Halte-chaleur: les citoyens expriment leurs inquiétudes
Environ 25 personnes ont pris part à l’assemblée citoyenne organisée par le Centre Le Havre au sujet de ses projets de Halte-chaleur et de maison de chambres dans le secteur Cap-de-la-Madeleine.
Les gens présents ont notamment remis en question le choix de l’emplacement pour installer cette Halte-chaleur. La proximité entre la Halte, qui sera située dans l’ancien restaurant PFK du secteur Cap-de-la-Madeleine, et la Maison des aînés et des résidences pour aînés des environs suscite des inquiétudes.
« L’implantation de la Halte-chaleur à cet endroit est liée au fait que c’est proche du centre-ville, explique Karine Dahan, directrice générale du Centre Le Havre. C’est juste après les deux ponts et ce n’est pas très loin des services. On a aussi fait nos devoirs en ce qui a trait au zonage du lot. Il s’agit d’un zonage commercial, mais plusieurs autres usages y sont également autorisés, dont la possibilité d’un hébergement collectif. C’est une des raisons pour lesquelles la Maison des aînés a pu s’installer sur le terrain voisin. Quand on a eu l’opportunité de louer le local de l’ancien PFK, on s’est assuré d’avoir le droit d’y implanter l’activité.
« La proximité des services est importante également, car la réalité des personnes en situation de rue, c’est qu’en journée, elles doivent pouvoir retourner vers les services, qui sont principalement au centre-ville, ajoute Mme Dahan. Il fallait un lieu excentré, mais pas trop parce que si on les envoie sur la rue des Prairies, c’est beaucoup plus compliqué de toucher tout le monde et de les ramener vers les services et ressources ouvertes en journée. On a aussi de la chance d’avoir le terminus d’autobus en face. »
Elle mentionne aussi que la Halte-chaleur, qui sera ouverte de 20h à 8h le lendemain matin, ne devrait pas affecter les personnes qui résideront à la Maison des aînés voisine. « En journée, les personnes restent libres de leurs mouvements. Personne n’est maître d’où les gens vont se déplacer. Je n’ai pas de pouvoir d’ordre public ni de sécurité publique, mais je peux garantir que les gens qui viendront à la Halte le soir ne sont plus là le matin », précise-t-elle.
Plusieurs intervenants du Centre Le Havre étaient présents pour répondre aux questions des citoyens et les rassurer. (Photo Marie-Eve Alarie)
Un service de transport des personnes en situation de rue qui souhaiteront se mettre à l’abri pour la nuit à la Halte-chaleur sera assuré par des chauffeurs du Centre Le Havre. Les lieux de ralliement identifiés sont Ebyôn, entraide du Cap (rue Sainte-Irénée), Le refuge du Havre (rue Sainte-Julie), le Centre Le Havre (rue Brébeuf), devant le Tim Horton du boulevard Jean XXIII et à la station-service du Canadian Tire du boulevard des Forges.
Il est d’ailleurs prévu que les organismes Ebyôn et Tandem étendent leurs heures d’ouverture jusqu’à 20h pour que les personnes puissent y attendre les chauffeurs pouvant les mener à la Halte-chaleur.
Mme Dahan rappelle qu’à la fermeture de la Halte-chaleur à 8h le matin, les bénéficiaires seront reconduits vers des ressources comme Ebyôn, Tandem et Point de rue pour la journée puisque la Halte demeurera fermée durant la journée. L’exception serait des conditions climatiques exceptionnelles qui s’avéreraient dangereuses pour le transport des personnes ou des températures dangereuses pour la survie à l’extérieur. Elle cite en exemple une violente tempête de neige ou encore un vortex polaire qui entraîne des températures inférieures à -40 degrés Celsius.
L’itinérance dans le secteur Est
Des citoyens sont également préoccupés par la possibilité de voir le phénomène de l’itinérance s’accentuer dans le secteur Est avec la présence de la Halte-chaleur cet hiver.
« Qu’on soit là ou non, il y a déjà de l’itinérance dans le secteur, souligne Karine Dahan. Le constat de nos collègues d’Ebyôn, c’est qu’il y a de plus en plus de personnes en situation de rue dans le secteur Est. Les personnes du secteur Cap-de-la-Madeleine ne passent pas le pont pour aller chercher des services au centre-ville. Il y a un noyau de personnes itinérantes au Cap. »
Quant aux inquiétudes en lien avec la dangerosité des personnes en situation de rue, le Centre Le Havre rappelle de faire attention aux amalgames.
