les autorités.

Au même moment, le ministère russe de la Défense a affirmé jeudi matin avoir ciblé «une base temporaire de mercenaires étrangers» dans la ville de Kharkiv, tuant 90 d’entre eux.

Discussions entourant la sécurité nucléaire

Le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric, a déclaré que les trois dirigeants discuteraient également de la situation à la centrale nucléaire russe de Zaporizhzhia dans le sud de l’Ukraine, la plus grande d’Europe, que Moscou et Kiev se sont mutuellement accusés de bombarder.

Dans son discours vidéo mercredi soir, M. Zelensky a réaffirmé sa demande pour que l’armée russe quitte l’installation, soulignant que «seuls une transparence et un contrôle absolus de la situation» par, entre autres, l’Agence internationale de l’énergie atomique des Nations Unies, pourraient garantir un retour à la sûreté nucléaire.

Le lieutenant-général Igor Kirillov, commandant des forces de protection radiologique, chimique et biologique de l’armée russe, a accusé les troupes ukrainiennes de planifier de frapper à nouveau l’usine vendredi alors que M. Guterres se rendra toujours en Ukraine afin d’accuser la Russie de terrorisme nucléaire. L’Ukraine a fermement nié qu’elle visait l’usine.

M. Kirillov a déclaré qu’une urgence à la centrale pourrait causer «un rejet de substances radioactives dans l’atmosphère et les propager à des centaines de kilomètres. Une urgence de ce type entraînera une migration massive et aura des conséquences plus catastrophiques que la crise imminente de l’énergie gazière en Europe».

Sur une corde raide diplomatique

Avec de tels enjeux, le rôle d’un intermédiaire comme le président Erdogan pourrait devenir encore plus important.

M. Erdogan est à la tête d’un pays — membre de l’OTAN — à l’économie chancelante qui dépend de plus en plus de la Russie pour le commerce. Cette toile de fond transforme les réunions de jeudi à Lviv en une marche sur une corde raide diplomatique. Plus tôt ce mois-ci, le dirigeant turc a rencontré sur les mêmes questions le président russe Vladimir Poutine.

M. Erdogan devrait avoir une réunion d’une heure avec M. Zelensky en début d’après-midi avant que les deux ne soient rejoints par M. Guterres.

Le mois dernier, la Turquie et l’ONU ont aidé à négocier un accord permettant à l’Ukraine d’exporter 22 millions de tonnes de maïs et d’autres céréales bloquées dans ses ports de la mer Noire depuis l’invasion de la Russie le 24 février. Un mémorandum séparé entre la Russie et l’ONU visait à effacer des barrages routiers aux expéditions de nourriture et d’engrais russes vers les marchés mondiaux.

La guerre et le blocage des exportations ont considérablement exacerbé la crise alimentaire mondiale, car l’Ukraine et la Russie sont les principaux fournisseurs. La Turquie est en mesure d’aider à accélérer les exportations, qui ont été grandement réduites jusqu’à présent.

Les prix des céréales ont culminé après l’invasion de la Russie. Bien que certains soient depuis revenus au niveau d’avant-guerre, ils restent nettement plus élevés qu’avant la pandémie.

Les pays en développement ont été particulièrement touchés par les pénuries d’approvisionnement et les prix élevés. Même si les navires quittent maintenant la Russie et l’Ukraine, la crise alimentaire n’est pas terminée.

Avant ses réunions, M. Guterres a visité l’Université nationale Ivan Franko de Lviv, la plus ancienne d’Ukraine. Il a salué le rôle des institutions universitaires dans la construction d’institutions démocratiques dans une brève déclaration aux journalistes. Il n’a fait aucun commentaire sur le fond de la visite. Si les transports de céréales et la sécurité nucléaire sont des questions sur lesquelles des progrès pourraient être réalisés, les discussions sur une fin globale du conflit ne devraient pas donner lieu à des avancées.

En mars, la Turquie a accueilli une série de pourparlers entre les négociateurs russes et ukrainiens qui ont discuté d’un éventuel accord pour mettre fin aux hostilités. Les pourparlers ont été minés après la réunion d’Istanbul, les deux parties s’accusant mutuellement.

M. Erdogan s’est engagé dans un exercice d’équilibre délicat, entretenant de bonnes relations avec la Russie et l’Ukraine. La Turquie a fourni à l’Ukraine des drones, qui ont joué un rôle important dans la dissuasion d’une avancée russe au début du conflit, mais elle s’est abstenue de se joindre aux sanctions occidentales contre la Russie pendant la guerre.

Confrontée à une crise économique majeure avec une inflation officielle proche de 80 %, la Turquie dépend de plus en plus de la Russie pour le commerce et le tourisme. Le gaz russe couvre 45% des besoins énergétiques turcs et l’agence atomique russe construit la première centrale nucléaire de Turquie.

Lors de leur rencontre à Sotchi ce mois-ci, les présidents Poutine et Erdogan ont convenu de renforcer les liens énergétiques, financiers et autres entre leurs pays, faisant craindre à l’Occident qu’Ankara puisse aider Moscou à contourner les sanctions américaines et européennes.