Les travaux de construction limités dans un secteur de Trois-Rivières

La Ville de Trois-Rivières a adopté, mardi, une résolution de contrôle intérimaire concernant la gestion des eaux pluviales dans une partie des secteurs de Trois-Rivières et de Trois-Rivières-Ouest. Le règlement de contrôle intérimaire (RCI) qui en découlera aura des impacts sur la réalisation de travaux de construction dans le secteur visé.

Environ 8500 adresses sont touchées par le RCI.

L’objectif de la démarche est d’encadrer de manière plus stricte la redirection de nouveaux volumes d’eau dans le réseau pluvial et limiter les effets des fortes pluies sur les refoulements d’égout dans le secteur ciblé. Pour ce faire, le RCI restreint les nouvelles constructions et les projets résidentiels dans le secteur des bassins versants des cours d’eau Bettez, Lacerte et Milette.

« La première des solutions qu’on aurait pu envisager est celle de stopper toute nouvelle construction ou toute modification à des constructions existantes dans le secteur avec l’application d’un moratoire. On ne veut pas ça. On choisit d’opter pour un règlement de contrôle intérimaire qui nous permet d’un peu mieux baliser et, dans un certain cas, permettre la réalisation de travaux, moyennant certaines contraintes », explique le maire de Trois-Rivières, Jean Lamarche.

« On est peut-être parmi les premiers à le faire, mais il y en aura d’autres au Québec dans les prochains mois. Les plus gros entrepreneurs savent que c’est quelque chose qui se prépare », poursuit-il.

25 mètres carrés

Le RCI se base sur le fait qu’en évitant la minéralisation ou l’asphaltage des surfaces, cela permet à l’eau de pluie de s’infiltrer naturellement dans le sol, évitant ainsi d’engorger davantage le réseau pluvial.

Les nouvelles constructions, les agrandissements ou les modifications aux immeubles, tant résidentiels qu’industriels, seront autorisés uniquement si après les travaux, le volume d’eau redirigé vers le réseau est égal ou moindre qu’avant l’intervention.

« Les citoyens propriétaires seront limités dans les travaux qu’ils pourront effectuer, avise Dominic Thibeault, directeur de l’aménagement et du développement durable à la Ville de Trois-Rivières. Ce sera le cas pour l’asphaltage d’une entrée, la construction d’un garage ou, selon le projet, l’aménagement d’une terrasse dans la cour ou la construction d’un cabanon. Si le projet dépasse 25 mètres carrés en superficie, il sera assujetti au RCI et devra passer le test du calcul des rejets d’eau dans le réseau pluvial. »

La Ville priorisera également les projets de densification aux endroits où le réseau d’égout est capable de les accueillir. « La loi nous permet depuis peu de retirer certains projets des étapes d’approbation référendaire pour les prioriser. La Ville pourra se prémunir de ces nouveaux pouvoirs au besoin », note M. Thibeault.

Les personnes résidant ou qui ont un projet de construction résidentielle dans le secteur qui ne détiennent pas de permis de travaux en date du 3 juillet sont maintenant assujettis aux conditions prescrites par le RCI. « Un promoteur qui est en préparation et qui prévoyait déposer son projet dans ce secteur la semaine prochaine devra possiblement retourner à la table à dessin, précise M. Thibeault. Les promoteurs qui ont de plus gros projets ont des architectes et des ingénieurs impliqués pour faire les calculs de rétention sur le terrain. Par contre, pour de plus petits promoteurs qui veulent réaliser deux ou trois portes, ça représente des contraintes de plus. »

« On va se positionner pour bien accompagner les citoyens et les promoteurs et recevoir les demandes des gens et s’assurer que tout est conforme. C’est un bon défi pour l’équipe des permis aussi. »

Il est prévu que le règlement de contrôle intérimaire ait une durée de trois à cinq ans. Notons que certains secteurs pourraient être retirés du RCI au fur et à mesure que des travaux seront réalisés sur le réseau pluvial.

« À court terme, pour le pluvial, il ne devrait pas y avoir d’autres RCI ailleurs dans la ville. Les trois bassins qui nous touchent particulièrement sont ceux des rivières Bettez, Lacerte et Milette. D’autres sont problématiques, cependant. On commence d’ailleurs l’analyse de ces bassins, explique Mme Larocque. Auparavant, on n’avait pas de ressources expertes à l’interne, mais on vient d’embaucher une personne, ce qui nous permettra de travailler sur un plan directeur du réseau pluvial. On est au début de l’analyse. »

Crise de l’habitation

La population est passée de 134 012 personnes en 2014 à 144 472 en 2024. La Ville de Trois-Rivières se doute que la demande ne faiblira pas au cours des prochaines années, entre autres en raison de la migration vers les régions que l’on constate depuis la pandémie, ainsi que le développement de la Vallée de la transition énergétique. La Ville estime une croissance de 5% de la population à Trois-Rivières dans les cinq prochaines années et prévoit avoir besoin de 16 500 portes additionnelles d’ici 2041.

