Le cirque comme discipline de vie

Il y a cinq ans déjà, Éric Marleau, alias le producteur de musique électronique Damkko, était en quête d’un objectif de vie, pour se réaliser professionnellement, comme plusieurs autres jeunes adultes à cet âge. C’est un voyage anodin, chez un ami, qui se sera finalement avéré être le début d’une longue aventure…

« J’étais en quête de sens. Dans ces années-là, je n’avais pas d’ambition ni d’objectif, ce qui était assez démoralisant, se souvient-il. Puis un soir, je me suis rendu chez des amis en road trip à La Tuque et, dans le sous-sol, j’ai vu un bâton fleur dans l’armoire, avec une belle lampe qui était en train de l’illuminer, par pur hasard. J’ai comme eu un choc qui m’a traversé le corps et je m’entrevoyais en faire lorsque je l’ai essayé. En l’utilisant, j’ai tout de suite eu le goût d’apprendre ce médium-là. »

« Au début, je me suis fixé des objectifs très simples, comme sortir à l’extérieur, bouger et pratiquer. Dans le fond, j’ai de l’anxiété à gérer et à cette époque-là, c’était difficile par moment et mes pensées étaient encore plus harcelantes. Je me servais donc du bâton fleur pour fermer ma radio (les pensées intérieures) qui est parfois trop harcelante. C’est tout ce dont j’avais besoin! »

Bien que ce fut difficile à manœuvrer dans les tous débuts, il n’a jamais baissé les bras. Il constatait même une certaine progression dans sa dextérité de jour en jour. 

« C’est devenu une discipline dans ma vie! J’y allais chaque jour. J’étais très gêné et insécure, ce qui faisait en sorte que j’avais de la difficulté à interagir avec les gens. Maintenant, qu’on le veuille ou non, ça attire l’attention de faire du cirque. Les gens venaient me parler et ça me dégênait, jusqu’à ce qu’une personne me demande si je ne voudrais pas partager ma passion avec des jeunes dans les écoles », explique-t-il.

« Puis juste avant 2020, j’ai fait une bonne crise d’anxiété et j’ai été recommandé à une intervenante du programme Trifluvia, de l’Office municipal d’habitation (OMH). Ç’a été le tremplin pour moi de pouvoir me recréer une bonne routine de vie et d’avoir l’opportunité de développer mes compétences artistiques. J’avais un troisième mandat à remplir, qui était de développer un réseau de contacts. Je me suis trouvé un emploi au CIUSSS, tout en continuant de pratiquer mon art. Un jour, j’ai senti que cette époque-là était finie et j’ai voulu explorer mon potentiel artistique. Je voyais que ça me faisait du bien d’interagir avec les gens dans la rue. Du jour au lendemain, j’étais travailleur autonome. »

De son propre aveu, il n’était pas très discipliné à ses débuts d’auto-patronat. C’est un premier contact avec les écoles qui a été le déclic. 

« C’est grâce à mon ami, Émile Cossette, qui m’a inspiré avec son parcours et qui m’a aidé à envoyer des dépliants dans les écoles primaires. C’est grâce à lui que j’ai eu mon premier contact avec les écoles et c’est alors que j’ai vu que c’était possible de partager ma passion, en ayant un revenu, en faisant ce que j’aime. Avant, ça me paraissait impossible, avec certaines croyances limitantes qui m’habitaient. Et si ça n’avait pas été du cirque, ça n’aurait pas été possible pour moi. J’étais trop gêné, je restais chez moi, isolé, parce que j’étais tellement anxieux », concède-t-il.

La pandémie de 2020 est toutefois venue couper son élan. Malgré tout, Éric Marleau a su rester motivé et il a persévéré.

« J’avais ma routine et j’allais pratiquer, peu importe la température extérieure. Ensuite, j’ai recommencé à être invité dans des écoles et j’ai commencé à faire de la prospection, en faisant des appels, pour vendre mes services. J’ai eu la chance de rencontrer Guillaume Vermette, qui m’a admis dans la Caravane Philanthrope. J’ai débuté comme artiste intervenant pour différents types de projets. On utilise le cirque pour aller à la rencontre des populations marginalisées, telles les personnes en situation d’itinérance, notamment. On se sert du cirque pour connecter avec les gens. »

(Photo courtoisie – André Gosselin Photographie)

Un nouveau chapitre

Le Trifluvien a plusieurs projets en tête, lui qui suivra bientôt le deuxième volet de la formation de clown thérapeutique, rôle qui l’a d’ailleurs amené à fréquenter les résidences de personnes âgées. « Après la première formation, j’ai eu un coup de cœur parce que c’est tellement une belle clientèle à aller rencontrer. Ils ne te jugent pas eux autres! On leur permet de s’amuser et de les faire bouger », raconte-t-il.

« Je suis un bébé clown qui est à ses débuts (rires). J’ai plusieurs projets en têtes et des idées de personnages. J’ai décidé de me nommer Damkko – Artiste de cirque parce que Damkko, c’était le nom que j’utilisais aux jeux vidéo. C’était mon nom de joueur! Ça ne veut rien dire, mais c’est moi. Je suis encore à le définir parce que c’est tout nouveau avec le volet clown. Les gens me connaissent sous ce nom-là, même chose pour mes projets musicaux. »

Le 31 mai prochain, un nouveau chapitre s’écrira pour Éric. Il sera laissé à lui seul, épaulé par sa conjointe, Jocelyne Tourigny, artiste de maquillage de fantaisie. Ce sera la fin de son parcours avec Trifluvia, après cinq ans, et il peut se dire mission accomplie.

« C’est stressant, mais c’est à la fois excitant de déménager, dans un bel appartement. Je suis fier du chemin que j’ai parcouru et fier de ce qui m’attend. Lorsque je me réalise dans un contrat, je suis tellement plongé dans ce que je fais que je n’ai pas de tracas. De voir rire et sourire les enfants ou encore les personnes âgées, ça n’a pas de prix! Ça te nourrit le cœur », témoigne-t-il.

« Je suis fier de moi, mais je dois continuer de faire attention à moi. Je dois continuer de maintenir ma santé mentale. Je ne ferai jamais accroire aux gens que tout va bien, tout le temps. Au contraire, j’ai affronté mes peurs et mon anxiété avec courage, tout en développant mon côté artistique, mais les symptômes sont encore là », conclut-il.