La Russie souhaite suspendre l’accord de l’ONU sur l’exportation de céréales

KYIV, Ukraine — Le ministère russe de la Défense a annoncé samedi que Moscou avait décidé de suspendre la mise en œuvre d’un accord sur les céréales négocié par l’ONU, qui a vu plus de neuf millions de tonnes de céréales exportées d’Ukraine et a fait baisser les prix mondiaux des denrées alimentaires.

En cause, selon la Russie, une prétendue attaque de drone ukrainien contre les navires de la flotte russe de la mer Noire amarrés au large des côtes de la Crimée occupée a eu lieu tôt samedi. L’Ukraine a nié l’attaque.

La déclaration russe est intervenue un jour après que le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exhorté la Russie et l’Ukraine à renouveler l’accord. M. Guterres a également exhorté d’autres pays, principalement occidentaux, à accélérer la suppression des obstacles bloquant les exportations russes de céréales et d’engrais.

Le secrétaire général de l’ONU a souligné l’urgence de renouveler l’accord négocié par les Nations Unies et la Turquie en juillet, qui expire le 19 novembre, «pour contribuer à la sécurité alimentaire dans le monde et pour amortir les conséquences de cette crise mondiale du coût de la vie qui affecte à des milliards de personnes», a souligné son porte-parole.

L’ambassadeur russe à l’ONU, Vassili Nebenzia, a déclaré qu’avant que Moscou ne discute d’un renouvellement, «la Russie doit voir l’exportation de ses céréales et de ses engrais sur le marché mondial, ce qui ne s’est jamais produit depuis le début de l’accord».

Plus tôt samedi, l’Ukraine et la Russie ont proposé des versions différentes de l’attaque de drones en Crimée au cours de laquelle au moins un navire russe a été endommagé à Sébastopol, un port majeur de la péninsule ukrainienne annexée par Moscou en 2014.

Le ministère russe de la Défense a déclaré qu’un dragueur de mines avait subi des «dommages mineurs» lors d’une prétendue attaque ukrainienne avant l’aube contre des navires militaires et civils amarrés à Sébastopol, qui abrite le quartier général de la flotte russe de la mer Noire. Le ministère a affirmé que les forces russes avaient «repoussé» 16 drones attaquants.

Un conseiller du ministère ukrainien de l’Intérieur a affirmé qu’une «manipulation imprudente d’explosifs» avait provoqué des explosions sur quatre navires de guerre de la flotte russe de la mer Noire. Anton Herashchenko a écrit sur Telegram que les navires comprenaient une frégate, un navire de débarquement et un navire transportant des missiles de croisière utilisés lors d’une attaque meurtrière en juillet contre une ville de l’ouest de l’Ukraine.

Repli dans la région de Kherson

Des responsables militaires ukrainiens ont aussi accusé l’ennemi russe d’avoir déplacé un grand nombre de personnes malades et blessés des hôpitaux de la région de Kherson, dans le sud de l’Ukraine, alors que se poursuivait l’offensive visant à reprendre la région envahie par la Russie au début de la guerre.

Les autorités d’occupation avaient précédemment exhorté les civils à quitter la ville de Kherson, la capitale de la région. Les autorités nommées par Moscou auraient également abandonné la ville, rejoignant des dizaines de milliers d’habitants qui ont fui vers d’autres zones contrôlées par la Russie avant une avancée attendue des forces ukrainiennes.

«La soi-disant évacuation des envahisseurs du territoire temporairement occupé de la région de Kherson, y compris des établissements médicaux, se poursuit, a indiqué l’état-major des forces armées ukrainiennes dans une mise à jour du matin. Tous les équipements et médicaments sont retirés des hôpitaux de Kherson».

Les affirmations de l’armée n’ont pas pu être vérifiées de manière indépendante. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a dit vendredi dans une allocution vidéo nocturne que les Russes «démantelaient tout le système de santé» à Kherson et dans d’autres zones occupées.