« On fait face à une crise de l’habitation et il faut construire de nouveaux logements, mais dans ce secteur, le réseau pluvial n’arrive pas à soutenir l’importante demande, surtout qu’avec les changements climatiques, nos pluies de récurrence 0-100 ans d’autrefois surviennent maintenant plusieurs fois par été, mentionne M. Lamarche. Ce que les gens qui vivent dans le coin de la rue Marion, c’est la conséquence directe de ce qu’il se passe dans les rivières Bettez, Lacerte et Milette. La beauté du RCI, c’est qu’on peut faire un périmètre. Ça permet une souplesse que le moratoire n’offre pas. »

Entre 2021 et 2023, la Ville a reçu 1 079 réclamations, dont 710 étaient dues aux fortes pluies, sur l’ensemble du territoire trifluvien et a dû débourser plus de 1,1 M$ en dédommagements liés à des refoulements et des dégâts d’eau pour cette période.

« Si on avait choisi d’imposer un moratoire, ça aurait été peut-être plus sur le plan administratif, mais on aurait interrompu la construction dans un secteur important de la ville. On ne voulait pas ça. On fait face à deux crises: celle de la gestion des infrastructures pour répondre aux nouvelles réalités et travailler pour régler la crise du logement, lance le maire. Ça peut être choquant d’avoir un RCI appliqué dans son secteur, mais un moratoire aurait été pire. »

Sonia-Karine Larocque, codirectrice par intérim de la direction du génie, Dominic Thibeault, directeur de l’aménagement et du développement durable, et le maire Jean Lamarche. (Photo Marie-Eve Alarie)

Un demi-milliard de dollars à investir

En parallèle de ce nouveau règlement, la Ville mettra d’autres chantiers en œuvre pour protéger la capacité du réseau du secteur. L’ajout d’un fossé en bordure de l’autoroute 55, entre l’autoroute 40 et le boulevard Gene-H.-Kruger, pour détourner une partie des eaux pluviales qui y transigent figure parmi les réalisations à venir. Estimé à 8 M$, ce projet est d’ailleurs inscrit au Programme triennal d’immobilisations 2025-2026-2027.

« La capacité limitée de nos infrastructures rend difficile le soutien du rythme souhaité de développement de nouveaux logements, affirme le maire. Depuis janvier, on a des demandes de permis pour 600 nouveaux logements qui ont été traitées et ça n’arrêtera pas. Je ne vois pas comment on peut améliorer considérablement la situation de l’habitation si on n’augmente pas le nombre de portes, surtout avec le développement de la Vallée de la transition énergétique qui amènera beaucoup de travailleurs ici. C’est un double défi. »

Trois-Rivières estime qu’il faudra investir un demi-milliard de dollars sur 20 ans pour réaliser les travaux nécessaires sur le réseau sanitaire du territoire. Des investissements seront notamment requis pour moderniser des postes de pompage, plusieurs approchant du seuil de fin de vie utile.

« Il faut éliminer les réseaux combinés pluvial et égout pour construire des réseaux séparatifs. Ça permettra de soulager toute la chaîne de traitement. Il y aura des investissements majeurs à faire dans les infrastructures pluviales. Les fortes précipitations, de plus en plus fréquentes avec les changements climatiques, accentuent les conséquences sur le réseau pluvial et dans d’autres bassins versants de la ville », prévient Sonia-Karine Larocque, codirectrice par intérim de la direction du génie.

Le maire Lamarche souhaite l’aide du gouvernement du Québec pour la suite des choses. L’assouplissement temporaire des exigences en cas de débordement, l’allègement des procédures pour accélérer la mise en place de nouvelles constructions et une hausse du financement pour mettre à niveau l’ensemble des réseaux d’eau potable et d’eaux usées font partie des demandes formulées au gouvernement. 

Séance d’information le 10 juillet

Afin de répondre aux questions de la population concernée par le RCI, la Ville de Trois-Rivières tiendra une séance d’information le mercredi 10 juillet, de 19h à 21h, au Complexe Laviolette (2203, boul. des Forges). Les personnes intéressées à participer doivent obligatoirement s’inscrire en ligne au v3r.net ou par téléphone au 311. Cependant, les personnes qui ne peuvent se déplacer pour assister à la séance d’information pourront l’écouter à distance puisqu’une webdiffusion sera disponible sur le v3r.net.