Le navire amiral de la flotte russe dans la mer Noire a été endommagé, voire coulé

KYIV, Ukraine — L’Ukraine affirme que ses forces ont frappé et gravement endommagé le navire amiral de la flotte russe de la mer Noire, infligeant un revers potentiellement majeur aux troupes de Moscou alors qu’elles tentent de se regrouper pour une nouvelle offensive dans l’est de l’Ukraine après s’être retirées d’une grande partie du nord, y compris la capitale.

La Russie a annoncé jeudi que tout l’équipage du Moskva, un navire de guerre qui compterait généralement 500 marins à bord, a été contraint d’évacuer après un incendie pendant la nuit, en plus de signaler qu’il avait été gravement endommagé. Mais Moscou n’a admis aucune attaque, ce qui, en plus de tout impact pratique, porterait également un coup dur au prestige russe sept semaines après le début d’une guerre déjà largement considérée comme une erreur historique.

Le ministère russe de la Défense a ensuite assuré que l’incendie du Moskva a été maîtrisé, que le navire reste à flot et qu’il sera remorqué jusqu’au port.

Les dommages au navire sont survenus quelques heures après que certains alliés de l’Ukraine aient cherché à rallier un nouveau soutien au pays assiégé. Lors d’une rencontre avec des dirigeants de trois autres pays de l’UE aux portes de la Russie qui craignent de se retrouver ensuite dans le viseur de Moscou, le président lituanien Gitanas Nauseda a déclaré que «la lutte pour l’avenir de l’Europe se déroule ici».

Pendant ce temps, le président américain Joe Biden, qui a qualifié les actions de la Russie en Ukraine de «génocide» cette semaine, a approuvé une nouvelle aide militaire de 800 millions $ US à Kyiv. Il a précisé que les armes de l’Occident ont soutenu le combat de l’Ukraine jusqu’à présent et «nous ne pouvons pas nous reposer maintenant».

Incertitude à Marioupol

La nouvelle des dégâts au vaisseau amiral a éclipsé les affirmations russes d’avancées dans la ville portuaire méridionale de Marioupol, où Moscou combat les Ukrainiens depuis les premiers jours de l’invasion dans certains des combats les plus violents de la guerre – à un coût horrible pour les civils.

Le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général de division Igor Konashenkov, a assuré mercredi que 1026 soldats de la 36e brigade de marine ukrainienne se sont rendus dans une usine de métaux de la ville. Mais Vadym Denysenko, un conseiller du ministre ukrainien de l’Intérieur, a rejeté cette affirmation, déclarant à Current Time TV que «la bataille pour le port maritime est toujours en cours aujourd’hui».

On ne sait pas quand ou sur quelle période une reddition a pu avoir lieu ou combien de forces défendent encore Marioupol.

La télévision d’État russe a diffusé des images qui, selon elle, provenaient de Marioupol et montraient des dizaines d’hommes en tenue de camouflage marchant les mains en l’air et portant d’autres personnes sur des civières. Un homme tenait un drapeau blanc.

La capture de Marioupol est cruciale pour la Russie, car elle mettrait sous son contrôle une bande de territoire qui permettrait à ses forces du sud, qui sont venues par la péninsule de Crimée annexée, de se relier aux troupes de la région orientale du Donbass, le cœur industriel de l’Ukraine et la cible de l’offensive à venir.

Les séparatistes soutenus par Moscou combattent l’Ukraine dans le Donbass depuis 2014, la même année où la Russie s’est emparée de la Crimée. La Russie a reconnu l’indépendance des régions rebelles du Donbass.

Moskva: accident ou attaque?

Mais la perte du Moskva, qui lance des missiles, pourrait faire reculer ces efforts.

Des photos satellites de Planet Labs PBC montrent le Moskva sortant dimanche du port de Sébastopol sur la péninsule de Crimée.

Maksym Marchenko, le gouverneur de la région d’Odessa, de l’autre côté de la mer Noire au nord-ouest de Sébastopol, a indiqué que les Ukrainiens avaient frappé le navire avec deux missiles Neptune et causé «de graves dommages». Le ministère russe de la Défense a expliqué que des munitions à bord avaient explosé à la suite d’un incendie et qu’il enquêtait sur la cause du sinistre.

Le Neptune est un missile antinavire qui a récemment été développé par l’Ukraine et est inspiré d’une conception soviétique antérieure. Les lanceurs sont montés sur des camions stationnés près de la côte et, selon le Centre d’études stratégiques et internationales basé à Washington, les missiles peuvent atteindre des cibles jusqu’à 280 kilomètres.

Il n’était pas clair si le navire était totalement désactivé, mais même des dommages graves pourraient être un coup dur pour la Russie, qui a déjà vu son porte-chars Orsk touché à la fin du mois dernier.

Quelques heures après que les dommages au navire aient été signalés, les autorités ukrainiennes ont déclaré sur le service de messagerie Telegram que des explosions avaient frappé Odessa, le plus grand port d’Ukraine. Ils ont exhorté les habitants à rester calmes et ont déclaré qu’il n’y avait aucun danger pour les civils.