«Les occupants ont décidé de fermer les établissements médicaux dans les villes, d’emporter du matériel, des ambulances, tout simplement, a affirmé M. Zelensky. Ils ont fait pression sur les médecins qui restaient encore dans les zones occupées pour qu’ils se déplacent sur le territoire de la Russie.»

Kherson est l’une des quatre régions d’Ukraine que le président russe Vladimir Poutine a annexées illégalement le mois dernier et où il a ensuite déclaré la loi martiale. Les autres sont Donetsk, Louhansk et Zaporijia.

Alors que les forces de Kyiv cherchaient à progresser dans le sud, la Russie a poursuivi ses bombardements et ses attaques de missiles dans l’est du pays, ont annoncé samedi les autorités ukrainiennes. Trois civils sont morts lors de la dernière journée et huit autres ont été blessés dans la région de Donetsk, qui est redevenue un point chaud de première ligne alors que les soldats russes tentent de capturer la ville de Bakhmout.

Les analystes occidentaux ont depuis longtemps identifié Bakhmout comme une cible importante dans l’offensive russe bloquée à l’est. La prise de Bakhmout ouvrirait la voie aux forces de Moscou pour menacer Sloviansk et Kramatorsk, les deux plus grandes villes sous contrôle ukrainien restant dans la région longtemps assiégée du Donbass.

Donetsk et la province voisine de Louhansk forment le Donbass. Les séparatistes prorusses contrôlent des parties des deux provinces depuis 2014.

Dans la région du nord-est de Kharkiv, où les troupes russes se sont retirées le mois dernier et où les troupes ukrainiennes ont récupéré de larges pans de territoire, les bombardements russes ont blessé trois civils pendant la nuit, selon le gouverneur ukrainien de la région.

Le gouverneur Oleh Synyehubov a écrit sur Telegram que deux femmes dans la quarantaine et un homme de 60 ans avaient été blessés près de Koupiansk, une ville qui servait de centre de ravitaillement pour les forces russes dans la région avant que les troupes ukrainiennes ne reprennent le contrôle.

Dans la province voisine de Louhansk, le gouverneur Serhiy Haidaï a indiqué que les forces ukrainiennes avaient bombardé toute la longueur de l’autoroute Kreminna-Svatove, où les Russes ont établi leur principale ligne de défense après leur retrait de la région de Kharkiv.

Un bombardement russe samedi a également touché des «infrastructures critiques» dans la région de Zaporijia, dans le sud de l’Ukraine, a déclaré le gouverneur ukrainien de la province illégalement annexée. Environ un quart de la région, y compris la capitale locale, également appelée Zaporijia, reste sous contrôle militaire ukrainien.

Écrivant sur Telegram, le gouverneur Oleksandr Starukh a déclaré que les dommages étaient en cours d’évaluation. Il n’a pas précisé ce qui a été touché et n’a mentionné aucune victime.

Par ailleurs, 52 Ukrainiens, dont deux anciens défenseurs de l’aciérie Azovstal à Marioupol, ont été libérés samedi dans le cadre d’un échange de prisonniers avec la Russie, selon Andriy Yermak, un haut responsable du bureau présidentiel ukrainien. Les aciéries de cette ville portuaire bombardée symbolisent désormais la résistance ukrainienne.

Parmi les personnes libérées figuraient le chef du service de chirurgie de l’hôpital militaire de Marioupol, qui se trouvait à Azovstal, et un jeune chirurgien militaire, selon M. Yermak.

A également été libéré, a-t-il dit, un marin qui défendait l’île aux Serpents en Ukraine, un avant-poste stratégique de la mer Noire saisi par la Russie aux premières heures de la guerre. D’autres sont des soldats ukrainiens capturés par Moscou près de la centrale nucléaire de Tchornobyl — le site de la pire catastrophe nucléaire au monde en 1986 — que les forces russes ont brièvement occupée de février à mars.