É-U: une enquête est lancée sur l’unité des crimes sexuels de la police de New York

NEW YORK — Le ministère américain de la Justice a lancé une enquête approfondie sur les enquêteurs des crimes sexuels du service de police de New York (NYPD) après des années de plaintes concernant la façon dont ils traitent les victimes d’actes criminels.

L’enquête sur les droits civiques, annoncée jeudi, examinera si la Division spéciale des victimes du NYPD s’engage dans un modèle de maintien de l’ordre basé sur le genre, ont déclaré des responsables.

«Les survivantes d’agressions sexuelles doivent s’attendre à des enquêtes efficaces, informées sur les traumatismes et centrées sur les victimes par les services de police», a déclaré Kristen Clarke, procureure générale adjointe de la Division des droits civils du ministère de la Justice. Les deux avocats américains de New York se sont joints à elle pour annoncer l’enquête.

L’unité de police s’est attaquée à des affaires majeures telles que la poursuite de l’ancien magnat du cinéma Harvey Weinstein. Mais la division a également fait face à une décennie de plaintes concernant des effectifs réduits et des enquêtes superficielles. 

Par ailleurs, l’unité de police a inspiré la série télévisée «Law & Order: SVU».  

Dans un procès en 2019, une femme a allégué que des enquêteurs ont ignoré son rapport selon lequel elle avait été violée par une personne avec qui elle avait été impliquée, l’enregistrant comme un «différend» au lieu d’un crime sexuel. 

Une autre femme a déclaré dans le procès que son récit d’enlèvement et de viol collectif avait été grossièrement mal géré pendant des mois avant qu’on lui dise que l’affaire était «trop complexe» pour enquêter.

Après le procès et un remaniement de la direction, le NYPD a promis un changement, mais les défenseurs des victimes disent que cela ne s’est pas produit.

«Nous espérons que l’enquête du ministère de la Justice et notre procès aboutiront enfin à un réel changement pour les victimes et les survivantes d’agressions sexuelles à New York», a déclaré l’avocate des femmes, Mariann Wang.

Le NYPD a indiqué qu’il accueillait l’examen et s’est engagé à améliorer ses enquêtes.

La commissaire de police Keechant Sewell était confiante que tout «examen constructif montrerait que le NYPD a évolué et s’est amélioré dans ce domaine, mais nous serons transparents et ouverts aux critiques ainsi qu’aux idées».

Le maire Eric Adams, un capitaine de police à la retraite qui a été élu en janvier et qui a nommé Mme Sewell au poste de commissaire de police, a dit qu’elle avait immédiatement pris des mesures pour s’assurer que l’unité était «professionnelle».

Traitement équitable réclamé

Un avocat américain à Brooklyn, Breon Peace, a déclaré que le NYPD avait déjà pris des mesures pour répondre aux préoccupations, mais que les autorités veulent s’assurer que les victimes sont traitées équitablement à l’avenir.

Les responsables du ministère de la Justice ont mentionné qu’ils prévoyaient un examen complet des politiques, des procédures et de la formation pour les enquêtes sur les agressions sexuelles de la Division spéciale des victimes — y compris la façon dont la police interagit avec les survivantes et les témoins, recueille des preuves et mène des enquêtes.

Les responsables veulent également voir quelles mesures le service de police a prises pour corriger les lacunes, notamment en ce qui concerne le personnel de l’unité et les services offerts aux victimes d’agressions sexuelles.

L’affaire Weinstein a mis en lumière la division des crimes sexuels, qui a aidé à construire une poursuite qui s’est terminée par une condamnation décisive pour le mouvement #MeToo. Mais en cours de route, les procureurs ont abandonné l’une des accusations en 2018, après que des preuves ont fait surface qu’un enquêteur avait conseillé un témoin et dit à une accusatrice de supprimer des éléments de son téléphone portable.

Un avocat de la femme dont l’allégation a été retirée de l’affaire a reproché aux procureurs ce qui s’est passé. Elle a déclaré jeudi qu’elle était favorable à ce que la lumière soit faite sur les pratiques de la police, offrant un point de vue mitigé sur l’unité des crimes sexuels de la police.

«Notre expérience est que de nombreux cas d’agression sexuelle viables sont rejetés par la police dès les premières étapes de l’enquête», a affirmé l’avocate, Carrie Goldberg. «D’un autre côté, certaines des poursuites pour agression sexuelle les plus importantes de l’histoire récente — par exemple, celle de Harvey Weinstein — ont été motivées par la ténacité d’enquêteurs dévoués du NYPD.»

Après le procès de 2019, l’unité a eu une nouvelle chef, Judith Harrison, et elle est passée à ce qu’elle a appelé une approche «centrée sur la victime» — mais elle a rapidement changé de poste.

Son successeur, Michael King, nommé en 2020, était un enquêteur chevronné et un infirmier spécialisé médico-légal. M. King a été relevé de ses fonctions en février, après des plaintes concernant son leadership et la mauvaise gestion continue des affaires.

En octobre dernier, une femme qui s’est identifiée comme une victime de viol a déclaré lors d’une audience au conseil municipal que les enquêteurs n’avaient pas interrogé de témoins, ni collecté des images de caméras de sécurité du bar où elle se trouvait avant l’attaque, ni testé les drogues du viol. Elle a dit qu’ils avaient fermé l’affaire deux fois sans le lui dire.

Dans un autre cas, détaillé dans un article de 2020 du «New York Times», une étudiante de l’Université de New York a affirmé qu’un enquêteur en crimes sexuels doutait ouvertement de son allégation selon laquelle un inconnu l’avait violée dans son appartement. L’enquêteur l’a dissuadée d’aller de l’avant et a classé l’affaire, a-t-elle raconté. 

Le violeur présumé, identifié grâce aux empreintes digitales sur un emballage de préservatif trouvé dans l’appartement, a ensuite été emprisonné pour cambriolage, mais il a fini par être libéré et a agressé trois autres femmes parce que la Division spéciale des victimes n’a jamais dit aux procureurs qu’il était un suspect de viol, a rapporté le «New York Times».

L’unité a également fait l’objet d’un examen minutieux, y compris de la part du bureau des affaires internes de la police de New York, pour avoir apparemment mal traité des trousses de viols et puisque des enquêteurs auraient escroqué le service sur les heures travaillées.

Un avocat américain à Manhattan, Damian Williams, a souligné que les victimes de crimes sexuels «méritent les mêmes enquêtes rigoureuses et impartiales sur leurs cas que le NYPD accorde aux autres catégories de crimes».