La Russie a envahi le 24 février dans le but, selon des responsables occidentaux, de s’emparer rapidement de Kyiv, de renverser le gouvernement et d’installer un remplaçant favorable à Moscou. Mais l’avance terrestre s’est arrêtée face à une forte résistance ukrainienne avec l’aide des armes occidentales, et la Russie a potentiellement perdu des milliers de combattants. Le conflit a tué un nombre incalculable de civils ukrainiens et forcé des millions d’autres à fuir.

Crise alimentaire, énergétique et financière

Un groupe de travail de l’ONU a averti que la guerre menace de dévaster les économies de nombreux pays en développement qui sont confrontés à des coûts alimentaires et énergétiques encore plus élevés et à des conditions financières de plus en plus difficiles.

Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a prévenu que la guerre «accélère» une crise alimentaire, énergétique et financière dans les pays les plus pauvres qui luttent déjà pour faire face à la pandémie de COVID-19, aux changements climatiques et au manque d’accès au financement.

La guerre a également perturbé l’équilibre de l’après-guerre froide en Europe – et a particulièrement inquiété les pays du flanc oriental de l’OTAN qui craignent d’être ensuite attaqués. En conséquence, ces nations comptent parmi les plus fervents partisans de l’Ukraine.

Les présidents polonais, lituanien, letton et estonien se sont rendus mercredi dans des zones ravagées par la guerre en Ukraine et ont demandé des comptes pour ce qu’ils ont qualifié de crimes de guerre. Ils ont rencontré le président ukrainien Volodymyr Zelensky et se sont rendus à Borodïanka, l’une des villes proches de Kyiv où des preuves d’atrocités ont été trouvées après le retrait des troupes russes pour se concentrer sur l’est du pays.

«Il ne fait aucun doute qu’ils ont commis des crimes de guerre. Et pour cela, ils devraient être tenus responsables», a lancé le président letton Egils Levits.

Le président lituanien Gitanas Nauseda a appelé à des sanctions plus sévères, notamment contre les expéditions de pétrole et de gaz russes et toutes les banques du pays.

Le ministre irlandais des Affaires étrangères, Simon Coveney, qui est également ministre de la Défense, s’est rendu jeudi à Kyiv.

Dans son allocution nocturne, M. Zelensky a noté que le procureur de la Cour pénale internationale s’était rendu dans la banlieue de Kyiv, Boutcha, qui était contrôlée par les forces russes jusqu’à tout récemment et où des preuves de massacres et plus de 400 corps ont été retrouvés.

«Il est inévitable que les troupes russes soient tenues pour responsables. Nous traînerons tout le monde devant un tribunal, et pas seulement pour ce qui a été fait à Boutcha», a prévenu M. Zelensky mercredi soir.

Il a également indiqué que les travaux se poursuivaient pour éliminer des dizaines de milliers d’obus non explosés, de mines et de fils-pièges laissés dans le nord de l’Ukraine par les Russes qui partaient. Il a exhorté les personnes rentrant chez elles à se méfier de tout objet inconnu et à le signaler à la police.

Saisies en Europe

Le gouvernement français a annoncé avoir gelé 33 propriétés sur la Côte d’Azur, à Paris et ailleurs qui appartiennent à des oligarques russes visés par des sanctions en raison de la guerre en Ukraine.

Le ministère des Finances a publié cette semaine une liste mise à jour des propriétés appartenant à des Russes qui ont été gelées en France, y compris un château de luxe surplombant la Méditerranée sur le Cap d’Antibes qui aurait appartenu au milliardaire russe sanctionné Roman Abramovich.

Ensemble, les 33 propriétés sont estimées à plus d’un demi-milliard d’euros. Contrairement aux biens saisis ou confisqués, les biens gelés appartiennent toujours à leurs propriétaires et ils peuvent continuer à y vivre. Mais ils ne peuvent pas être vendus ou loués.

La valeur totale des avoirs russes gelés ou saisis en France approche désormais les 24 milliards d’euros, l’essentiel étant près de 23 milliards d’euros d’actifs financiers gelés pour la banque centrale russe. Outre les actifs financiers et les biens, les autorités françaises ont également gelé ou saisi trois yachts et quatre navires de transport, et gelé six hélicoptères et trois œuvres d’art.

De leur côté, les autorités allemandes ont annoncé avoir saisi un immense superyacht à Hambourg après avoir déterminé qu’il appartenait à la sœur de l’oligarque russe Alisher Usmanov.

L’Office fédéral de la police criminelle a déclaré mercredi qu’après «des enquêtes approfondies» et malgré la «dissimulation à l’étranger», il avait été en mesure de déterminer que le propriétaire était Gulbakhor Ismailova, la sœur de M. Usmanov.

Le superyacht Dilbar a été lancé en 2016 pour un coût déclaré de plus de 648 millions $ US.

Le bureau de police allemand a déclaré que les autorités allemandes travaillaient à Bruxelles pour s’assurer que les sanctions de l’Union européenne s’appliquaient au propriétaire. Il indique que le yacht ne peut plus être vendu, loué ou chargé.

Les États-Unis et l’UE ont annoncé le mois dernier des sanctions économiques contre M. Usmanov, un magnat des métaux, pour ses liens avec le président russe Vladimir Poutine et en représailles à l’invasion de l’Ukraine.