Une serre huit pieds sous terre

Été comme hiver, Félix Grimard et Paméla Guay-Tremblay descendent huit pieds sous terre pour récolter leurs fruits et légumes frais. Juste à côté de leur maison, ils ont construit une serre sous-terraine qui a de quoi faire écarquiller les yeux!

À l’intérieur, c’est l’abondance. On se croirait presque en Amazonie tant la verdure est éclatante. Au moment de notre visite, le jeune couple y cultivait environ 25 variétés de légumes et de fruits, dont plusieurs exotiques (oranges, citrons, ananas, papayes, etc.), et envisageait doubler ce nombre à moyen terme.

Dans cette serre spéciale, tout pousse à une vitesse phénoménale. Tellement, en fait, que les propriétaires font presque trois récoltes par année. «C’était le premier hiver de notre serre, l’hiver dernier, et on en a profité pour faire des tests. On a remarqué que quelques plantes entraient en dormance, mais que la plupart continuaient de produire», raconte Paméla.

Selon ses estimations, la serre permettrait à sa famille d’être autosuffisante dans une proportion de 70% à l’année longue. Il faut dire qu’en raison de l’espace, le couple a dû faire des choix en ce qui a trait aux fruits et aux légumes qu’il souhaitait cultiver.

Par exemple, ces jeunes parents ont décidé de ne pas cultiver de pommes de terre. Une décision notamment motivée par le fait que celles du Québec sont accessibles partout, à l’année, ce qui leur permet d’encourager l’achat local; une valeur profondément ancrée chez eux.

Des murs en pneus recyclés

La construction de la serre a débuté à l’été 2017 et s’est terminée à la fin de l’été suivant. Un projet de longue haleine, car il ne suffit pas ici de creuser un trou pour ensuite lui ajouter un toit.

Pour assurer une solidité à toute épreuve à la construction, environ 350 pneus usagés de toutes tailles ont été remplis de sables et empilés en forme de V pour servir de structure à la serre. Ces pneus, récupérés du garage familial, ont aussi été recouverts d’une membrane spécialement conçue pour empêcher qu’ils ne se dégradent avec le temps.

«Ils servent d’isolant, explique Paméla Guay-Tremblay. Ils emmagasinent la chaleur, puis la dégagent lorsqu’il fait froid, ce qui crée une énergie verte. On n’a pas besoin de chauffer. C’est d’ailleurs une des raisons qui expliquent pourquoi on a utilisé ça comme matériau.»

Mettre en place cette structure inusitée n’a pas été un jeu d’enfant. Dans les débuts du projet, le couple a tout démoli pour recommencer son empilade de pneus. Une fois la structure sous contrôle, il s’est attaqué au toit. Celui-ci est constitué d’une double toile de plastique, installée sur des fermes de toit fabriquées à la main qui reposent sur une petite fondation de béton bordant le trou. De la rue, on dirait une immense tente blanche.

La serre, située à Fortierville, occupe une surface de 28X35 pieds. La superficie cultivable, à l’intérieur, s’élève quant à elle à 22X30 pieds. Pour maximiser l’espace, des bacs surélevés ont été installés et le couple prévoit utiliser les fermes de toit comme support à d’éventuelles plantations.

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Entrer… par le toit

La fameuse serre souterraine à Fortierville

Pour entrer dans la serre, on passe par le toit, où une porte a été installée. Un petit escalier en coin longe la fondation de pneus jusqu’au sol, qui a été recouvert de deux tonnes de copeaux de bois mélangés avec des minéraux.

«Ça nous permet d’avoir un meilleur contrôle de l’humidité et ça aide à garder un pH neutre et à éviter les maladies», mentionne Félix Grimard.

Il précise aussi que la profondeur de la serre se situe au moins deux pieds au-dessus de la nappe phréatique pour éviter le risque d’inondation. «Tout a été calculé.»

Les deux toiles qui forment le toit sont séparées par une chambre d’air, qui favorise l’isolation. Devant la porte, à l’autre extrémité de la serre, se trouve une fenêtre ouverte en permanence, l’été, pour laisser entrer un courant d’air et permettre aux abeilles d’aller à l’intérieur pour polliniser les fleurs. «C’est important qu’il y ait de la vie en-dedans», mentionne Paméla.

La prochaine étape consistera à installer un système d’irrigation qui permettra de récupérer l’eau de pluie. Il sera fait maison.

Amener de l’exotisme à la maison

Pour réaliser sa serre, le couple s’est inspiré de la méthode Walipini,  populaire en France, et des Earthships américains, qui sont des habitations semi-enfouies et conçues avec des matériaux recyclés.

Avant de se lancer dans la construction, il a fait les démarches nécessaires auprès de la municipalité (demande de dérogation et de permis) et d’Environnement Canada, à qui il a dû fournir un plan du projet, incluant les mesures qu’il pensait mettre en place pour protéger les pneus recyclés. «Ils nous ont ensuite envoyé une série de conditions et de normes à respecter et on a pu aller de l’avant.»

Le couple de Fortierville se dit par ailleurs choyé d’habiter cette municipalité, qui a porté une oreille attentive au projet. «Certaines municipalités refusent ce genre de chose, alors on est bien chanceux d’avoir pu profiter d’une telle ouverture.»

Au total, Félix Grimard et Paméla Guay-Tremblay ont investi 8000$ dans leur projet. Ils estiment toutefois que sans le support de la famille (prêt d’équipements et «jus de bras», notamment), ils auraient déboursé le double de ce montant.

«L’investissement sera rentabilisé sur cinq ans, prévoit Paméla. On a recyclé beaucoup de choses, alors ça aussi, ça enlève un coût.»