« J’ai eu peur d’avoir perdu ma flamme pour la politique »

Au printemps dernier, la conseillère municipale Sabrina Roy a frappé un mur. Ça n’allait plus. Elle était épuisée et ne se reconnaissait plus. Tout l’affectait. « Je n’avais plus de carapace. Je sentais que mon disque dur interne était plein. »

Finalement, c’est son conjoint qui lui a ouvert les yeux sur son épuisement professionnel. « Il m’a dit:  »Là, ma chérie, ça ne fonctionne pas. Va voir ton médecin. » En fait, j’aurais dû arrêter pas mal à ce moment, au printemps, ce que je n’ai pas fait. J’ai tardé à le faire. J’ai attendu jusqu’au début du mois de juillet. Et puis, un arrêt de travail chez un élu, ça n’existe pas vraiment, en ce sens où l’information, on la voit partout. J’allais à l’écocentre et je me faisais parler de plein de choses. Partout où j’allais, c’était toujours dans ma vie », confie celle qui est revenue à son poste il y a deux semaines.

Durant cet arrêt de travail de plusieurs mois, Sabrina Roy s’est beaucoup remise en question.

« J’ai dû faire une grosse introspection. Est-ce que c’est moi, après 10 ans, qui ne suis plus faite pour cette fonction? Est-ce que c’est à cause de l’ambiance de travail? Est-ce que c’est à cause de la façon dont j’accueille ou ressens les choses? Je suis allée chercher les ressources dont j’avais besoin. »

« Au début en particulier, ça a été dur. Je me suis toujours vue comme une guerrière dans la vie. Je n’avais jamais vraiment fait de pause depuis mon entrée en politique. Je n’ai pas pris de congé de maternité lorsque j’ai eu mes deux enfants ni lorsque j’ai perdu ma mère. Il y a plein de choses qui arrivent dans la vie, mais je continuais quand même et je ne ralentissais pas. Alors cette fois-ci, je me disais que je l’avais déjà fait et que j’étais encore capable de continuer au même rythme et que j’allais reprendre le dessus. Mais non. Et ça a été difficile d’accepter de prendre ce temps pour moi. »

Une question de respect

Depuis ce mandat débuté en 2021, elle est la troisième élue du conseil municipal de Trois-Rivières à avoir vécu un épisode d’épuisement professionnel. Ce mandat semble d’ailleurs assez difficile dans l’ensemble du Québec, car depuis les dernières élections municipales, un élu sur dix a démissionné de son poste à travers la province pour différentes raisons, d’après de récentes données d’Élections Québec.

La conseillère municipale du district de la Madeleine admet qu’elle a hésité avant d’accepter d’accorder cette entrevue, mais a souhaité le faire dans l’espoir que ce témoignage conscientise à l’importance du respect et du fait que derrière le politicien, il y a d’abord un être humain. 

« On a tendance à déshumaniser les politiciens. J’ai l’impression que les gens oublient parfois qu’ils interagissent avec un humain ayant des émotions quand ils s’adressent à nous ou qu’ils parlent de nous. Je pense qu’il y a un respect en général qui se perd depuis quelques années, note Sabrina Roy. Les gens sont moins tolérants. »

Parfois, ce sont les termes qui sont utilisés par des personnes qui blessent particulièrement. « On a beau avoir une grosse carapace en politique, mais le manque de respect, ça peut nous affecter quand même. C’est tellement facile de se cacher derrière un écran pour dire des niaiseries, dénigrer, menacer. »

Dorénavant, elle entend mettre davantage ses limites. Elle en a déjà donné un aperçu lors de sa première séance de travail du conseil municipal depuis son retour, alors qu’elle a émis une remarque sur le ton mordant d’un collègue durant une discussion. « Mettre mes limites, j’y tiens. Je ne peux plus vivre le manque de respect. Je veux plus suivre mon rythme et j’ai aussi arrêté de lire les commentaires sur les réseaux sociaux. Ça dérape souvent. »

La flamme continue de briller

Et aujourd’hui?

« J’avais hâte de revenir! J’ai encore la flamme pour la politique municipale. Je suis enthousiaste, surtout qu’il y a de beaux projets sur la table dans le Bas-du-Cap. »

Elle est emballée par les travaux qui débuteront bientôt sur le boulevard Sainte-Madeleine, tout comme le projet du nouveau quartier urbain durable Le Relais qui s’installera sur le terrain de l’ancienne usine Aleris. 

« Mais je suis aussi consciente que cette flamme, elle aurait pu s’éteindre. J’ai eu peur d’avoir perdu ma flamme pour la politique pour toujours. Mais elle est revenue et elle brille toujours. Je n’ai pas fini d’apporter ce que je voulais apporter pour le Bas-du-Cap », conclut-elle.