L’intelligence artificielle au menu du déjeuner de la Chambre de commerce

La Chambre de commerce et d’industries de Trois-Rivières (CCI3R) a fait salle comble pour son Grand déjeuner Cogeco, le 29 janvier, alors que l’intelligence artificielle (IA) dans les PME était abordée par Jean-Sébastien Dessureault, professeur et chercheur à l’Université du Québec à Trois-Rivières.

À ses yeux, il faut voir l’intelligence artificielle comme une alliée.

« Mais ça à nous de déterminer sa place, insiste M. Dessureault. Est-ce qu’on veut que l’IA prenne une très grande place ou une place plus restreinte? Ça à nous de voir ce qu’on souhaite que l’IA fasse ou non. Traditionnellement, la robotique a été développée pour faire des trucs abrutissants, comme visser des boulons dans une chaîne de montage. Aujourd’hui, il y a des trucs qui sont intéressants à faire pour l’humain, spécialement la création. »

Il existe de nombreuses pistes d’utilisation de l’intelligence artificielle en entreprise. Par exemple, on peut brainstormer avec des modèles pré-entraînés, apprendre une nouvelle langue, débattre verbalement sur un sujet et même obtenir des conseils d’un point de vue humain.

« C’est surprenant comme ça peut donner des réponses éclairées. ChatGPT était une avancée. Là, le fait de pouvoir avoir des conversations de base avec des modèles d’intelligence artificielle, on est rendu ailleurs. »

Mais pour une bonne intégration de l’IA dans les PME, encore faut-il que les besoins de l’entreprise soient bien définis. « Il ne faut pas faire de l’IA juste pour faire de l’IA. Il faut être un peu plus précis que ça et savoir ce qu’on veut faire en fonction des modèles qui existent et des données qu’on a », note-t-il.

M. Dessureault recommande d’abord aux PME de se doter d’une belle maturité numérique pour mieux plonger dans les possibilités qu’offre l’intelligence artificielle.

« Il ne faut pas aller trop vite dans l’IA non plus, en ce sens qu’elle est dépendante des données. Si on n’a pas les données de qualité, bien prêtes, bien classées et en quantité suffisante, ce sera difficile d’implémenter des algorithmes d’intelligence artificielle », indique-t-il.

« Il faut commencer par assurer la partie des données et ensuite, on y va avec les méthodes d’IA pour régler des problèmes dans des enjeux d’optimisation, de classification, de prédiction, etc. »

Avec le développement à vitesse grand V de l’intelligence artificielle, il est difficile de prévoir où l’on en sera dans cinq ans. Cependant, la situation actuelle aux États-Unis peut susciter des inquiétudes, admet M. Dessureault.

« Je sais que l’IA en inquiète plusieurs. Ce qui peut faire peur, ce sont les inquiétantes dérives des plus importants mécènes de l’intelligence artificielle aux États-Unis. De voir les décision et les orientations qui se prennent en ce moment, ça me fait peur. L’IA est un outil puissant qui doit rester en des mains bienveillantes et humaines, affirme Jean-Sébastien Dessureault. Dans la recherche académique sur l’IA, il n’y a aucune discrimination basée sur le sexe, le genre, l’ethnie, la classe sociale, etc. La recherche se fait en cohérence avec des valeurs de démocratie, développement durable, de vie privée et de transparence. Il y a un protocole éthique pour nous arrêter si on n’est pas dans ces balises. »

(Photo Marie-Eve Alarie)

« Je suis moins d’accord avec l’idée d’un moratoire sur le développement de l’intelligence artificielle parce qu’il y a des gens qui n’arrêteront pas, poursuit-il. Quand on voit les grands mécènes de l’IA dans la Silicon Valley qui ne sont pas nécessairement toujours alignés avec les bonnes valeurs qu’on veut en IA, ça prend un contrepoids. Je pense que la recherche universitaire doit continuer, tout en appliquant le principe de précaution scientifique. C’est important pour l’alignement de l’IA, soit de s’assurer que l’IA est aligné avec les valeurs humaines. »

« Je pense que lors des prochaines élections, il faudra que les partis politiques et les politiciens se positionnent, oui sur l’économie, mais aussi sur les enjeux entourant l’intelligence artificielle. Il va falloir qu’on fasse des choix en fonction de ce qu’on veut ou ce qu’on ne veut pas », conclut Jean-Sébastien Dessureault.