« Il y a des personnes qui ont des problèmes de santé mentale ou des troubles de consommation. On stigmatise les personnes en situation de rue, mais on n’a pas à avoir peur. Si la sécurité est en jeu, appelez la police au même titre que vous le feriez si n’importe qui vous attaque », avise Sébastien Girard, intervenant mobile au sein de l’équipe du Centre Le Havre.
« Je comprends ces peurs que vous nommez, mais il faut faire attention à ne pas faire l’amalgame entre itinérance et violence. Itinérant ne veut pas dire violent, note Dany Lacroix, directeur général adjoint du Centre Le Havre. Il y a déjà un noyau dans le secteur Est. Soit on les ignore, soit on essaie de les aider. Ne pas vouloir mettre des services près des gens, c’est presque de les ignorer. »
Lors des deux derniers hivers, Ebyôn accueillait en moyenne cinq ou six personnes à son service de halte-chaleur. Pour sa part, le Havre s’attend à recevoir une quinzaine de personnes lors des plus grosses nuits durant l’hiver à la Halte-chaleur. Le lieu a cependant une capacité de 20 à 30 personnes en cas de besoin.
Karine Dahan, directrice générale du Centre Le Havre, devant le bâtiment qui abritera la Halte-chaleur cet hiver. (Photo Marie-Eve Alarie)
Un partenariat avec la police
L’équipe du Centre Le Havre a travaillé sur un partenariat avec la Direction de la police de Trois-Rivières pour l’hiver, de sorte que si la police reçoit un appel concernant une personne en situation d’itinérance qui semble en mauvaise posture, la police peut évaluer la personne. Si cette dernière ne semble pas avoir besoin d’un service d’urgence, mais qu’elle a besoin d’un abri, la police pourra appeler un chauffeur de la Halte-chaleur pour venir chercher la personne et la reconduire à la Halte.
« Ça permet de libérer une voiture de patrouille et d’éviter que le 9-1-1 devienne un taxi d’hiver et de nuit, indique Mme Dahan. Le policier a l’avantage d’avoir des moyens coercitifs que l’intervenant psychosocial n’a pas si une personne cause des préjudices. Le seul outil qu’on a pour maîtriser quelqu’un, ce sont nos mots. Il faut remettre les missions à chacun. L’ordre public, ça relève de la police et non des organismes communautaires qui œuvrent auprès des personnes en état de vulnérabilité. »
Une deuxième assemblée au programme
Les conseillers municipaux Sabrina Roy, Daniel Cournoyer, Pierre-Luc Fortin et Pascale Albernhe-Lahaie étaient présents durant l’assemblée citoyenne. La conseillère du district de la Madeleine, Sabrina Roy, s’est dite satisfaite de l’exercice.
« Je trouve que le Havre a bien répondu aux questions. Les gens ont pu nommer leurs inquiétudes et préoccupations. C’est normal de ressentir de l’inquiétude, car c’est de l’inconnu. Il y a aussi eu la situation entourant la Halte-douceur, au centre-ville, l’an passé. Ce sont deux projets différents et il faut faire attention à ne pas les comparer. Je comprends qu’il n’y a pas d’endroit idéal, mais ce projet peut sauver des vies. C’est important de le faire et il faut penser aux humains qui sont dans cette situation », commente-t-elle.
« Les gens du Havre ont rassuré les personnes présentes. Je les sens aussi proactifs dans le dossier. Ce sont des gens de terrain et on a compris que s’il y avait des problèmes, ils interviendraient rapidement », ajoute Mme Roy.
Il a été convenu de réorganiser une assemblée citoyenne au milieu de l’hiver pour faire le suivi sur la situation et le fonctionnement de la Halte-chaleur. La proposition a été accueillie positivement par l’assemblée.
La Halte-chaleur ouvrira au plus tard le 2 décembre. La Halte-chaleur sera dès lors ouverte de 20h à 8h, sept jours sur sept jusqu’au 15 avril 2025.