Gaza: les Palestiniens s’entassent dans une zone de plus en plus restreinte

RAFAH, Palestine — Des Palestiniens désespérés fuyant l’offensive terrestre d’Israël s’entassent dans une zone de plus en plus restreinte de la bande de Gaza, alors que la guerre entre Israël et le Hamas est entrée vendredi dans son troisième mois. Les Nations unies ont prévenu que leur opération d’aide était «en lambeaux» car aucun endroit de l’enclave assiégée n’est sécuritaire.

L’assaut militaire d’Israël contre Gaza, minuscule territoire densément peuplé, a fait de nombreuses victimes civiles et provoqué des déplacements massifs de population, suscitant l’inquiétude de la communauté internationale. 

L’armée israélienne a déclaré vendredi qu’au cours de la journée écoulée, elle avait frappé environ 450 cibles dans la bande de Gaza, par voie aérienne, maritime et terrestre, ce qui témoigne de l’intensité continue de sa campagne. Les chaînes de télévision palestiniennes ont fait état de frappes aériennes sur différentes parties du territoire.

«Les frappes aériennes et les tirs d’artillerie aléatoires se poursuivent intensément depuis hier soir jusqu’à ce matin», a déclaré Hassan Al Najjar, un journaliste qui s’est exprimé par téléphone depuis le nord de la bande de Gaza.

En début de semaine, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a fait usage d’un pouvoir rarement exercé pour avertir le Conseil de sécurité de l’imminence d’une «catastrophe humanitaire», et les nations arabes et majoritairement musulmanes ont appelé à un vote vendredi sur une résolution du Conseil exigeant un cessez-le-feu immédiat.

Les États-Unis, le plus proche allié d’Israël, sont susceptibles de bloquer tout effort de l’ONU visant à mettre fin aux combats, qui ont été déclenchés par l’attaque meurtrière du 7 octobre menée par des militants du Hamas contre le sud d’Israël.

Néanmoins, les États-Unis s’inquiètent de plus en plus de la dévastation.

Il y a quelques jours, avant l’extension de l’offensive terrestre à la partie sud de la bande de Gaza, des responsables américains ont dit à Israël qu’il devait limiter les morts et les déplacements de civils, estimant que trop de Palestiniens avaient été tués lors de l’anéantissement de la majeure partie de la ville de Gaza et des zones environnantes dans le nord du pays.

Jeudi, le secrétaire d’État américain Antony Blinken a déclaré lors d’une conversation téléphonique avec le ministre israélien des Affaires stratégiques Ron Dermer que le nombre de victimes était encore trop élevé, a indiqué un haut fonctionnaire du département d’État. M. Blinken a indiqué à M. Dermer qu’Israël devait également faire davantage pour permettre à l’aide humanitaire d’entrer dans la bande de Gaza. Le fonctionnaire a parlé sous le couvert de l’anonymat pour évoquer la discussion diplomatique privée.

Israël insiste sur le fait qu’il doit écraser les capacités militaires du Hamas, qui dirige la bande de Gaza, et le chasser du pouvoir à la suite de l’attaque lancée par le groupe le 7 octobre.

Au cours de la première phase de la guerre, la campagne aérienne et terrestre d’Israël s’est concentrée sur la moitié nord de Gaza, ce qui a poussé des centaines de milliers d’habitants à fuir vers le sud. Ces derniers jours, d’intenses combats se sont poursuivis dans certaines parties du nord, tandis que les troupes ont rassemblé des centaines d’hommes palestiniens.

Sur des photos et des vidéos publiées jeudi, on voit des dizaines d’hommes assis en rang dans une rue du nord de Gaza, déshabillés jusqu’aux sous-vêtements, la tête baissée, sous la surveillance des troupes israéliennes.

Ces images sont les premières à montrer de telles détentions depuis le début de la guerre. Le porte-parole militaire israélien, Daniel Hagari, a déclaré que les troupes avaient arrêté et interrogé des centaines de personnes à Gaza soupçonnées d’avoir des liens avec des militants. Les observateurs de l’ONU ont dit que les troupes auraient détenu des hommes et des garçons à partir de 15 ans dans une école transformée en refuge dans la ville de Beit Lahiya, dans le nord.

