Ramener l’humain devant la maladie

Depuis de nombreuses années, l’approche préconisé par Carpe Diem – Centre de ressources Alzheimer est citée en exemple au Québec et en France. Alors que les travaux de la nouvelle maison avancent bien, l’organisme lance un Manifeste pour favoriser un meilleur mieux-être des aînés vivant avec des troubles neurocognitifs. 

Le Manifeste pour une vie meilleure rappelle que l’apparition de la maladie d’Alzheimer peut être retardée en stimulant les fonctions neurocognitives et en étant socialement le plus actif possible et milite pour « des milieux de vie où l’on soigne, plutôt que des milieux de soins où l’on vit » pour les aînés.

« Notre inspiration, c’est la personne. Quand tu reçois un diagnostic d’Alzheimer, tu ne veux pas être considéré comme un malade. Tu veux passer comme une personne avant la maladie, souligne Nicole Poirier, directrice générale de Carpe Diem – Centre de ressources Alzheimer. On vise aussi à combattre l’exclusion parce que c’est ce qui se passe en ce moment. Dans les résidences, il y a des unités fermées ou les règles sont strictes et après, les personnes Alzheimer se demandent pourquoi elles sont privées de leurs droits fondamentaux. Le Manifeste vient dire qu’elles sont encore des personnes à part entière. »

Avec ce Manifeste, l’organisme milite pour aider les gens à vivre et vieillir tout en conservant leurs droits: le droit de ne pas être isolé, le droit du personnel d’être formé, le droit que le lieu dans lequel ils vivent soit conçu pour leurs besoins. « Quand tu as un trouble cognitif, tu n’as plus de place dans la société autre que dans des unités. C’est ta valeur qui change. Le Manifeste vient aussi dire que ça ne concerne pas que nous, mais aussi toute la société. Il faut en parler », plaide Marianne Daveluy, directrice adjointe de Carpe Diem.

Le Manifeste affirme: « Nous croyons en un monde où les services à domicile seront souples et adaptés aux réels besoins individuels. (…) Nous reconnaissons le droit aux personnes âgées, particulièrement celles ayant des troubles neurocognitifs de vivre dans un environnement qui favorise leurs droits, leur bien-être et leur épanouissement ».

« On voit beaucoup d’ateliers de mémoire ou d’exercices faits sur une chaise en groupe, mais le quotidien offre déjà la stimulation des fonctions neurocognitives, note Marianne Daveluy. Il suffit de continuer à vivre. Vider le lave-vaisselle, ça revient presque à faire des squats et des levées de bras à répétition. Après, tu veux aller dehors, donc tu t’habilles et tu dois t’orienter à l’extérieur. La vraie vie simule tous ces exercices qui ont été médicalisés. »

Décloisonner le soutien à domicile

Selon Nicole Poirier, le soutien à domicile serait plus efficace si on le décloisonnait. En ce moment, une personne qui reçoit du soutien à domicile voit une personne différente pour ses soins, pour le ménage de la maison, pour la popote roulante, etc.

« On parle de polyvalence dans le milieu de la construction. Ce serait intéressant d’avoir le même principe. Ce décloisonnement serait intéressant parce qu’il permet à la personne d’avoir une même équipe constante et polyvalente qui suit la personne du domicile jusqu’à plus tard dans la maladie. Ça ferait en sorte que lorsque la personne n’est plus capable de s’exprimer, on la connaît et on sait ce qui peut la tracasser », précise-t-elle

« Le rapport de Johanne Castonguay sur le système de santé redit ce que les recherches et les études disent depuis des années: en soutien à domicile, il y a trop de gens qui vont voir la personne, ajoute Mme Poirier. Pendant ce temps, la personne malade, elle doit s’adapter à des gens qu’elle ne reconnaît pas à cause de sa maladie et qui peuvent changer de semaine en semaine. En rendant les intervenants plus polyvalents, ils pourront faire plusieurs choses. Si tu as confiance à quelqu’un pour manger, peut-être que la prochaine fois, tu vas accepter que l’intervenant t’accompagne aux toilettes si tu as des difficultés. Ça devient une personne de confiance. »

Les besoins risquent d’être importants dans les prochaines années. En 2024, une personne sur cinq est âgée de 65 ans et plus au Québec. Il y a quatre ans, on estimait que 180 000 personnes vivaient avec un trouble neurocognitif. Si la tendance se maintient, ce nombre pourrait s’élever à 300 000 personnes d’ici 2030. 

