La rivalité Cap-de-la-Madeleine – Trois-Rivières au cœur d’un roman jeunesse

Des cicatrices de la rivalité entre les villes de Trois-Rivières et du Cap-de-la-Madeleine sont encore bien présentes. Cette rivalité a inspiré l’auteure jeunesse Élise Rivard pour son nouveau projet de roman jeunesse.

L’auteure trifluvienne Élise Rivard a été approchée par Les Éditions David et sa collection « Pigeon voyageur » pour écrire un roman jeunesse pour un lectorat de 9 à 12 ans. La particularité de cette collection est qu’une ville ou un territoire doit se trouver au cœur de l’histoire. 

« Les Éditions David publient surtout des romans d’auteurs franco-ontariens, mais avec cette nouvelle collection, il y a la volonté de publier des auteurs provenant de toute la Francophonie canadienne, explique Élise Rivard. Avec Pigeon voyageur, ils veulent que les gens puissent découvrir une ville à travers une histoire et faire voyager les lecteurs à travers des villes canadiennes. Je ne trouvais pas que Trois-Rivières était bien exotique, mais l’éditrice aimait le fait que Trois-Rivières soit l’une des plus vieilles villes au Canada. C’est vrai que ça aurait été difficile de ne pas aborder tout le côté historique de la ville. »

C’est à ce moment qu’elle est allée consulter l’historien et membre des Faiseurs d’histoire Yannick Gendron pour essayer de cerner un sujet plus précis qui pourrait l’inspirer.

« On a brainstormé. J’avais déjà le sujet de la rivalité en tête. J’ai réalisé comment les préjugés peuvent être transmis d’une génération à l’autre. Je suis une fille de Trois-Rivières et je me souviens de commentaires que j’ai entendus dans ma famille. J’ai pu le constater en lisant des commentaires sur les réseaux sociaux de la Ville de Trois-Rivières. C’est encore dans le langage. Plus personnellement, je me rappelle quand je devais déménager il y a cinq ans. J’ai visité des endroits du côté du Cap-de-la-Madeleine et je me disais que je ne serais pas capable de vivre là et je me suis demandé d’où cette impression pouvait venir », raconte-t-elle.

Jusqu’à présent, toutes les possibilités sont sur la table: science-fiction, roman policier, roman historique, etc.

« Par exemple, le roman pourrait se dérouler 100 ans dans le futur. Peut-être que les changements climatiques auraient fait en sorte que le niveau de la rivière a tellement augmenté qu’elle aurait englouti une ville. Ou encore, on pourrait suivre un jeune d’une même famille sur plusieurs générations. Les possibilités sont infinies. J’aime aussi aller au-delà du ludique et de questionner différents sujets. Plus que de parler de rivalité, le roman pourrait aborder la question du sentiment d’appartenance, de fierté, d’amitié et pourrait questionner l’ouverture à l’autre et ce qui fait qu’on peut se rencontrer et s’entendre en dépit de la différence », note l’auteure.

« J’aime cette contrainte du territoire pour l’écriture du roman, ajoute-t-elle. J’ai toujours habité en Mauricie. Je vais essayer de ne pas trop verser dans le chauvinisme. De pouvoir nommer des lieux d’ici et inclure des quartiers significatifs, je pense que ça permettra de sentir qu’on se promène vraiment à Trois-Rivières et au Cap-de-la-Madeleine. Plus mes réflexions avancent, plus je constate que le territoire a une influence sur la grande comme la petite histoire. Quand je pense au Petit Chaperon rouge, l’histoire ne serait pas du tout la même si elle se déroulait au pôle Nord plutôt que dans une forêt. Le territoire, ça peut apporter beaucoup à une histoire. »

Des anecdotes pour nourrir le récit

Afin d’aller chercher le maximum d’avis sur la question de cette rivalité entre les deux territoires, Élise Rivard et Yannick Gendron, historien, ont réuni un panel d’invités pour en discuter lors d’une activité qui s’est tenue à la bibliothèque Maurice-Loranger plus tôt ce mois-ci.

François Roy, ancien directeur des communications de la Ville de Trois-Rivières et historien, Claude Alarie, président du défunt Mondial des amuseurs publics, Monique Leclerc, ancienne conseillère municipale à Cap-de-la-Madeleine et à Trois-Rivières après la fusion, ainsi que Sébastien Turgeon, ancien agent de communications pour la ville de Cap-de-la-Madeleine et ensuite à Trois-Rivières, ont échangé sur différents aspects de cette rivalité devant un public intéressé.

Ce fut notamment l’occasion d’aborder les manifestations de cette rivalité, comment les panélistes l’ont vécue, ce que la fusion est venue changer, la rivière Saint-Maurice comme frontière naturelle et la question du sentiment d’appartenance. Les membres du public ont également exprimé leurs commentaires et anecdotes sur ces questions.

« C’est intéressant parce qu’on va chercher des informations dans la mémoire des gens. Ça donne accès à une histoire qui ne se retrouve pas dans les manuels et à différentes anecdotes, indique Élise Rivard. J’aurais pu essayer d’imaginer ça seule dans mon coin, mais j’avais une belle occasion d’interpeller les gens de Trois-Rivières et du Cap-de-la-Madeleine sur ce sujet. Ça me permet aussi de commencer à intéresser les gens à mon projet et de montrer le travail de l’écrivain dans le processus. »

De ces échanges, elle a notamment retenu que la rivalité semblait plus forte il y a une cinquantaine d’années, de même que quelques irritants en lien avec les gens du Cap-de-la-Madeleine qui se sentent laissés pour compte sur certains enjeux, dont au niveau su sport. « C’est peut-être ce qui a contribué au sentiment que les gens du Cap se déplacent vers Trois-Rivières, mais que l’inverse se fait moins, mentionne-t-elle. J’ai aussi été surprise d’entendre beaucoup de gens souligner des points positifs à la fusion municipale. Je pensais qu’il y aurait eu de la chicane en lien avec ça. J’ai l’impression qu’au fil du temps, ça devient plus une rivalité économique. »

Écrire à la bibliothèque

Élise Rivard se déplacera deux journées du côté de la bibliothèque Gatien-Lapointe et deux autres à la bibliothèque Maurice-Loranger pour une résidence d’écriture à la fin du mois d’avril et au début du mois de mai. « Il y aura un affichage pour leur dire de venir me déranger. Les gens pourront voir ce que j’écris, comment j’écris et pourront venir me poser des questions, ce qu’est le travail d’écrivain. Je serai dans le secteur jeunesse pendant une journée, donc cela va de soi que si des jeunes viennent me voir, je vais en profiter pour leur poser des questions sur leurs perceptions en lien avec la rivalité et les chicanes et les écouter », souligne-t-elle.

Cet été, une activité familiale se tiendra aussi à Boréalis pour parler de l’histoire du Cap-de-la-Madeleine et de Trois-Rivières, toujours dans le but d’aller chercher un maximum d’idées pour l’écriture du roman jeunesse.

L’auteure trifluvienne, qui a obtenu une aide financière de 10 000 $ provenant du Programme de partenariat territorial de la Mauricie, espère avoir complété la première version du roman jeunesse qui pourrait s’intituler « Ma ville est meilleure que la tienne » vers le mois d’octobre.