Pendant la guerre, les raids militaires meurtriers se sont multipliés et les restrictions imposées aux résidents palestiniens de la Cisjordanie occupée se sont accrues. Les forces israéliennes ont fait irruption vendredi dans un camp de réfugiés en Cisjordanie pour arrêter des militants palestiniens présumés, déclenchant des combats avec des hommes armés locaux au cours desquels six Palestiniens ont été tués, selon des responsables de la santé. L’armée israélienne n’a pas répondu à une demande de commentaire sur l’opération. 

La semaine dernière, les forces israéliennes ont étendu leur offensive terrestre au sud de la bande de Gaza, en se concentrant sur Khan Younis, la deuxième ville du territoire.

Vendredi, le Croissant-Rouge palestinien a annoncé que l’armée de l’air israélienne avait attaqué une maison située en face du bureau de la société dans la ville de Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza. Elle n’a pas donné de détails sur les victimes.

Medhat Abbas, porte-parole du ministère de la Santé dans la bande de Gaza contrôlée par le Hamas, a fait état d’une frappe dans la ville de Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza, déclarant qu’elle avait tué et blessé un certain nombre de personnes, sans donner de chiffres exacts.

L’armée affirme qu’elle s’efforce d’épargner les civils et accuse le Hamas de les utiliser comme boucliers humains lorsque les militants se battent dans des zones résidentielles denses.

L’ensemble de la bande de Gaza faisant l’objet d’un assaut militaire, des dizaines de milliers de personnes déplacées par les combats se sont entassées dans la ville frontalière de Rafah, à l’extrême sud de la bande de Gaza, et à Muwasi, une parcelle voisine du littoral aride qu’Israël a déclarée zone de sécurité.

Les abris ayant largement dépassé leur capacité, de nombreuses personnes ont planté leurs tentes le long de la route menant de Rafah à Muwasi.

«Les acteurs humanitaires (…) font état d’une surpopulation extrême et d’un manque de ressources de base à Rafah», a déclaré la section des affaires humanitaires des Nations Unies.

La capacité des agences humanitaires de l’ONU à recevoir des fournitures vitales a été «considérablement réduite» au cours des derniers jours en raison des camions et du personnel bloqués par les combats et de la panne des télécommunications.

«Nous n’avons plus d’opération humanitaire dans le sud de la bande de Gaza qui puisse être appelée ainsi», a averti jeudi Martin Griffiths, le responsable des affaires humanitaires de l’ONU. Le rythme de l’assaut militaire israélien «n’a rendu aucun endroit sûr pour les civils dans le sud de la bande de Gaza, ce qui constituait la pierre angulaire du plan humanitaire visant à protéger les civils et donc à leur fournir de l’aide. Mais sans lieux sûrs, ce plan est en lambeaux».

Israël a désigné Muwasi, sur la côte méditerranéenne du territoire, comme zone de sécurité pour les personnes cherchant à échapper aux combats entre les troupes israéliennes et les militants du Hamas. Mais les Nations unies et les organisations humanitaires ont qualifié cette solution de mal planifiée.

La campagne israélienne a tué plus de 17 100 personnes à Gaza – dont 70 % de femmes et d’enfants – et en a blessé plus de 46 000, selon le ministère de la Santé du territoire, qui affirme que de nombreuses autres personnes sont piégées sous les décombres. Le ministère ne fait pas de distinction entre les décès de civils et de combattants.

Le Hamas et d’autres militants ont tué environ 1200 personnes, pour la plupart des civils, lors de l’attaque du 7 octobre et ont pris plus de 240 otages. On estime qu’il reste 138 otages à Gaza, principalement des soldats et des civils, après que plus de 100 d’entre eux ont été libérés, pour la plupart lors d’un cessez-le-feu le mois dernier.