Une porte ouverte sur l’expérience des femmes et de la grossesse

Raymonde Gagnon, professeure associée au département sage-femme de l’Université du Québec à Trois-Rivières, s’est penchée sur le sujet de la perception de la grossesse et de l’accouchement à l’ère contemporaine. Tiré des résultats de son sujet de thèse, cette dernière a publié son livre accessible au grand public, Vivre la grossesse et donner naissance, à l’ère de la biotechnologie – L’exemple du Québec.

« Dans le présent contexte, l’ère de la biotechnologie fait référence à notre période contemporaine où un large éventail de techniques et de procédés fondés sur le génie génétique est utilisé dans différents domaines, dont celui de la santé », illustre Raymonde Gagnon.

« J’ai fait ma thèse en sciences humaines appliquées à l’Université de Montréal, avec une approche socio-anthropologique, précise Raymonde Gagnon. Une fois terminée, j’ai laissé la thèse un peu de côté parce que c’est un processus assez fastidieux, mais j’ai toujours voulu rendre disponibles les données à Madame Tout-le-Monde, démocratiser un peu ces connaissances et susciter une réflexion. »

Ce sont les Éditions L’Harmattan qui ont publié le livre de Mme Gagnon, une maison d’édition française désireuse d’entendre parler de ce qui se passe au Québec. Qu’est-ce qui préoccupe vraiment ces femmes? Qu’est-ce qu’on peut apprendre d’elles?

Dans le cadre de ses recherches, Mme Gagnon a rencontré 25 femmes enceintes d’un premier bébé, deux fois durant la grossesse et une fois après l’accouchement, avec des parcours différents, c’est-à-dire suivies par des gynécologues obstétriciens, des omnipraticiens ou des sages-femmes. « Ce qui m’intéressait, c’était la construction de leur projet de maternité, comment cet enfant-là était venu dans leur vie, qu’il soit désiré ou non », explique l’autrice. Il s’agissait également de femmes sans problème de santé au point de départ de l’étude.

Ces femmes ont révélé à Raymonde Gagnon ce qu’était leur représentation de la grossesse et de l’accouchement, leur première image autour de la naissance, comment ce projet s’insère dans leur vie familiale et l’évolution du projet au fil des semaines, et comment s’est déroulé l’accouchement. Bien qu’elle ait offert de nombreux suivis sage-femme par le passé, elle a appris grandement auprès des femmes de l’étude, car elle avait l’occasion de leur poser des questions qui n’auraient pas été pertinentes lors d’un suivi.

Raymonde Gagnon a pu dresser trois portraits types, soit les femmes qui décident de faire confiance au milieu médical sans trop se poser des questions, celles qui font confiance au milieu médical, mais qui souhaitent aller recueillir des informations complémentaires et se questionner davantage, et, finalement, celles qui ont amorcé une réflexion et qui souhaitent faire leur accouchement par elles-mêmes. « C’est intéressant de voir comment chacune des femmes de chaque groupe réagit face aux événements qui surviennent au cours de leur grossesse et de leur accouchement », explique Mme Gagnon.

« J’ai découvert à travers ça que beaucoup de femmes pensaient que c’était difficile maintenant d’avoir un enfant. J’ai aussi découvert que la dimension de contrôle était importante, sous différentes représentations et à différents degrés », révèle Mme Gagnon.

Autre découverte : les femmes qui accouchent de manière plus physiologique et sans trop de médicalisation sont des femmes qui occupent des postes de direction ou qui occupent un travail qui leur demande une grande autonomie professionnelle.

Une pionnière de la pratique sage-femme

Avant de s’intéresser à la pratique sage-femme, Raymonde Gagnon a commencé sa carrière dans le domaine de la santé en tant qu’infirmière. « Je m’intéressais à la grossesse et à l’accouchement, alors j’ai travaillé en tant qu’infirmière en obstétrique, explique-t-elle. Je voyais qu’il y avait des conditions de naissance qui méritaient d’être améliorées. » Avant d’intégrer la pratique sage-femme, qui n’était pas encore légalisée à l’époque, Mme Gagnon a notamment été impliquée dans les comités d’humanisation de la naissance dans la région de Rimouski.

Elle déplorait entre autres de rencontrer les familles uniquement au moment de la naissance, pas avant ni après, ce qui ne favorise pas un lien fort ou une approche optimale pour aider les familles à accueillir un bébé dans leur vie. « Les familles ne devraient pas avoir besoin de raconter leur histoire à chaque nouvelle personne qu’elles rencontrent », ajoute la professeure.

Pour être en mesure de mieux comprendre ce que les gens vivent et mieux les accompagner, Raymonde Gagnon a ainsi suivi sa formation de sage-femme, encadrée par l’Alliance québécoise des sages-femmes praticiennes (AQSFP), car à l’époque, la formation n’existait pas au niveau universitaire. Elle détient aussi un baccalauréat en sciences de la santé, certificat en santé communautaire et un certificat en nursing clinique, avec des cours qui touchaient le développement de la personne, la santé mentale et des aspects sociologiques de la santé. Mme Gagnon s’est également impliquée auprès de l’Ordre des sages-femmes, en tant que présidente et vice-présidente.