Des agriculteurs et d’autres Allemands manifestent contre le gouvernement

BERLIN — Cette semaine a commencé et s’est terminée avec la longue route devant la porte de Brandebourg à Berlin, bondée de véhicules lourds klaxonnant en signe de protestation – des agriculteurs lundi et des camionneurs vendredi.

De telles manifestations soulignent la profonde frustration en Allemagne à l’égard du gouvernement du chancelier Olaf Scholz, arrivé au pouvoir il y a un peu plus de deux ans avec un programme progressiste et modernisateur, mais qui est désormais considéré par beaucoup comme dysfonctionnel et incapable.

Il a du mal à jongler avec de multiples crises et à concilier d’ambitieux objectifs, comme transformer la plus grande économie d’Europe pour atteindre les objectifs climatiques et investir dans des infrastructures négligées, tout en respectant les règles strictes que l’Allemagne s’est imposées en matière d’endettement.

M. Scholz reconnaît les inquiétudes, qui vont au-delà des réductions des allégements fiscaux sur le carburant diesel destiné aux agriculteurs.

«Je pense que les crises et les conflits créent une incertitude générale», a-t-il déclaré dans un message vidéo diffusé la fin de semaine dernière.

«Beaucoup s’inquiètent: « Que va-t-il se passer ensuite? Que m’apportera l’avenir? » Tout cela amène certains à l’exprimer haut et fort.»

Pourtant, le chancelier lui-même est critiqué pour sa gestion d’une alliance tripartite complexe et sa mauvaise communication. Même si son gouvernement ne semble pas en danger pour le moment et que les prochaines élections législatives allemandes ne sont pas prévues avant l’automne 2025, on ne sait pas encore comment il pourra inverser la baisse des sondages.

Le gouvernement souligne ses réussites, notamment lorsqu’il a évité une crise énergétique après que la Russie eut interrompu ses livraisons de gaz à l’Allemagne.

Mais comme trop souvent, la combinaison de deux partis de centre gauche et d’un rival pro-entreprises a provoqué la colère des Allemands en se chamaillant longuement sur des projets mal expliqués qui font parfois craindre de nouveaux coûts – notamment un projet visant à remplacer les systèmes de chauffage aux combustibles fossiles par des systèmes plus écologiques. À cela s’ajoute la frustration liée à l’inflation des deux dernières années.

Sympathie pour les agriculteurs

Les sondages montrent peu de confiance à l’égard de M. Scholz et de son gouvernement et une sympathie généralisée pour les protestations des agriculteurs contre les réductions des allégements fiscaux sur le diesel qu’ils utilisent est à dernière crise à affecter la coalition.

Une décision de justice rendue en novembre a invalidé un pilier majeur du financement du gouvernement et l’a laissé se démener pour combler un vide important dans le budget de cette année. Il avait cherché à contourner les règles allemandes en matière d’endettement en réaffectant 60 milliards d’euros initialement destinés à amortir les retombées de la pandémie de COVID-19 vers des mesures visant à lutter contre le changement climatique et à moderniser le pays.

Dans le cadre de son plan visant à combler ce vide, les dirigeants de la coalition ont déclaré que le gouvernement abolirait l’exonération de la taxe automobile pour les véhicules agricoles et les allégements fiscaux sur le diesel utilisé dans l’agriculture. Avec les réticences du ministre de l’Agriculture lui-même, il a édulcoré cette proposition, affirmant que l’exonération de la taxe automobile serait maintenue et que les réductions des allégements fiscaux seraient étalées sur trois ans.

Cela n’a pas satisfait les agriculteurs allemands, bien organisés, qui ont mené une semaine de manifestations qui ont culminé lundi à Berlin. Et il pourrait y en avoir d’autres.

«Nos agriculteurs sont déçus, ils sont déçus de ne pas avoir été écoutés et ils ne comprennent pas pourquoi ils devraient être encore plus pénalisés par la concurrence européenne», a déploré vendredi Joachim Rukwied, président de l’Association des agriculteurs allemands.

M. Rukwied a souligné que son organisation tenterait de convaincre les élus lors des négociations au cours des deux prochaines semaines, mais qu’il y aurait encore des «actions» à plus petite échelle de la part des agriculteurs pour faire valoir leur point de vue.

D’autres groupes confrontés à leurs propres défis ont sympathisé ou se sont joints à certaines manifestations d’agriculteurs. Il s’agit notamment des associations de transports routiers et d’hôtellerie, ces dernières étant confrontées à une augmentation de la taxe sur la valeur ajoutée sur les repas au restaurant, passant du taux de 7 % auquel elle a été réduite pendant la pandémie à 19 %.

Les organisateurs de la manifestation de vendredi des chauffeurs routiers ont appelé à l’annulation de l’augmentation des péages routiers pour les camions et ont protesté contre la tarification du carbone. La taxe allemande sur les émissions de dioxyde de carbone provenant des carburants a été augmentée plus que prévu ce mois-ci, une autre conséquence de la crise budgétaire.