L’ancien vice-président Mike Pence parle de sa rupture avec Trump dans un nouveau livre

NEW YORK — L’ancien vice-président Mike Pence accuse Donald Trump d’avoir mis en danger sa famille «et tous ceux qui servent au Capitole», le 6 janvier 2021, dans un nouveau livre publié mardi.

Dans son ouvrage «So Help Me God», M. Pence parle, pour la première fois dans ses propres mots, des démarches sans précédent de l’ancien président pour lui demander de renverser les résultats de l’élection de 2020. Il offre aussi sa version des faits de l’assaut contre le Capitole par des centaines d’émeutiers, dont certains scandaient: «Pendons Mike Pence» («Hang Mike Pence»).

«Ils étaient venus protester contre le résultat de l’élection et empêcher le Congrès de s’acquitter de sa responsabilité d’ouvrir et de compter les votes du Collège électoral, a-t-il écrit. Et, comme je l’ai appris plus tard, beaucoup me cherchaient.»

Le livre, qui retrace la vie politique de Mike Pence – de son passé de jeune militant démocrate à son assermentation en tant que membre du Congrès en 2001 – défend largement M. Trump, éludant certains épisodes controversés et le défendant sur plusieurs autres. 

«J’ai toujours été fidèle au président Donald Trump», peut-on lire au début du bouquin. 

Mais M. Pence, qui a passé des années à refuser de critiquer publiquement son ancien patron, précise que le 6 janvier 2021 a été un point de rupture dans lequel, écrit-il, les «propos imprudents de Trump ont mis en danger ma famille et tous ceux qui servaient au Capitole».

«Pendant quatre ans, nous avons eu une relation étroite au travail. Cela ne s’est pas bien terminé», a ajouté M. Pence, résumant leur séjour à la Maison-Blanche. 

Pourtant, précise-t-il, «nous nous sommes séparés à l’amiable lorsque notre service à la nation a pris fin.»

«Dans les mois qui ont suivi, nous avons parlé de temps en temps, mais lorsque le président est revenu à la rhétorique qu’il utilisait avant ce jour tragique et commencé à critiquer publiquement ceux d’entre nous qui défendaient la Constitution, j’ai décidé qu’il valait mieux que nous nous séparions.»

Le livre, publié par Simon & Schuster, est lancé alors que Mike Pence semble de plus en plus susceptible de se présenter à la présidence en 2024, une décision qui le mettrait en conflit direct avec M. Trump, qui devrait lancer officiellement sa propre campagne de réélection en Floride mardi soir.

Une bonne idée au départ

M. Pence, qui dans le livre ne déclare jamais directement que le démocrate Joe Biden a gagné l’élection, écrit que lorsque Donald Trump a suggéré pour la première fois d’organiser un rassemblement à Washington le 6 janvier, le jour où il devait présider la certification des élections, il pensait que c’était une bonne idée. «Ma première pensée a été qu’un rassemblement ce jour-là pourrait être utile pour attirer encore plus l’attention sur les débats de la Chambre et du Sénat», explique-t-il.

M. Pence se souvient qu’il était assis dans la salle du Sénat lorsqu’un employé s’est penché vers lui pour l’informer que des émeutiers avaient pénétré dans le bâtiment. Un membre de son service secret s’est alors précipité pour insister pour qu’ils partent. Mike Pence a refusé de quitter le bâtiment et a plutôt été conduit à un quai de chargement du Sénat, où il a passé des heures, entouré de membres du personnel et de membres de sa famille, à téléphoner les dirigeants militaires et du Congrès pour coordonner la réponse du gouvernement. Pendant ce temps, le président – qui n’a jamais pris la peine de vérifier que M. Pence était en sécurité – était assis, cloîtré, en train de regarder la télévision.

