Paramédic à domicile: sans sirène ni gyrophare

On estime à 20 % les demandes de transport par ambulance qui concernent des problèmes de santé non urgents. L’impact sur les services ambulanciers et hospitaliers est considérable. Le CIUSSS de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec a lancé, fin novembre, un programme de soutien ambulancier en milieu de vie qui aide à gérer l’affluence à l’urgence de l’hôpital tout en continuant de procurer une assistance immédiate à la population.

Le CHAUR se classe au cinquième rang des urgences les plus achalandées au Québec.Environ  60 ambulances y convergent chaque jour, ce qui exige une coordination complexe.

Alexandre Tremblay travaille comme paramédic et formateur à la Coopérative des ambulanciers de la Mauricie depuis six ans. C’est lui qui a effectué le plus grand nombre de visites à domicile à Trois-Rivières dans le cadre de ce programme ces trois derniers mois.

« Le but, c’est de réguler l’urgence, résume-t-il. S’il n’y a plus de lits disponibles à l’urgence et un surplus de transports en ambulance, on vient tous s’entasser dans le garage. À l’hôpital, s’ils sont capables de libérer des lits pendant que je fais retarder des transports considérés non urgents, les patients des appels urgents vont pouvoir prendre les lits. Puis, les ambulanciers restent disponibles pour la population. »

Tout est une question de gestion de priorités. Les répartiteurs à la centrale établissent un code de priorité pour chaque appel selon des critères précis et d’après ce que décrit la personne au bout du fil.

« Je suis leurs yeux et leurs oreilles. Je fais des tests supplémentaires pour me faire une bonne idée. Quand je demande à une personne qu’est-ce qui se passe et qu’elle me dit qu’elle a mal au cœur, est-ce que c’est une douleur thoracique ou elle a envie de vomir? J’essaie de trouver les bons mots. Si je vois que ce n’est pas urgent, je peux retarder le transport jusqu’à trois ou six heures. Par contre, si je me rends compte qu’elle est en AVC, je vais faire venir une ambulance en urgence. »

Après une première évaluation par le paramédic au domicile du patient, ce dernier fait l’objet d’un suivi serré.

« À chaque heure, je les rappelle pour savoir s’ils sont toujours corrects. Ça me permet de réévaluer si le patient a besoin de de quelque chose de plus urgent. On garde une constance sur nos appels. »

Évaluer des patients directement dans leur milieu de vie permet aussi de récolter davantage d’informations. « Si je vais chez une personne âgée et que je me rends compte qu’elle n’est plus faite pour rester toute seule, ça se peut que je fasse venir une ambulance plus rapidement parce que je ne sais pas si elle va tomber dans les marches éventuellement. Ce sont des aspects que je dois regarder. Ce n’est pas juste l’état de la santé de la personne, c’est aussi son environnement. »

Le CIUSSS peut mettre en branle la mesure de soutien ambulancier trois jours dans une même semaine et ne pas y avoir recours la semaine suivante. C’est lorsque l’urgence commence à présenter des signes de surcharge que la mesure est déployée. Pour le moment, seuls les paramédics formateurs effectuent les visites à domicile, mais d’autres paramédics seront bientôt mis à contribution.

Paramédic à domicile

Les patients qui appellent au 911 pour un problème de santé s’attendent à voir débarquer chez eux deux paramédics en ambulance. La mesure de soutien ambulancier en milieu de vie, toute récente, requiert des explications.

« Ils ne le savent pas tout le temps. Il faut que je les informe. Souvent, j’arrive seul avec mon petit camion. Ils me demandent:  »C’est quoi, je vais embarquer là-dedans? » Je leur dis, franchement:  »L’hôpital est débordé pour l’instant. Je viens vous évaluer. Si je considère que vous avez besoin d’une ambulance immédiatement, je vais la faire venir. Par contre, si je vois que votre état est stable et que vous êtes capable de demeurer ici, je considère que vous êtes mieux de rester chez vous que d’être sur une civière pendant des heures ». Bien souvent, les gens se montrent compréhensifs.

Des patients sans médecin de famille vont parfois considérer l’urgence comme une porte d’entrée dans le système de santé, une mentalité qui tend à changer, note-t-il.

« Quand je fais retarder des transports, j’essaie de trouver des moyens alternatifs pour ces personnes-là. Leur problème n’amène pas nécessairement le besoin d’aller à l’hôpital. Peut-être que c’est un spécialiste qui va les prendre en charge, plus qu’un généraliste à l’hôpital qui, bien souvent, va leur donner un rendez-vous avec un audioprothésiste, un physiothérapeute ou un autre spécialiste. Pourquoi ne pas le faire tout de suite avec une infirmière au téléphone. »

Parallèlement au programme de soutien ambulancier, le CIUSSS MCQ participe depuis la fin janvier à un projet provincial de paramédecine de régulation. Cette fois, c’est une infirmière du Guichet d’accès à la première ligne qui contacte la personne qui a effectué une demande de transport pour un problème non urgent afin de l’évaluer et de l’orienter vers le professionnel adéquat.

Un mythe qui a la couenne dure

Des gens pensent encore qu’arriver en ambulance à l’hôpital leur assure d’être pris en charge plus rapidement. « Ça arrive souvent! Mais il faut passer au triage comme tout le monde rendu à l’hôpital. Il y en a qui vont finir en salle d’attente et qui sont fâchés parce qu’ils sont venus en ambulance. Ils vont peut-être passer au triage plus rapidement. Par contre le résultat va être le même. »