Toutefois, il ne faut pas tomber dans le piège de les isoler chez eux dans une optique de maintien à domicile seulement, note la directrice générale de Carpe Diem – Centre de ressources Alzheimer. L’organisme affirme que la communauté doit jouer un rôle dans le soutien à domicile.

« Par exemple, on a des œufs de la ferme qui nous sont livrés chaque semaine. Les gens peuvent venir en chercher en échange de 7$ pour la douzaine. Une dame de 80 ans venait en chercher trois fois par semaine. On a su qu’elle était allergique aux œufs, mais elle allait porter une douzaine d’œufs pour un voisin vieillissant qui ne sort plus, une autre pour une dame qui n’a pas le temps d’aller s’acheter ses œufs et, la dernière, pour son fils qui venait la visiter le vendredi », raconte Nicole Poirier.

« Ça fait que le matin, elle a une raison de se lever et de s’habiller. Elle regarde la température, s’oriente dans le quartier et elle se sent utile dans son voisinage. Si son voisin ne la voit pas pendant deux semaines, il va se poser des questions. C’est aussi ça le filet social d’une communauté. Ça prend une culture de quartier pour y arriver. »

Le chantier de la nouvelle Maison Carpe Diem avance bien. (Photo Marie-Eve Alarie)

Objectif: 5 millions $

La Fondation Carpe Diem a récemment tenu son 22e dîner-bénéfice annuel. L’événement, tenu sous la coprésidence d’honneur de Diane Chaîné, présidente de Progi, et Robert Couture, président-ingénieur Yvon Couture Inc., a permis d’amasser plus de 36 000$. Avec ce montant qui s’ajoute, la Fondation franchit la barre des 2,8 M$ recueillis, soit un peu plus de la moitié de l’objectif de 5 M$ pour le projet de la Place Cape Diem. 

« Maintenant, on veut aller chercher des dons de la population pour parvenir à récolter les 5 M$ requis. C’est bien d’avoir des grandes fondations, des compagnies et des gens d’affaires qui nous soutiennent qui nous donnent de gros montants, mais quand on arrive dans des centaines de dons de la population, quel qu’en soit le montant, c’est comme des signatures pour une pétition. Ça vient montrer la mobilisation de la population pour le projet », explique Mme Poirier.

« Dès la création de Carpe Diem, c’était important que ce soit dans un vrai quartier. Il y a des liens depuis des années avec l’épicier du quartier, avec l’école, avec les gens autour. C’est la vraie vie. Et avec la conversion de l’église, il y aura plus de possibilités pour que les gens du quartier et d’ailleurs viennent ici. Par exemple, on a fait des jardins communautaires pour attirer les gens et qu’ils puissent venir à la rencontre des personnes qui vivent à la Maison Carpe Diem », poursuit Mme Daveluy.

La construction de la nouvelle Maison Carpe Diem avance comme prévu. Le bâtiment devrait être prêt vers la mi-juillet. L’équipe de Carpe Diem commencera à l’occuper de façon progressive afin que les gens puissent apprivoiser les lieux doucement avant d’y emménager vers la fin de l’été. 

Ce nouveau lieu permettra d’accueillir dix nouvelles personnes vivant avec la maladie d’Alzheimer.

La Place Carpe Diem, c’est quoi?

  • La toute nouvelle maison Carpe Diem
  • Un centre de services de proximité
  • Une équipe de services à domicile
  • Un centre multifonctionnel accessible à toute la population
  • Un centre de formation à l’approche Carpe Diem