L’histoire vraie plus grande que nature d’Emmanuelle Trottier

« Ce roman ne devait pas du tout être écrit par moi. »

Dans son plus récent roman intitulé « Sur ma route, l’auteure Louise Lacoursière délaisse le roman historique pour faire plonger ses lecteurs dans la vie hors norme d’Emmanuelle Trottier qui tente d’échapper aux souvenirs malheureux de son enfance et de son adolescence en fabriquant son destin à partir de ses voyages, de ses rencontres et des occasions qu’elle saisit.

« L’histoire d’Emmanuelle m’est rentrée dans le corps, confie Louise Lacoursière. J’ai connu cette femme dont l’histoire est extraordinaire. Je lui ai dit qu’il fallait que quelqu’un écrive son histoire. Je l’ai interviewée. Ça a donné une transcription d’environ 130 pages. Je lui ai donné le tout en lui disant qu’elle devait trouver une personne pour écrire cette histoire. C’est plus grand que nature! Mais je n’arrêtais pas de penser à elle, à son histoire et au fait que personne n’avait encore pris le relais. Je me demande à quel point Emmanuelle ne m’attendait pas, finalement, pour raconter son histoire. »

À 28 ans, Emmanuelle Trottier choisit de prendre sa vie en main et de se donner une seconde chance, ce qui l’entraînera du Québec vers la Belgique, puis au Costa Rica où elle ouvre un restaurant qui devient un véritable lieu de rassemblement. Mais de nouveaux écueils se dressent perpétuellement sur sa route.

Bien que le récit de « Sur ma route », entrecoupé de retours dans le passé, soit imprégné de moments sombres et difficiles, l’auteure parvient à y insuffler une lumière et l’espoir de jours plus heureux.

« C’est la première fois que j’écris un livre au je. Je me suis plongée dans la peau d’Emmanuelle. Il y a eu une osmose, sans jugement et dans un esprit d’ouverture totale. Emmanuelle est lesbienne, cocaïnomane et alcoolique, mais elle a également le désir de vivre et d’apprendre par les arts, les lectures et les voyages. Elle est aussi une personne très drôle et elle est animée par un désir de dépassement et d’accomplissement. Sa persévérance et son désir de s’ouvrir au monde m’ont beaucoup touchée », raconte Louise Lacoursière.

« Quand je l’interviewais, elle m’a raconté des choses dont elle n’avait encore jamais parlé. Elle s’est ouverte avec une énorme générosité, ajoute l’auteure. Quand l’écriture de Shawinigan Falls a été terminée, je n’arrêtais pas de repenser à son histoire. Mon travail de création a été de transposer en mots toutes les informations qu’elle me faisait parvenir et cette histoire qui peut paraître incroyable, mais qui est pourtant toute vraie! »

Elle a appliqué la même technique de recherche que pour le travail en amont de ses romans historiques comme la saga de La Saline ou la trilogie sur Anne Stillman, à la différence qu’elle avait accès directement à sa source plutôt que d’avoir à éplucher des documents d’archives.

« Il y a des moments qui sont confrontants, comme lorsque je devais me mettre dans sa peau lors de ses séjours en prison. J’ai trouvé ça extrêmement difficile. J’en ai pleuré. J’avais la chair de poule. Quand il fallait plonger dans sa relation avec son père aussi. À 40 ans, elle a voulu lui montrer la personne qu’elle était devenue et lui, il lui a dit franchement qu’il ne l’avait jamais aimée et que ses frères et elle ont toujours été un dérangement pour lui. C’est tellement à l’opposé de la relation que j’ai eue avec mon père. Écrire au je vient enlever une distance avec ce qui se déroule. Ça aurait été sans doute plus facile d’écrire ces épreuves en conservant une distance avec le sujet, mais l’émotion ne se serait pas transposée de la même façon. »

« La lecture du roman l’a ragaillardie, poursuit Louise Lacoursière. Je pense qu’il y avait plus de lumière encore dans sa vie que ce qu’elle avait pressenti. »

-Aujourd’hui, aurais-tu imaginé une autre personne pour raconter l’histoire d’Emmanuelle?

« …J’étais la meilleure! » conclut-elle dans un éclat de rire.

Le roman « Sur ma route », publié aux éditions Libre Expression, est en vente en librairie.