«Tout était un flou de mouvement et de chaos: des agents de sécurité et de police dirigeaient les gens en sécurité, des membres du personnel criaient et couraient pour se mettre à l’abri. Je pouvais voir l’intensité dans les yeux des gens des services secrets; c’était aussi audible dans les voix de la police du Capitole. Je pouvais entendre des bruits de pas et des chants de colère», écrit l’ex-président.

Pourtant, M. Pence insiste sur le fait qu’il n’avait «pas peur», qu’il était seulement en colère contre ce qui se passait.

À 14h24, alors que le vice-président restait caché, M. Trump a publié ce tristement célèbre micromessage disant que M. Pence «n’avait pas le courage de faire ce qui aurait dû être fait pour protéger notre pays et notre Constitution».

«J’ai juste secoué la tête, a relaté M. Pence. La vérité était que, aussi imprudent que soit le tweet du président, je n’avais vraiment pas le temps. Les émeutiers saccageaient le Capitole. […] Le président avait décidé de faire partie du problème. J’étais déterminé à faire partie de la solution. J’ai ignoré le tweet et je me suis remis au travail.»

Se préparer à 2024

Mike Pence décrit également la campagne de M. Trump pour faire pression sur lui afin qu’il rejette les résultats de l’élection, même si la Constitution indique clairement que le rôle du vice-président est purement cérémoniel.

Lors d’un déjeuner le 16 novembre 2020, M. Pence raconte qu’il a dit à son patron que «si les contestations judiciaires échouaient et s’il ne voulait pas concéder, il pourrait simplement accepter les résultats des élections, poursuivre la transition et préparer un retour politique, pour remporter le second tour du Sénat en Géorgie, la course au poste de gouverneur en Virginie en 2021, et la Chambre et le Sénat en 2022.»

M. Pence lui aurait également dit qu’il pourrait se présenter à la présidence en 2024, ce à quoi M. Trump aurait répondu que «2024 est si loin».

Lors d’un autre déjeuner, M. Pence affirme avoir dit au président de considérer l’élection non pas comme une défaite, mais comme un «entracte», l’encourageant à reconnaître les résultats après avoir épuisé tous ses recours légaux.

«Il a hoché la tête, a pointé du doigt comme pour dire: « Cela vaut la peine d’être considéré », et est retourné dans le couloir arrière», a-t-il écrit.

Mais alors que les poursuites intentées par l’équipe juridique de Donald Trump continuaient d’échouer, M. Pence prétend que l’humeur de l’ex-président s’est assombrie et qu’il est devenu de plus en plus furieux. M. Pence dit que M. Trump l’a réprimandé en lui disant: «Tu es trop honnête». 

«Des centaines de milliers vont te détester […] les gens vont penser que tu es stupide», aurait affirmé M. Trump à son vice-président.

«Au fil des jours, il devenait clair qu’il y aurait un coût réel pour moi sur le plan politique lorsque je présiderais la certification des élections de 2020, souligne-t-il dans le livre. J’ai toujours su que je n’avais pas le pouvoir d’annuler l’élection. Je savais que ce serait blessant pour mon ami si je participais à la certification. Mais mon devoir était clair.»

Une longue rencontre

Après que le Capitole eut été vidé des émeutiers, le Congrès s’est réuni à nouveau et M. Pence a présidé la certification de sa défaite et de celle de Donald Trump. Pendant plusieurs jours, les deux hommes ne se sont pas parlé. Mais quand ils se sont finalement rencontrés, cinq jours plus tard, M. Pence a déclaré qu’ils avaient passé plus de 90 minutes ensemble, seuls.

«Je lui ai dit que j’avais prié pour lui au cours des quatre dernières années et demie, et je l’ai encouragé à prier», a écrit M. Pence. M. Trump serait resté silencieux. 

«Avec une véritable tristesse dans la voix, le président s’est alors demandé: « Et si nous n’avions pas eu le rassemblement? Et s’ils n’étaient pas allés au Capitole? » Puis il a dit : « C’est trop terrible de finir comme ça. »»